Haïti: les chemins de la transition - Small Arms Survey
Haïti: les chemins de la transition - Small Arms Survey
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faire et <strong>de</strong> perdre <strong>de</strong> sa crédibilité. Le CCI manque en outre cruellement <strong>de</strong><br />
capacités <strong>de</strong> mise en œuvre du fait que 20% seulement <strong>de</strong>s 1,085 milliard <strong>de</strong><br />
dol<strong>la</strong>rs promis pour restaurer <strong>la</strong> paix ont été versés 13 . Les parties concernées<br />
s’impatientent et il importe <strong>de</strong> remédier rapi<strong>de</strong>ment à <strong>la</strong> situation 14 .<br />
Haïti est prise dans une instabilité politique chronique. Pendant ces <strong>de</strong>ux<br />
<strong>de</strong>rnières années au moins, <strong>la</strong> société et l’État ont implosé, tandis que <strong>de</strong>s<br />
pouvoirs armés s’imp<strong>la</strong>ntent à <strong>la</strong> périphérie. Pour certains observateurs, une<br />
tradition <strong>de</strong> pouvoir local (par opposition à national) s’est consolidée dans<br />
<strong>les</strong> années 90, sous le régime Aristi<strong>de</strong>, puis dans <strong>les</strong> années qui ont suivi son<br />
élection et son retour en 2001. Dans certaines communautés, <strong>de</strong>s chefs locaux<br />
religieux, administratifs, voire criminels, en sont arrivés à exercer une mainmise<br />
<strong>de</strong> plus en plus ferme sur le pouvoir militaire, économique et politique.<br />
Contrairement à l’élite militaire et économique nationale, qui ne se préoccupe<br />
que d’intérêts commerciaux étroits, <strong>les</strong> lea<strong>de</strong>rs locaux préten<strong>de</strong>nt souvent agir<br />
au nom <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion locale. Leurs allégeances nationa<strong>les</strong> sont <strong>la</strong>bi<strong>les</strong>, variant<br />
au gré <strong>de</strong>s avantages matériels que leur confère le rapprochement avec tel ou<br />
tel parti national. Beaucoup d’entre eux ont émergé à <strong>la</strong> faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> phase <strong>de</strong><br />
violence <strong>de</strong>s années 90 et doivent leur crédibilité au fait d’avoir été rejetés par<br />
l’ancienne junte militaire du Général Raoul Cédras (1996–2000).<br />
La situation économique actuelle est précaire 15 . Les gouvernements successifs<br />
ont été aux mains d’une élite non représentative, corrompue, qui a <strong>la</strong>rgement<br />
recouru à <strong>la</strong> force pour faire valoir ses intérêts. Les activités commercia<strong>les</strong> en<br />
Haïti sont très monopolistiques, à telle enseigne que Transparency International<br />
a p<strong>la</strong>cé le pays en tête <strong>de</strong> son palmarès <strong>de</strong> <strong>la</strong> corruption dans son étu<strong>de</strong> portant<br />
sur 146 pays en 2004 16 . Parmi <strong>les</strong> pays <strong>les</strong> moins avancés (PMA), Haïti est le seul<br />
<strong>de</strong> l’hémisphère occi<strong>de</strong>ntal 17 ; <strong>la</strong> Banque mondiale et le Fonds monétaire international<br />
(FMI) ont à plusieurs reprises reporté <strong>les</strong> discussions visant à renouveler<br />
ses financements, en raison <strong>de</strong> l’insécurité qui règne dans le pays 18 . Le budget<br />
national est presque intégralement financé par <strong>les</strong> donateurs extérieurs, <strong>les</strong><br />
versements continuant <strong>de</strong> représenter 40% du produit intérieur brut 19 . Il n’est<br />
donc pas surprenant que <strong>les</strong> services publics soient inexistants ou considérés<br />
avec méfiance par <strong>la</strong> société civile. Les terrib<strong>les</strong> inondations qui ont ravagé <strong>les</strong><br />
Gonaïves en septembre 2004 ont encore détérioré considérablement <strong>la</strong> situation<br />
économique 20 . En plus <strong>de</strong> l’effondrement quasi général <strong>de</strong>s programmes d’ai<strong>de</strong><br />
économique et sociale, l’ai<strong>de</strong> d’urgence et l’investissement dans le développement<br />
continuent d’être entravés par <strong>la</strong> persistance <strong>de</strong> l’insécurité.<br />
Le présent rapport aboutit à <strong>la</strong> conclusion que <strong>la</strong> société haïtienne est surarmée<br />
et très militarisée. Les groupes armés foisonnent dans l’ensemble du pays—<br />
<strong>de</strong>puis <strong>les</strong> anciennes Forces armées d’Haïti (FADH) jusqu’aux sociétés <strong>de</strong> sécurité<br />
privées, en passant par <strong>les</strong> groupes paramilitaires (FRAPH), <strong>les</strong> ban<strong>de</strong>s<br />
armées, <strong>les</strong> groupes d’opposition et <strong>les</strong> milices popu<strong>la</strong>ires. Le recrutement se<br />
poursuit dans <strong>les</strong> communautés, et <strong>les</strong> chefs locaux <strong>de</strong> divers groupes armés<br />
consoli<strong>de</strong>nt leur pouvoir. De plus, <strong>les</strong> civils ont <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 80 le<br />
droit constitutionnel <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s armes à feu <strong>de</strong> divers calibres; en effet,<br />
<strong>les</strong> élites <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitale haïtienne ont publiquement réc<strong>la</strong>mé l’autorisation <strong>de</strong><br />
possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s armes automatiques et <strong>de</strong> créer leurs propres milices privées. Si<br />
beaucoup <strong>de</strong> ces armes ont été acquises légalement à Haïti, ou passées en frau<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>puis <strong>les</strong> États-Unis, <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s armes semi-automatiques et automatiques<br />
détenues par <strong>de</strong>s civils semblent toutefois provenir en sous-main <strong>de</strong> stocks et<br />
<strong>de</strong> dépôts “officiels”.<br />
Notre rapport arrive également à <strong>la</strong> conclusion que le pays est extrêmement<br />
sensible aux transferts d’armes et à leur commerce illicite à travers ses frontières.<br />
Il est urgent <strong>de</strong> réduire, voire <strong>de</strong> supprimer <strong>la</strong> dissémination <strong>de</strong>s armes,<br />
tout en se dirigeant vers une réglementation <strong>de</strong>s fournitures d’armes à <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>stinataires gouvernementaux ou non et le désarmement permanent <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion civile. La sécurité doit être considérée comme une priorité absolue<br />
si l’on veut organiser <strong>de</strong>s élections libres et honnêtes, <strong>la</strong>ncer un authentique<br />
dialogue national, encourager <strong>la</strong> probité fiscale, réformer le système judiciaire<br />
et <strong>la</strong> police, favoriser une culture du respect <strong>de</strong>s droits humains et promouvoir<br />
<strong>de</strong>s moyens d’existence durab<strong>les</strong>. Toute intervention <strong>de</strong>vra impérativement<br />
comporter en son centre un élément très développé <strong>de</strong> DDR et <strong>de</strong> RSS.<br />
<strong>Small</strong> <strong>Arms</strong> <strong>Survey</strong> Occasional Paper 14<br />
Robert Muggah Haïti: <strong>les</strong> <strong>chemins</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>transition</strong>