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Haïti: les chemins de la transition - Small Arms Survey

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Le dépouillement <strong>de</strong>s dossiers <strong>de</strong>s patients ambu<strong>la</strong>toires à Canapé-Vert, seul<br />

hôpital opérationnel à Port-au-Prince entre septembre 2003 et avril 2004, fait<br />

apparaître un certain nombre <strong>de</strong> schémas importants. Par exemple, sur <strong>les</strong> 988<br />

cas enregistrés pendant ces 8 mois, plus <strong>de</strong> 58 pour cent avaient été victimes<br />

<strong>de</strong> violence armée intentionnelle. Plus d’un quart <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> victimes (27 pour<br />

cent) étaient traitées pour b<strong>les</strong>sures par bal<strong>les</strong>. Sur ce nombre, un cas sur quatre<br />

avait <strong>de</strong>s b<strong>les</strong>sures aux membres, un sur dix souffrait <strong>de</strong> b<strong>les</strong>sures par balle<br />

dans <strong>les</strong> membres, et sept sur cent étaient b<strong>les</strong>sés à <strong>la</strong> tête. Plus d’un pour cent<br />

<strong>de</strong>s patients admis au bloc opératoire sont morts <strong>de</strong> b<strong>les</strong>sures liées à <strong>de</strong>s<br />

armes à feu. La majorité <strong>de</strong>s b<strong>les</strong>sés par armes légères étaient <strong>de</strong>s étudiants et<br />

<strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 18 ans (48 pour cent), suivis par <strong>les</strong> représentants du<br />

secteur commercial (25 pour cent) et par <strong>la</strong> police (16 pour cent) (figure 2) 103 .<br />

sur l’activité économique et sur le développement d’un sentiment <strong>de</strong> désespoir<br />

(UNDP 2004c).<br />

Une autre enquête, davantage centrée sur <strong>les</strong> ménages, a été effectuée fin<br />

2003 à Carrefour-Feuille, un bidonville re<strong>la</strong>tivement non-violent <strong>de</strong> Port-au-<br />

Prince. Portant sur un échantillon <strong>de</strong> 800 ménages dans quatre secteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

communauté, l’enquête a évalué <strong>les</strong> différentes manifestations <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence et<br />

sa répartition selon <strong>les</strong> quartiers (Calpas 2004). Quelque 40 % <strong>de</strong>s personnes<br />

interrogées ont vécu <strong>de</strong>s affrontements <strong>de</strong> rue avec recours à <strong>de</strong>s armes à feu,<br />

et mises en joue (33 %), un fort pourcentage a connu <strong>de</strong>s vols à main armée<br />

(26 %), <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence domestique (24 %) et <strong>de</strong>s viols. Un quart <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong><br />

personnes interrogées disaient qu’un membre <strong>de</strong> leur famille avait été victime<br />

<strong>de</strong> violence armée récemment et <strong>la</strong> moitié d’entre el<strong>les</strong> connaissaient quelqu’un<br />

qui avait été tué ou b<strong>les</strong>sé dans une fusil<strong>la</strong><strong>de</strong> 104 .<br />

Les perceptions <strong>de</strong> l’insécurité<br />

Le vécu subjectif <strong>de</strong>s individus et <strong>de</strong>s famil<strong>les</strong> met en perspective certaines<br />

<strong>de</strong>s données objectives mentionnées ci-<strong>de</strong>ssus. La perception <strong>de</strong> l’insécurité<br />

influe sur le comportement et, en tant que telle, elle sera un facteur clé dans<br />

<strong>la</strong> future stabilisation du pays. En fait, <strong>la</strong> façon dont <strong>la</strong> violence et l’insécurité<br />

sont ressenties a <strong>de</strong>s répercussions sur un ensemble d’activités—<strong>les</strong> dép<strong>la</strong>cements<br />

<strong>de</strong> nuit, l’école, le travail et le comportement électoral—mais aussi<br />

l’entrée dans une milice ou dans un gang armé. On a observé qu’un seul coup<br />

