Haïti: les chemins de la transition - Small Arms Survey
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V. Les effets <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence armée et <strong>de</strong><br />
l’insécurité<br />
Les civils haïtiens sont exposés à <strong>de</strong>s menaces <strong>de</strong> différents ordres, visant autant<br />
leur bien-être que leurs moyens d’existence. Les indicateurs <strong>de</strong> l’insécurité <strong>de</strong>s<br />
personnes vont <strong>de</strong>s b<strong>les</strong>sures mortel<strong>les</strong> et non mortel<strong>les</strong> aux peurs qui sont très<br />
<strong>la</strong>rgement répandues, <strong>de</strong>s restrictions dans <strong>les</strong> dép<strong>la</strong>cements aux enlèvements<br />
et aux intimidations, <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence électorale ciblée au blocage <strong>de</strong> l’activité<br />
économique au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> société, <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitale et <strong>de</strong>s famil<strong>les</strong>. Souvent,<br />
ces effets ne sont pas signalés. Ce ne sont que rumeurs et conjectures. Malgré<br />
tout, <strong>les</strong> groupements humanitaires et <strong>les</strong> défenseurs <strong>de</strong>s droits humains luttent<br />
pour promouvoir une culture <strong>de</strong> <strong>la</strong> justice basée sur <strong>la</strong> preuve.<br />
La présente section <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> procè<strong>de</strong> à une rapi<strong>de</strong> évaluation <strong>de</strong>s indicateurs<br />
<strong>de</strong> l’insécurité <strong>de</strong>s personnes en Haïti. On ne saurait trop encourager <strong>la</strong> récolte<br />
<strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong> données soli<strong>de</strong>s, longitudina<strong>les</strong> et comparatives. Ces données<br />
pourraient être utilisées, entre autres, pour contrôler <strong>les</strong> effets sectoriels <strong>de</strong>s<br />
initiatives prises pour réduire <strong>la</strong> violence—tels le DDR, le maintien <strong>de</strong> l’ordre<br />
public et <strong>la</strong> réforme du secteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité. Sans ces données, <strong>les</strong> discussions<br />
sur l’amélioration <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité <strong>de</strong>s personnes resteront margina<strong>les</strong> et parcel<strong>la</strong>ires.<br />
La présente analyse est à considérer comme une étu<strong>de</strong> préliminaire. Si<br />
l’on veut évaluer va<strong>la</strong>blement <strong>les</strong> interventions, il est urgent <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à une<br />
analyse <strong>de</strong> base plus complète, portant sur <strong>les</strong> armes disponib<strong>les</strong> et sur le profil<br />
socio-économique <strong>de</strong>s communautés et <strong>de</strong>s personnes concernées.<br />
Mortalité et b<strong>les</strong>sures<br />
Aux yeux <strong>de</strong> beaucoup, <strong>la</strong> sécurité passe pour une priorité absolue chez <strong>les</strong><br />
Haïtiens. Or, en dépit <strong>de</strong>s interventions, passées et présentes, <strong>de</strong> l’ONU, c’est<br />
l’insécurité qui est <strong>la</strong> norme. Un bon indicateur <strong>de</strong> l’insécurité est le taux élevé<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> mortalité, dû autant aux morts directement liées à <strong>la</strong> violence intentionnelle<br />
qu’aux effets indirects <strong>de</strong> causes typiques, dites «bana<strong>les</strong>», tel<strong>les</strong> que diarrhées,<br />
ma<strong>la</strong>dies respiratoires ou tuberculose, el<strong>les</strong>-mêmes consécutives à <strong>de</strong> mauvaises<br />
conditions <strong>de</strong> vie ou à un accès limité aux soins primaires <strong>de</strong> santé.<br />
