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Haïti: les chemins de la transition - Small Arms Survey

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l’usage excessif <strong>de</strong> <strong>la</strong> force par <strong>la</strong> police nationale haïtienne, incluant l’usage<br />

abusif <strong>de</strong>s fusils d’assaut M16 contre <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion civile et l’usage mortel <strong>de</strong>s<br />

gaz <strong>la</strong>crymogènes et <strong>de</strong>s armes anti-émeutes utilisées à bout portant. 94 Malgré<br />

l’absence actuelle <strong>de</strong> relevés sûrs et réguliers sur <strong>la</strong> mortalité, <strong>la</strong> <strong>de</strong>scription<br />

<strong>de</strong>s b<strong>les</strong>sures externes associées à <strong>la</strong> violence armée corrobore ces affirmations.<br />

(Cf. Tableau 3). 95<br />

Les violences sexuel<strong>les</strong> sont <strong>de</strong>s causes supplémentaires <strong>de</strong> b<strong>les</strong>sures mortel<strong>les</strong><br />

et non mortel<strong>les</strong>. Les femmes—et en particulier <strong>les</strong> jeunes femmes et <strong>les</strong><br />

jeunes fil<strong>les</strong>—sont particulièrement exposées à <strong>la</strong> violence armée. Bien qu’il<br />

n’existe pas en Haïti <strong>de</strong> système indépendant <strong>de</strong> recensement <strong>de</strong>s violences<br />

sexuel<strong>les</strong> ou <strong>de</strong>s violences basées sur le genre, <strong>les</strong> témoignages sont nombreux<br />

et éloquents. Ainsi, Livia Gayraud, coordinatrice à Port-au-Prince du centre<br />

<strong>de</strong> traumatologie <strong>de</strong>puis octobre 2004, a traité au moins 20 patientes victimes<br />

d’agression et <strong>de</strong> violences sexuel<strong>les</strong>. Les plus jeunes avaient 10 ans. Avant d’être<br />

enlevées et violées, beaucoup d’entre el<strong>les</strong> avaient eu un <strong>de</strong> leurs parents tués.<br />

Les viols eux-mêmes étaient brutaux, et <strong>les</strong> femmes et jeunes fil<strong>les</strong> disaient<br />

craindre pour leur vie si l’on venait à apprendre ce qui s’était passé (MSF,<br />

2005b). L’institut pour <strong>la</strong> Justice et <strong>la</strong> Démocratie en Haïti, organisation indépendante<br />

<strong>de</strong> défense <strong>de</strong>s droits humains, a recensé, <strong>de</strong>puis septembre 2004,<br />

plus <strong>de</strong> 80 cas <strong>de</strong> femmes et <strong>de</strong> jeunes fil<strong>les</strong>, dont certaines n’avaient que 13 ans,<br />

qui ont été violées par <strong>de</strong>s gangs à Cité Soleil 96 .<br />

Une <strong>de</strong>s raisons pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>la</strong> violence armée tend à être si meurtrière en<br />

Haïti est l’extrême faib<strong>les</strong>se <strong>de</strong> l’infrastructure <strong>de</strong>s services publics, et particulièrement<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique et <strong>de</strong> <strong>la</strong> police. En dépit <strong>de</strong>s investissements<br />

considérab<strong>les</strong> consentis aux niveaux multi<strong>la</strong>téral et bi<strong>la</strong>téral pour <strong>les</strong> infrastructures<br />

sanitaires au cours <strong>de</strong>s dix <strong>de</strong>rnières années, <strong>les</strong> services <strong>de</strong> santé<br />

publique tant nationaux que municipaux et <strong>les</strong> services <strong>de</strong> maintien <strong>de</strong> l’ordre<br />

sont peu nombreux et <strong>de</strong> qualité médiocre 97 . Ni le secteur public ni <strong>les</strong> secteurs<br />

non gouvernementaux n’ont une soli<strong>de</strong> tradition <strong>de</strong> collecte systématique<br />

<strong>de</strong>s données objectives en vue d’un monitoring social 98 . Les systèmes d’information<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> police haïtienne ayant été détruits début 2004, <strong>la</strong> criminalité n’a pas<br />