<strong>de</strong> feu pouvait provoquer <strong>la</strong> fermeture <strong>de</strong>s éco<strong>les</strong> et créer <strong>de</strong>s embouteil<strong>la</strong>ges<br />

sur <strong>les</strong> routes—<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion se dép<strong>la</strong>çant pour chercher refuge—<strong>la</strong> fermeture<br />

<strong>de</strong>s marchés, l’absentéisme et une baisse d’activité et <strong>de</strong> productivité dans <strong>les</strong><br />

usines, dans <strong>les</strong> ports et dans <strong>les</strong> services <strong>de</strong> base.<br />

Les enquêtes effectuées récemment en Haïti sur <strong>la</strong> façon dont l’insécurité est<br />

perçue permettent <strong>de</strong> dégager certaines tendances. En 2004, une enquête a été<br />

menée au niveau national, sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ONU. Sur plus <strong>de</strong> 1000 personnes<br />

interrogées, près <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux tiers <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong>s vil<strong>les</strong> disaient avoir peur<br />

quand ils sont chez eux, contre 15 à 20% dans <strong>les</strong> zones rura<strong>les</strong>. Presque <strong>la</strong><br />

moitié (45%) <strong>de</strong>s citadins—soit <strong>de</strong>ux fois plus que <strong>les</strong> ruraux—redoutaient <strong>de</strong><br />

se rendre à <strong>la</strong> ville voisine ou au marché en voiture. L’ONU avait alors noté <strong>les</strong><br />

répercussions “cachées” <strong>de</strong> ces peurs, par exemple, sur l’assiduité à l’école,<br />

Politique militarisée<br />

Sur <strong>la</strong> scène politique haïtienne, <strong>la</strong> détention d’armes et le mauvais usage <strong>de</strong>s<br />

armes sont une tradition aussi ancienne que généralisée. L’arme à feu a une<br />

puissante et féroce valeur symbolique pour <strong>les</strong> Haïtiens. La légen<strong>de</strong> popu<strong>la</strong>ire<br />

veut que, lors <strong>de</strong> l’indépendance en 1804, 30,000 fusils à silex aient été distribués<br />

aux esc<strong>la</strong>ves libérés et, <strong>de</strong>puis lors, <strong>la</strong> détention d’une arme à feu est<br />

indissociable <strong>de</strong> <strong>la</strong> notion popu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> <strong>la</strong> “liberté” 105 . Le recours aux armes à feu<br />

pour faire progresser <strong>de</strong>s objectifs ostensiblement populistes ne tarda pas à<br />

faire partie intégrante du paysage politique. Au cours <strong>de</strong>s premières décennies<br />

qui ont suivi l’indépendance, <strong>la</strong> politique al<strong>la</strong>it être puissamment militarisée et<br />

<strong>de</strong>s milices (par exemple <strong>les</strong> “cacos”) étaient levées pour consoli<strong>de</strong>r le pouvoir<br />

détenu par <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> élites (Blumenthal 2004).<br />

L’usage <strong>de</strong> <strong>la</strong> force coercitive pour consoli<strong>de</strong>r l’avantage politique acquis<br />

s’est poursuivi au cours du XXe siècle. L’occupation américaine en 1915 avait<br />

introduit un programme <strong>de</strong> désarmement <strong>de</strong>s milices. Peu <strong>de</strong> temps après, une<br />

armée nationale et une force <strong>de</strong> gendarmerie étaient constituées et entraînées.<br />

Cependant, après le retrait <strong>de</strong>s États-Unis en 1934, <strong>les</strong> milices seront réarmées<br />

par <strong>les</strong> politiciens et par <strong>les</strong> élites. L’usage <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence pour obtenir <strong>de</strong>s<br />

avantages personnels et politiques culmine sous <strong>la</strong> dynastie <strong>de</strong>s Duvalier,<br />

30 <strong>Small</strong> <strong>Arms</strong> <strong>Survey</strong> Occasional Paper 14 Robert Muggah Haïti: <strong>les</strong> <strong>chemins</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>transition</strong> 31

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