165Pas-de-Calais, un couple de lesbiennes subit desmenaces de mort de la part d’un voisin devenu« incontrôlable » depuis qu’elles vivent ensemble.Dernier épisode en date : une menace de violcorrectif « pour vous remettre le cerveau à l’endroit ».Quand une victime est prise dans le viseur des agresseur-e-s,l’escaladeest fréquente :plus dela moitié des témoignages reçus (60 %)relève du harcèlement, avec des insultesou des dégradations de biens à répétition,dont les conséquences psychologiques etmatérielles sont éprouvantes.En 2013, le nombre de situations ainsirecensées via notre ligne d’écoute ou lesmédias électroniques est globalementstable : 130 actes contre des gays, lesbiennes,bi-e-s et trans dans le cadre du voisinage.L’orientation sexuelle ou l’identité de genre est parfoisinvoquée à l’occasion d’un conflit entre voisine-spour déstabiliser ou affaiblir : « Ma chiennen’aboie que sur toi et on sait tous pourquoi ! », lanceun gardien à un habitant d’Ile-de-France. La personneLGBT est ainsi renvoyée à un statut de « souscitoyen-ne», qui n’aurait pas le droit de se plaindredu bruit ou d’une voiture mal garée. Mais le plussouvent, l’hostilité est frontale : « T’es dans monsecteur, dégage, la tarlouze ! », s’entend dire unétudiant de Seine-Saint-Denis en résidenceuniversitaire.Aux 130 victimes directes, c’est-à-direayant fait l’objet d’un témoignage auprèsde notre association,il convient d’ajouterdes conjoint-e-s et parfois des parents,frères ou sœurs : au total, 197 personnesqui ont souffert de ces manifestationsLGBTphobes. Il est ainsi frappant de constater que45 % des cas portés à notre connaissance concernentdes personnes LGBT qui sont en couple ouqui l’ont été récemment, au vu et au su de leurvoisinage.Pourquoi cette surreprésentation ? Parceque la vie en couple constitue un signe fort de visibilitéLGBT,en particulier aux yeux des homophobeset transphobes.Alors que le mariage des personnesde même sexe vient d’entrer dans le droit français,il n’est donc pas inutile de rappeler que vivre sous«Onva vousremettrele cerveauà l’endroit»«T’es dansmon secteur,dégage, latarlouze!»le même toit représente encore aujourd’hui uneprise de risque pour les personnes LGBT.Autre fait remarquable en 2013 :des personnes ontcontacté SOS homophobie, non pas pour des faitsles visant directement, mais pour un environnementhomophobe engendré par lesmanifestations contre le mariage pourtou-te-s (lire chapitre Mariage pour toute-s).Un jeune gay nous fait ainsi partde son désarroi : « J’habite à Versailles,l’épicentre des opposants au mariage desgays et lesbiennes. Une bonne partie desfenêtres sont recouvertes de drapeaux etd’affiches. » Un homme, qui précise êtrehétérosexuel, nous téléphone, choquépar la pancarte apposée sur le pavillon voisin :« Homophilie = maladie mortelle ».Certaines personnes victimes de LGBTphobies de lapart de leur voisinage vivent parfois avec stupeurcette intrusion dans leur vie quotidienne d’un rejetdont elles se croyaient protégées. D’autres cumulentles difficultés – personnes au chômage,malades, en situation de handicap, étrangers-èressans papiers – et semblent choisies par leursharceleurs-euses pour leur fragilité. Les personnestrans, souvent victimes de discriminations, ne sontpas épargnées et bénéficient rarement du soutiendes autres habitant-e-s.Quels que soient leur statut social et leséléments de preuve à leur disposition,lesvictimes souffrent souvent de ne pas êtreprises au sérieux par les forces de l’ordre,leur propriétaire ou bailleur social : prèsd’une sur cinq (18 %) dit avoir fait l’objetde discrimination dans son différendavec ses voisin-e-s. Malheureusement, que vousobteniez ou non gain de cause, le déménagementest fréquemment évoqué comme une solution ouune conséquence inéluctable à cette situationde violence physique, verbale, matérielle ou psychologique.
