<strong>Les</strong> <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> méditerranéennesRetenues d’eauCertaines <strong>mares</strong> sont issues de petites retenues d’eau servant àl’irrigation (mare de Catchéou dans le Var, <strong>mares</strong> des douars auMaroc, etc.) ou à la lutte contre l’incendie (plaine des Maures). EnCorse, dans la plaine orientale, pour favoriser l’arboriculture ainsique l’élevage ovin et bovin, de vastes barrages, presque complètementasséchés de mai à septembre, ont été implantés dans les valléeset les bas-fonds. Celui de Teppe Rosse, près d’Aléria, est le plusintéressant du point de vue de la biodiversité végétale. Ses rives enpentes douces favorisent l’implantation d’espèces estivales raresen Corse (Gratiola officinalis, Pulicaria vulgaris, etc.) à mesure quel’eau est prélevée pour l’irrigation 289, 290 .Bassins déversoirs d’orage et bassins antipollution créés en bordured’autoroutesCes techno-milieux, à vocation de protection contre les inondationset la pollution, s’avèrent être de vrais pôles de biodiversité,tant pour la végétation que pour la faune (invertébrés et amphibiens343, 344, 345 ). Leur substrat peut être naturel ou formé de bâchesgéotextiles avec une couche sédimentaire très fine. Ces biotopes sontde bons modèles pour analyser les impacts des polluants (métaux,hydrocarbures, etc.) sur le vivant 202 .Cadre législatif et institutionnelLa Directive européenne du 21 mai 1992 sur la conservation deshabitats naturels, de la faune, de la flore sauvages 118 est plus communémentappelée Directive Habitats. Elle qualifie “d’intérêt communautaire”des habitats listés dans son Annexe I, parmi lesquelselle distingue des habitats particulièrement remarquables, qualifiésde “prioritaires”. Elle liste également, dans son Annexe II, uncertain nombre d’espèces animales et végétales dont l’habitat devrafaire l’objet de mesures de conservation. <strong>Les</strong> pays membres de l’Unioneuropéenne s’engagent à protéger les habitats de l’Annexe I de laDirective Habitats et les habitats des espèces de l’Annexe II, endésignant des “Zones spéciales de conservation”, qui constituerontle “Réseau Natura 2000”.Parmi la grande diversité des habitats des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>, certainssont considérés par l’Union européenne comme particulièrementimportants en raison d’enjeux de conservation élevés liés à larareté et à l’originalité de leurs communautés animales et végétales,et à leur écologie spécialisée. Ils sont regroupés dans deux habitatsde l’Annexe I de la Directive Habitats, avec pour code et libellés :• Eaux oligotrophes*, très peu minéralisées, sur sols généralementsableux de l’ouest méditerranéen (code Natura 2000 : 3120),• Mares <strong>temporaires</strong> méditerranéennes (code Natura 2000 : 3170),habitat considéré comme prioritaire.Le Manuel d’interprétation des habitats édité par l’Union européenne15 donne des définitions plus précises et décline ces habitatsen habitats élémentaires, listés avec leurs espèces caractéristiques.En France, les habitats élémentaires font l’objet d’une fiche détailléedans les Cahiers d’habitats 158 , où ils sont décrits à leur niveau leplus fin, celui de l’association végétale.Il est important de distinguer la mare, unité fonctionnelle, écologiqueet paysagère, des habitats “<strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> méditerranéennes”reconnus d’intérêt communautaire dans la DirectiveHabitats. En effet, au sein d’une même mare, les deux habitatsd’intérêt communautaire et prioritaire (3120 et 3170, respectivement)peuvent coexister, comme c’est souvent le cas dans la plaineEncadré 8. Comment identifier dans une mare temporaireles habitats reconnus d’intérêt communautaire ouprioritaires par l’Europe ?Cette clé simplifiée d’identification des habitats ne constituepas une clé d’identification des groupements phytosociologiques.Elle doit, néanmoins, permettre au gestionnaire de déterminer siune mare comporte ou non un habitat prioritaire ou d’intérêtcommunautaire. En outre, elle n’est valable que pour les habitatsde France continentale et de Corse (Fig. 2).L’identification des habitats 3120 et 3170 est basée sur le caractèreacide ou basique du substrat, la durée d’inondation et lacomposition des communautés végétales amphibies : les listesnon exhaustives “d’espèces clés”, citées pour les caractériser,rassemblent des espèces appartenant à des régions et des groupementsvégétaux différents.1.