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63La parole à...BambiL’homophobie, la transphobie… sontdans les esprits. Les lois qui tententd’effacer les marges et d’intégrer ceux qui étaienttenus à l’écart des valeurs traditionnelles, commele mariage pour tous, arrangeront peut-êtreles choses, à la longue. Les mentalités évoluentlentement et, bien qu’il ne faille pas désespérer,il est encore souhaitable de faire valoir sa dignitéet ses droits.Qui peut accepter ceci : un jeune homme de23 ans, beau, rien d’une «folle». (On frémit àl’idée de ce qui lui serait arrivé s’il avait eu le genre« folle ».) Il rencontre rue La Boétie, à deux heuresdu matin, un groupe de trois individus guère plusâgés que lui. Il passe en prenant soin de ne pasleur jeter un regard. Il porte au dos un sac d’ungrand couturier. On lui crie : « PD ! PD ! » Il faitcomme s’il n’entendait pas. On court à lui. A peinese retourne-t-il pour faire face, il est jeté à terre,écharpé à coups de pied, abandonné sur le trottoir,une cheville cassée…Il faut aussi parler, en société, des regards, des sousentendus,des plaisanteries, des discriminations, quisont autant de signes négatifs et blessants.Alors, imaginons la vie des trans. Un éminent journalistecroyait voir dans mon parcours la preuvede l’ouverture de la société, de l’acceptation totalede la transgression suprême que nous représentons.Rien n’est moins sûr. En effet, je ne pouvaispas être rejetée de l’Education nationale dans lamesure où j’avais tout fait pour m’y incorporer,être madame Tout-le-monde, en toute conformité,et dans l’anonymat le plus hermétique. Qui sait cequ’il serait advenu de moi si « la chose » s’étaitsue ?Celles qui ont suivi le même parcours que moi etqui ne font pas d’ostentation, globalement, elless’en sortent, et quelquefois remarquablement.Mais, haro sur les autres ! Imaginons les trans quitrouvent leur point d’équilibre sans être allées aubout de la réassignation sexuelle. Elles vivent enfemmes, ont un état civil masculin. J’ai connucette situation des années durant. Encore étais-jeprotégée par mon métier au Carrousel. J’étaisune artiste. Je passais facilement les frontières.Ou presque. Les Etats-Unis m’ont refusé un visad’entrée. Lorsque nous avons été programmées àLondres, la presse londonienne s’est déchaînée, etle contrat a été annulé. Quant à l’Australie, sonconsul m’a convoquée à Paris, m’a fait signer unepromesse de vivre en homme à Sydney. J’ai signé.Je n’ai jamais tenu aucun compte de ce genred’engagement. J’ai signé le même papier à Rome,lors des Jeux olympiques de 1960, pour ne pas êtrechassée de la Ville éternelle… J’en passe. Je savaispourtant que j’étais une privilégiée. Le martyre decertaines autres, celles qui étaient, par choix oupar contrainte (étant refoulées de partout), desprostituées, je n’ose l’aborder. La police avaittendance à s’acharner. Un détail dira tout : lepréfet Papon a été convoqué par le Conseil municipalde Paris. (Il n’y avait pas de maire à Paris àcette époque.) Il s’est fait tancer pour son manquede sévérité envers nous et envers les garçons quiavaient des cheveux trop bouffants.Les femmes XY qui n’ont pas d’état civil fémininse heurtent de partout à la société. On exiged’elles une vaginoplastie. Elles refusent. Pour cequi est des hommes XX, on n’exige pas d’eux unephalloplastie jugée dangereuse… Comment luttercontre les humiliations en tous genres, quelleforme donner aux efforts pour obtenir la dignité ?Que d’embûches ! En dépit des évolutions, lecombat pour faire admettre ses droits élémentairesreste d’actualité.Après avoir été l’une des égéries du Carrouselet professeur de lettres, Bambi se consacreaujourd’hui à l’écriture. Un documentaire réalisépar Sébastien Lifshitz lui est consacré en 2013.

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