Rapport sur l'homophobie 2014 • VoisinageLe choc des insultesMarc, 46 ans, vit à Paris dansun immeuble HLM où habitentbeaucoup de personnes âgées.Un soir, vers 19 h 30, il se faitagresser verbalement dansla cage d’escalier par deuxjeunes manifestement sousl’emprise de cannabis. Ils letraitent de « sale PD » et lemenacent de le « planter » :« On sait où tu habites, c’estnotre territoire ici ! » Marchabite seul et ne travaille pas.Depuis, il a peur de sortirde chez lui. Il envisage dedéménager.Jérôme vit dans une petitecommune bretonne depuisquelques mois avec son ami.Il pense bien s’entendre avecses voisins. Mais une nuit,une voiture s’arrête devant chezeux et sa boîte aux lettres estendommagée de huit coupsde couteau. Jérôme a pris desphotos avant d’aller porterplainte à la gendarmerie.Il n’est pas aux abois mais semontre tout de même inquiet :sur la boîte aux lettres, les coupsde couteau visaient son nom etcelui de son compagnon.« Pour la seconde fois j’ai étévictime de propos homophobesde la part de mavoisine », nous écrit Antonin,qui vit à Paris. « Une premièrefois, elle m’a menacé en medisant que “tous les homosexuelsdevraient avoir le sidapour être exterminés”. Elle aajouté qu’elle allait appeler sescopains toxicos pour nousrefiler le sida avec uneFocusRomane est une femme de 28 ans.Elle vit en régionlyonnaise avec sa compagne qu’elle présente àses voisins comme sa colocataire.Depuis cinq mois,elle se fait régulièrement insulter par sa voisine dudessous,sans savoir ce qui a déclenché cette hostilité :« Tête de lesbienne,on n’aime pas ta gueule »,« Tu n’es qu’une sale gouine,je vais te faire craquer ! »Cette voisine a arraché l’étiquette de sa boîte auxlettres.Elle a jeté des détritus sur son paillasson ainsiqu'un détergent liquide.Romane a eu le temps del’apercevoir lors de ce dernier acte de malveillance.Quand la jeune femme appelle la ligne d’écoute deSOS homophobie,elle est manifestement sous le choc.Son débit est rapide.Elle est blessée d’avoir été outéeen tant que lesbienne alors que sa compagne et elleavaient choisi d’être discrètes sur le sujet.Elles peuventcependant compter sur le soutien d’une autre voisine,qui habite au rez-de-chaussée :elle les a défendues etse trouve désormais également dans le collimateur del’agresseure.Romane a très peur et se sent menacée.Sans travail,déprimée,elle est sous anxiolytiques.Elle trouve que sa compagne minimise les faits,et n’est pas soutenue par sa famille.Ses relations avecsa mère,très catholique,sont difficiles.Cette dernièrelui a dit pour tout réconfort : « De toute façon,tu n’asqu’à pas être homo.»Romane a déjà déposé une main courante il y a deuxmois,mais le commissariat n’a pas voulu enregistrersa plainte.L’écoutante de SOS homophobie lui rappelleque la police en a pourtant l’obligation et l’encourage àfaire valoir le caractère homophobe des insultes.Parmi les autres pistes envisagées : écrire directementau procureur de la République,aller à la mairie poursolliciter l’intervention d’un médiateur,contacterle bailleur social.Nous proposons également à Romanede recourir à un soutien psychologique poursurmonter cette épreuve.Enfin,nous lui indiquonsles coordonnées d’associations de parents ethomosexuel-le-s chrétien-ne-s pour tenter,par leurintermédiaire,de renouer le contact avec sa mère.