Même si <strong>les</strong> registres sont incomplets, on peut estimer avec une certaine<br />
fiabilité que <strong>la</strong> violence armée a tué au moins 1600 personnes <strong>de</strong>puis le départ<br />
forcé d’Aristi<strong>de</strong> au début <strong>de</strong> 2004. Ce chiffre inclut 900 morts par violence<br />
intentionnelle qui ont été enregistrées par <strong>la</strong> morgue <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitale entre février<br />
et mars 2004 90 et au moins 700 cas <strong>de</strong> mort par balle recensés entre septembre<br />
2004 et juin 2005. étant donné <strong>les</strong> difficultés d’accès aux zones concernées, et<br />
<strong>la</strong> fluctuation <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence <strong>de</strong> mois en mois 91 , ce chiffre <strong>de</strong> 1600 ne représente<br />
probablement qu’une fraction <strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> morts qu’a entraînées l’instabilité<br />
<strong>de</strong> l’environnement <strong>de</strong> l’après-Aristi<strong>de</strong>. Le chiffre réel pourrait être <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux à<br />
quatre fois plus élevé.<br />
Il faut savoir qu’il y a beaucoup <strong>de</strong> difficultés à surmonter pour enregistrer<br />
<strong>les</strong> décès et <strong>les</strong> b<strong>les</strong>sures par balle. Parmi <strong>les</strong> victimes <strong>de</strong>s b<strong>les</strong>sures par balle,<br />
beaucoup ne vont pas consulter un mé<strong>de</strong>cin ou un dispensaire pour <strong>la</strong> simple<br />
raison qu’ils sont morts sur le coup. Si c’est le cœur ou une artère qui est touchée,<br />
<strong>la</strong> mort est instantanée, et le b<strong>les</strong>sé meurt du traumatisme, du choc et <strong>de</strong><br />
l’hémorragie. Ceux dont <strong>les</strong> b<strong>les</strong>sures ne sont pas mortel<strong>les</strong> mettent plus <strong>de</strong><br />
temps à mourir—<strong>de</strong>s organes vitaux ont été perforés, le foie, <strong>les</strong> intestins—et<br />
lentement ils vont se vi<strong>de</strong>r <strong>de</strong> leur sang. La chirurgie pourrait sauver <strong>de</strong>s vies,<br />
encore faudrait-il pouvoir intervenir à temps, avoir accès aux établissements <strong>de</strong><br />
soin et disposer <strong>de</strong> l’équipement nécessaire et du personnel qualifié. 92 Certains<br />
b<strong>les</strong>sés par balle qui souffrent <strong>de</strong> fractures pourront continuer à vivre, sans<br />
recevoir <strong>de</strong> soins, mais au prix d’une invalidité <strong>de</strong> longue durée.<br />
Les b<strong>les</strong>sures par balle donnent malgré tout d’uti<strong>les</strong> informations sur l’insécurité<br />
qui règne en Haïti. Les b<strong>les</strong>sures intentionnel<strong>les</strong> qui n’ont pas une<br />
issue fatale ne sont certes pas enregistrées dans une morgue comme <strong>les</strong> décès.<br />
Comme le Ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé n’a pas <strong>de</strong> système centralisé <strong>de</strong> l’information<br />
ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce, <strong>les</strong> données sont très limitées. On peut dégager certaines<br />
tendances à partir <strong>de</strong>s registres <strong>de</strong> l’Hôpital général <strong>de</strong> Port-au-Prince réunis<br />
par <strong>la</strong> Coalition nationale pour <strong>les</strong> droits <strong>de</strong>s Haïtiens (NCHR) qui a son siège<br />
aux États-Unis. L’analyse <strong>de</strong>s dossiers <strong>de</strong>s patients à <strong>la</strong>quelle s’est livrée <strong>la</strong> NCHR<br />
montre que 170 civils sont morts <strong>de</strong> leurs b<strong>les</strong>sures et que 241 ont survécu à<br />
leurs b<strong>les</strong>sures entre septembre et octobre 2004. Ces chiffres sont diffici<strong>les</strong> à<br />
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