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L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

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p.66 sur 112<br />

personnage démoniaque qui se serait emparé d'un autre, le <strong>du</strong>c d'Orléans, seulement faible et<br />

mauvais parce qu'insensible. Toutefois l'aspect démoniaque <strong>de</strong> Mme <strong>de</strong> Genlis sous <strong>la</strong> plume <strong>de</strong><br />

Rivarol n'est qu'une réponse à sa tare <strong>de</strong> nature, ainsi qu'à l'outrage <strong>du</strong> temps. Instrumentalisant le<br />

<strong>du</strong>c d'Orléans, elle-même est <strong>la</strong> proie <strong>de</strong> quelque chose <strong>la</strong> dépassant, qu'elle tente <strong>de</strong> dépasser par <strong>la</strong><br />

révolution, ce qui ne l'amène qu'à <strong>la</strong> barbarie <strong>de</strong> <strong>la</strong> terreur et qu'à <strong>la</strong> honte : « Le ciel ayant refusé le<br />

charme <strong>de</strong> l'innocence à sa jeunesse et <strong>la</strong> magie <strong>du</strong> talent à ses pro<strong>du</strong>ctions littéraires, elle n'a trouvé<br />

que <strong>dans</strong> <strong>la</strong> révolution <strong>de</strong> quoi se dédommager <strong>de</strong>s outrages <strong>du</strong> temps et <strong>de</strong> cette avarice <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

nature. » (A, p.94)<br />

7) L'assomption <strong>du</strong> tragique<br />

Au beau milieu <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> tragique que peint <strong>l'Anthologie</strong> <strong>du</strong> <strong>portrait</strong>, il est possible<br />

<strong>de</strong> trouver un exemple d'assomption <strong>du</strong> <strong>de</strong>stin <strong>dans</strong> le <strong>portrait</strong> que Talleyrand fait <strong>de</strong> Sieyès. En<br />

effet, ce <strong>de</strong>rnier atteint une « sorte <strong>de</strong> grâce » (A, p.154) lorsqu'il p<strong>la</strong>isante avec les femmes. Alors<br />

même qu'il ne peut rien en faire puisque « une indisposition naturelle lui interdisait le commerce<br />

<strong>de</strong>s femmes » (A, p.154). La « grâce » le touche par ses talents à assumer une situation qui n'a pour<br />

fin que l'échec. En ce<strong>la</strong>, Sieyès est ici un « homme tragique » et il atteint <strong>la</strong> « grâce » en assumant <strong>la</strong><br />

fatalité. Cette assomption est parfois évoquée chez <strong>Cioran</strong>, lorsqu'il évoque le mystère <strong>de</strong> l'existence<br />

<strong>dans</strong> les entretiens qu'il a donnés à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> sa vie : « si <strong>la</strong> vie a quelque chose <strong>de</strong> mystérieux, c'est<br />

justement ça, que sachant ce que vous savez, vous êtes capables <strong>de</strong> faire un acte qui est nié par votre<br />

savoir. (...) Parce que cet homme qui avait tout dépassé, qui ne croyait plus absolument à rien, qui<br />

avait pu s'amouracher et commettre cet acte impru<strong>de</strong>nt qu'est le mariage et avoir un enfant, cette<br />

contradiction entre son savoir et ses actes donne une dimension mystérieuse à <strong>la</strong> vie et en un certain<br />

sens <strong>la</strong> rachète. Je ne crois pas que c'est <strong>la</strong> peine <strong>de</strong> se <strong>la</strong>ncer <strong>dans</strong> <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> théories métaphysiques<br />

sur ce qu'est le mystère, etc., c'est ça le mystère, qu'on puisse faire quelque chose qui est en<br />

contradiction avec tout ce que vous savez. Donc, c'est une sorte d'aventure, <strong>de</strong> folie. » (E, p.93).

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