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L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

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p.102 sur 112<br />

d'intérêt : « La maxime (...) constitue (...) un exercice <strong>de</strong> pu<strong>de</strong>ur, puisqu'elle permet que l'on<br />

s'arrache à <strong>la</strong> pléthore verbale et que l'on en saisisse l'inconvenance et l'inanité. » (A, pp. 15-16).<br />

L'une <strong>de</strong>s mémorialistes <strong>de</strong> L'Anthologie <strong>du</strong> <strong>portrait</strong>, madame Vigée Le Brun, est justement connue<br />

pour possé<strong>de</strong>r « <strong>la</strong> capacité à extraire [<strong>de</strong> son époque], d'une seule phrase, <strong>la</strong> quintessence » 76 .<br />

Maxime dé<strong>la</strong>yée ou étoffée, éc<strong>la</strong>tée chez Saint-Simon, le <strong>portrait</strong> est ainsi pour <strong>Cioran</strong><br />

une forme littéraire dont le fond est digne d'intérêt, sous le dé<strong>la</strong>yage qu'il tient en horreur : « Si je<br />

dois quelque chose aux moralistes français, c'est le culte <strong>de</strong> <strong>la</strong> concision, l'horreur <strong>du</strong> dé<strong>la</strong>yage. »<br />

(C, p.872). On retrouve là une analogie avec sa conception <strong>de</strong> l'homme : sous une partie superflue<br />

approfondie à tort, qui correspond à l'homme extérieur, au dé<strong>la</strong>yage <strong>de</strong> <strong>la</strong> maxime qui donne le<br />

<strong>portrait</strong>, est tapi ce qui correspond à une vérité intangible, essentielle, l'homme intérieur, ou <strong>la</strong><br />

maxime à l'origine <strong>du</strong> <strong>portrait</strong>. Il serait fastidieux <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à présent à l'énumération <strong>de</strong> ce qu'il<br />

est possible <strong>de</strong> considérer comme les maximes clés <strong>de</strong> chaque <strong>portrait</strong>, d'autant plus qu'un bon<br />

nombre d'entre elles a déjà été cité <strong>dans</strong> les pages qui précè<strong>de</strong>nt. En effet, il s'agit à chaque fois <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> partie <strong>du</strong> <strong>portrait</strong> qui exprime le mieux cette idée <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>chute</strong>.<br />

Cette fragmentation <strong>de</strong>s <strong>portrait</strong>s renvoie à celle <strong>de</strong>s <strong>portrait</strong>urés. En effet, il est possible<br />

<strong>de</strong> trouver <strong>dans</strong> <strong>l'Anthologie</strong> <strong>du</strong> <strong>portrait</strong> <strong>de</strong> nombreuses <strong>de</strong>scriptions d'êtres profondément marqués<br />

par l'idée <strong>de</strong> fragment, parmi lesquels on compte Fontenelle : « il est difficile <strong>de</strong> vivre beaucoup <strong>de</strong><br />

temps <strong>dans</strong> un quart d'heure quand on n'aime que l'épigramme. » (A, p.57) dit <strong>de</strong> lui son <strong>portrait</strong>iste.<br />

Selon Dumont, Mirabeau également, est victime <strong>de</strong> « <strong>la</strong> manie <strong>du</strong> trait » (A, p.103) : il profite <strong>de</strong>s<br />

livres <strong>de</strong>s autres <strong>dans</strong> son métier d'auteur, pour faire briller ces fragments, et pour aboutir « à un<br />

travail dont il <strong>de</strong>vait seul retirer <strong>la</strong> gloire ». <strong>Cioran</strong> affirme également, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> préface à propos <strong>du</strong><br />

Régent que « tout était pour lui prétexte à bouta<strong>de</strong> ou à formule ». (A, p.21) Le goût pour le<br />

fragment renvoie à une pratique auctoriale <strong>de</strong>s notes éparses : ainsi Mme Coislin écrit sur <strong>de</strong>s<br />

adresses <strong>de</strong> lettres, détachées <strong>de</strong>s lettres. La finitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce travail est toujours en question : le<br />

76 Maurepas Arnaud et Brayart Florent, Les Français vus par eux-mêmes, le XVIII e siècle, Robert Laffont, coll.<br />

Bouquins, 1996, p.1329

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