- Substrat siliceux (acide), submersion hivernale et tout ou partiedu printemps .................................................................................... 2- Substrat neutre ou basique (riche en calcaire), assèchementtardif (estival ou automnal) ............................................................... 52.- Submersion faible (saturation), irrégulière, surtout hivernale,pelouses à Serapias de la Provence cristalline :Habitat 3120 : eaux oligotrophes très peu minéralisées sursols ordinairement sableux de l’Ouest méditerranéen (alliancephytosociologique du Serapion Aubert et Loisel, 1971).Espèces clés : Serapias spp., Oenanthe lachenalii, Chysopogon gryllus,Isoetes histrix.- Submersion plus régulière et plus longue, espèces amphibies àdéveloppement printanier ou estival .............................................. 33.- Profondeur inférieure à 0,4 m, espèces amphibies à développementprintanier précoce ................................................................. 4- Profondeur supérieure à 0,4 m, espèces à développement printaniertardif ou estival :Habitat 3170 : gazons méditerranéens amphibies longuementinondés (alliance phytosociologique du Preslion cervinaeBr.-Bl. Ex Moor 1937).Espèces clés : Mentha cervina, Artemisia molinieri, Trifoliumornithopodioides, Oenanthe globulosa.4.- Groupements dominés par des espèces du genre Isoetes :Habitat 3170 : <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> méditerranéennes àIsoetes (alliance phytosociologique de l’Isoetion Br. Bl. 1936).Espèces clés : Isoetes spp., Marsilea strigosa, Pilularia minuta,Litorella uniflora, Ranunculus revelieri, Crassula vaillanti.- Gazons dominés par Agrostis pourretii. Un peu moins précoceque les groupements de l’Isoetion, ils lui succèdent au cours dela saison en Corse 291 :Habitat 3170 : alliance phytosociologique de l’Agrostionsalmanticae Rivas Goday 1958 (= Agrostion pourretii RivasGoday 1958).Espèces clés : Agrostis pourretii, associé à Lythrum borysthenicumou Illecebrum verticillatum.18
2. Biodiversité et enjeux de conservation5.- Espèces amphibies à développement estival et automnal sursubstrat riche en nutriments, parfois saumâtre :Habitat 3170 : gazons méditerranéens amphibies halonitrophiles(alliance phytosociologique de l’Heleochloion Br.-Bl inBr.-Bl., Roussine & Nègre 1952).Espèces clés : Heliotropium supinum, Crypsis aculeata, Crypsisschoenoides, Cressa cretica.- Espèces amphibies à développement printanier et estival colonisantdes substrats plus riches, calcaires ou basiques :Habitat 3170 : gazons amphibies annuels méditerranéens(ordre phytosociologique du Nanocyperetalia Klika, 1935)Espèces clés : Damasonium polyspermum, Lythrum tribracteatum,Cyperus flavescens, Cyperus fuscus, Elatine macropoda, Teucriumaristatum.Yavercovski N. & G. Paradis d’après Gaudillat & Haury 158des Maures (Var). De plus, l’habitat 3170 recouvre un grand nombrede groupements végétaux dont plusieurs s’observent parfoisensemble ou se succèdent dans le temps dans une même mare, enrelation avec les gradients environnementaux. De même, une marepeut comporter un habitat reconnu d’intérêt communautaire parl’Union européenne sur une partie seulement, petite ou grande, desa surface. Enfin, en relation avec la variabilité interannuelle duclimat méditerranéen, les groupements végétaux ont une distributionspatiale également variable, au sein de la mare, d’une annéeà l’autre. Il arrive même que certains groupements de l’habitat prioritairen’émergent pas certaines années.Ces éléments rendent la détermination des habitats, au sens de laDirective Habitats (Encadré 8), par le non spécialiste, souvent difficile.Dans tous les cas, la gestion devra être considérée à uneéchelle pertinente qui est, au minimum, celle de la mare mais devraaussi, souvent, intégrer son bassin versant.Figure 2. Localisation des habitats d’intérêt communautaire en France continentale méditerranéenne et de CorseAvignonNîmesNiceArlesMontpellier ?0 50 kmAix en ProvenceCannesBéziersNarbonneMarseilleToulonBastiaPerpignanHabitats d’intérêt communautaireSite RépartitiondiffuseSerapion ■Habitats prioritairesIsoetion ■ Forte densitéPreslion ■ ? DisparuAgrostion ■Heleochloion ■Nanocyperetalia ■Mer MéditerranéeAjaccioPorto VecchioBonifacioCarte : M. Pichaud et Nicole Yavercorvski - Station biologique de la Tour du Valat19