<strong>la</strong>issé <strong>de</strong> traces. Qui plus est, <strong>la</strong> recherche qualitative elle-même fait défaut,<br />

en raison <strong>de</strong>s difficultés d’accès à <strong>de</strong> nombreuses régions du Nord et <strong>de</strong> l’Est,<br />

entre 2003 et 2004.<br />

Plus inquiétant, <strong>les</strong> services <strong>de</strong> santé et <strong>de</strong> maintien <strong>de</strong> l’ordre ont subi une<br />

politisation accrue et sont <strong>de</strong>venus le lieu d’une violence armée considérable.<br />

Dans <strong>les</strong> mois qui ont précédé et suivi le départ d’Aristi<strong>de</strong>, <strong>les</strong> mises à mort<br />

extrajudiciaires et <strong>les</strong> fusil<strong>la</strong><strong>de</strong>s étaient fréquentes. Les patients hospitalisés pour<br />

b<strong>les</strong>sures—surtout s’il s’agissait <strong>de</strong> gendarmes, <strong>de</strong> policiers ou <strong>de</strong> membres<br />

d’autres groupes armés—<strong>de</strong>venaient régulièrement <strong>la</strong> cible d’attaques, à l’instar<br />

du personnel médical. Cependant, tout au long <strong>de</strong> 2004 et <strong>de</strong> 2005, <strong>les</strong> partisans<br />

<strong>de</strong> Lava<strong>la</strong>s ont été particulièrement visés par l’ex-FADH et <strong>la</strong> PNH 99 . Dans<br />

l’hôpital général <strong>de</strong> Port-au-Prince et dans celui <strong>de</strong>s Gonaïves, par exemple,<br />

<strong>de</strong>s atrocités tel<strong>les</strong> que l’exécution extrajudiciaire <strong>de</strong> gendarmes ou <strong>de</strong> civils<br />

b<strong>les</strong>sés, étaient courantes. D’autres patients ont été b<strong>les</strong>sés, certains mortellement,<br />

lors <strong>de</strong>s échanges <strong>de</strong> coups <strong>de</strong> feu ou pendant <strong>de</strong>s prises d’otages à<br />

l’intérieur <strong>de</strong>s murs <strong>de</strong> l’hôpital. Les insuffisances constatées dans le stockage<br />

et dans <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s données s’expliquent par <strong>les</strong> hésitations <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />

à soigner <strong>les</strong> combattants et le refus <strong>de</strong>s b<strong>les</strong>sés <strong>de</strong> se faire enregistrer pendant<br />

<strong>les</strong> situations d’urgence 100 . Ainsi, en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> confiance limitée dans <strong>les</strong><br />

services du secteur public et du climat <strong>de</strong> crainte associé aux hôpitaux, il est<br />

difficile <strong>de</strong> se fier au peu <strong>de</strong> données que fournissent ces établissements.<br />

Les forces <strong>de</strong> sécurité, publiques et privées, sont <strong>de</strong> plus en plus impliquées<br />

dans <strong>la</strong> violence politique. La riposte a été une militarisation générale qui a<br />

contribué à donner l’impression d’une sécurité qui s’est affaiblie encore davantage<br />

<strong>de</strong>puis l’arrivée <strong>de</strong> <strong>la</strong> MINUSTAH. Ainsi, début juillet 2004, environ 400<br />

forces du maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix <strong>de</strong> <strong>la</strong> MINUSTAH, réparties dans 41 véhicu<strong>les</strong><br />

blindés et hélicoptères, et plusieurs dizaines <strong>de</strong> gendarmes haïtiens, ont conduit<br />

une opération dans Cité Soleil, le plus grand bidonville d’Haïti, vou<strong>la</strong>nt<br />

ostensiblement venir à bout <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ns armés. Si cette démonstration <strong>de</strong> force<br />

a été bien accueillie dans certains quartiers, elle aurait cependant abouti à <strong>de</strong>s<br />

meurtres extrajudiciaires, entre 25 et 40, dont <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s enfants (Buncombe<br />

2005b). Des soldats <strong>de</strong> l’ONU ont été également visés, et trois d’entre<br />

eux ont été tués par bal<strong>les</strong> (Weissenstein 2005).<br />

Malgré tous <strong>les</strong> efforts déployés par le CICR, le MSF et d’autres organismes,<br />

le Service national <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé publique et <strong>les</strong> organisations humanitaires internationa<strong>les</strong><br />

n’étaient pas préparés à faire face à une violence armée atteignant<br />

l’intensité et l’extension enregistrées ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières années en Haïti. Si le<br />

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