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L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

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p.70 sur 112<br />

p.229). En ces instants, son bonheur présent est gâché par <strong>la</strong> remémoration <strong>de</strong> ses erreurs ou <strong>de</strong> sa<br />

condition humaine. La lucidité <strong>de</strong> Custine est le pro<strong>du</strong>it <strong>de</strong> son rejet à cause <strong>de</strong> son homosexualité.<br />

Phi<strong>la</strong>rète <strong>de</strong> Chasles mentionne ainsi sa « conscience austère pliant sous le far<strong>de</strong>au <strong>de</strong> <strong>la</strong> honte » (A,<br />

p.261). Cette lucidité est, selon <strong>Cioran</strong>, le fait <strong>de</strong>s contemporains <strong>de</strong>s <strong>portrait</strong>urés <strong>de</strong> <strong>l'Anthologie</strong> <strong>du</strong><br />

<strong>portrait</strong>, et ce au plus haut point :<br />

Le malheur veut qu'une fois luci<strong>de</strong>, on le <strong>de</strong>vienne toujours davantage ; nul moyen <strong>de</strong> tricher ou<br />

<strong>de</strong> reculer. Et ce progrès s'accomplit au détriment <strong>de</strong> <strong>la</strong> vitalité, <strong>de</strong> l'instinct. (...) Tout était<br />

cérébral chez ces esprits, même le spasme. Phénomène plus grave encore, une telle altération<br />

<strong>de</strong>s sens, au lieu d'affecter seulement quelques isolés, <strong>de</strong>vint <strong>la</strong> déficience, <strong>la</strong> malédiction d'une<br />

c<strong>la</strong>sse, exténuée et vidée par <strong>la</strong> pratique constante <strong>de</strong> l'ironie. ( A, pp.25-26)<br />

C'est en quoi l'époque choisie par <strong>Cioran</strong> pour constituer une <strong>l'Anthologie</strong> <strong>du</strong> <strong>portrait</strong> est une<br />

époque <strong>de</strong> moralistes.<br />

2) Le moraliste<br />

<strong>Cioran</strong>, définit le véritable moraliste ainsi :<br />

[Il] se propose pour tâche <strong>de</strong> connaître les autres et <strong>de</strong> se définir soi-même, entreprise ingrate s'il<br />

en fut, notre nature répugnant à prendre conscience d'elle-même parce qu'elle n'y parvient qu'au<br />

détriment <strong>de</strong>s actes, et qu'il y a incompatibilité entre connaître et agir. Obnubilés par le faire,<br />

par <strong>la</strong> coïnci<strong>de</strong>nce <strong>du</strong> moi et <strong>de</strong>s choses, nous sommes portés à nous manifester, à nous<br />

i<strong>de</strong>ntifier à ce qui nous échappe et nous résiste ; mais quand nous nous connaissons, nous<br />

sommes également extérieurs à nous-mêmes et au mon<strong>de</strong>. (...) Il s'y connaît en hommes, parce<br />

qu'il a le rare malheur <strong>de</strong> se connaître. (A, p.14)<br />

Pour <strong>Cioran</strong>, ce « rare malheur <strong>de</strong> se connaître » s'accompagne d'une certaine haine <strong>de</strong><br />

soi, puisque celle-ci émerge <strong>de</strong> <strong>la</strong> conscience : « Etre conscient, c'est être divisé d'avec soi, c'est se<br />

haïr. » (Œ, p.946). Cette haine est néfaste en ce qu'elle est douloureuse, mais elle est simultanément<br />

un moyen d'acquérir connaissance et lucidité : « Cette haine nous travaille à notre racine, en même<br />

temps qu'elle fournit <strong>la</strong> sève à l'Arbre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Science. » (Œ, p.946). Ainsi, chez <strong>Cioran</strong>, cet état

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