14.06.2014 Views

L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

p.43 sur 112<br />

Une personne d'un esprit aussi délicat que juste, et qui l'a bien connue, disait <strong>de</strong> Mme<br />

Récamier : « elle a <strong>dans</strong> le caractère ce que Shakespeare appelle milk of human kindness (le <strong>la</strong>it<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> bonté humaine), une douceur tendre et compatissante. Elle voit les défauts <strong>de</strong> ses amis,<br />

mais elle les soigne en eux comme elle soignerait leurs infirmités physiques ». (A, pp 233-234).<br />

Compatissante et tendre, elle est l'antinomie <strong>de</strong>s caractères taciturnes et insensibles représentés par<br />

les <strong>portrait</strong>istes <strong>de</strong> <strong>l'Anthologie</strong> <strong>du</strong> <strong>portrait</strong>. C'est également le cas <strong>de</strong> Julie Talma, qui possè<strong>de</strong> à <strong>la</strong><br />

fois « bonté naturelle » et « générosité <strong>de</strong> (...) caractère » (A, p.211) lorsqu'elle est décrite par un<br />

Benjamin Constant dont on sent bien peu d'acrimonie <strong>dans</strong> <strong>la</strong> plume. Louis Napoléon est un autre<br />

contre-exemple, puisque c'est une « âme douce et même assez tendre » (A, p.278). <strong>L'idée</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

<strong>chute</strong>, par ailleurs, ne se manifeste pas chez lui par l'échec, mais par une gran<strong>de</strong> réussite malgré sa<br />

médiocrité.<br />

4) L'arrêt <strong>de</strong> toute activité ou « inhibition psychomotrice »<br />

L'inhibition <strong>de</strong> toute activité mène à l'ennui et l'inaction, qui touchent plusieurs<br />

<strong>portrait</strong>urés <strong>de</strong> <strong>l'Anthologie</strong> <strong>du</strong> <strong>portrait</strong>. Ainsi, le Régent est marqué par ce symptôme <strong>de</strong>puis<br />

l'origine selon Saint-simon : « il était né ennuyé » (A, p.43). Brienne est victime d'une « oisive<br />

incapacité » (A, p.76). Talleyrand est victime <strong>du</strong> « désœuvrement » (A, p.176), quant à Mme <strong>de</strong><br />

Coislin, elle « restait couchée jusqu'à <strong>de</strong>ux heures après midi » à écrire « en tout sens ses pensées »<br />

(A, p.180).<br />

Au contraire, on trouve <strong>dans</strong> <strong>l'Anthologie</strong> <strong>du</strong> <strong>portrait</strong>, <strong>de</strong>s <strong>portrait</strong>urés qui font preuve<br />

d'une activité et d'une débauche d'énergie sans égale. Mais c'est alors un besoin d'agir compulsif,<br />

qui confine à <strong>la</strong> phase maniaque. C'est le cas pour Lafayette, vu par Charles <strong>de</strong> Rémusat :<br />

Il voulût être, presque en même temps et toujours également bien, gentilhomme, citoyen,<br />

philosophe, patriote, phi<strong>la</strong>nthrope, guerrier, politique, tenir le premier rang <strong>dans</strong> les salons, <strong>dans</strong><br />

le cabinet, <strong>dans</strong> les assemblées, <strong>dans</strong> les camps, et sans négliger l'art <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ire aux femmes,<br />

<strong>de</strong>venir encore le modèle <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> famille, <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie intérieure, cher aux siens comme au

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!