<strong>Les</strong> <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> méditerranéennesSégrégation spatiale et temporelle<strong>Les</strong> <strong>mares</strong> constituent des milieux clos, de petite dimension, quigénèrent sans doute des phénomènes de compétition 273 . Cette compétitionest partiellement diminuée par deux mécanismes : la ségrégationtemporelle et la ségrégation spatiale. La ségrégationtemporelle est forte pour les dates de reproduction (présence desadultes), moindre en ce qui concerne les larves. Une étude menée enEspagne a montré qu’il existe une différence significative dans lapériode reproductive des espèces mais également au sein desespèces 333 , les mâles plus grands et plus compétitifs étant les premierà occuper la mare pour s’accoupler. Dans le Midi de la France,il est rare d’observer plus de 2 à 3 espèces d’Anoures en reproductionsimultanée sur un site, ce qui limite les contacts entre espèces.<strong>Les</strong> associations les plus souvent observées se font entre le Pélobateet le Pélodyte à l’automne, entre le Crapaud commun, le Pélobateet le Pélodyte en fin d’hiver, ou entre le Pélobate et le Crapaud calamiteau printemps. Parfois, cette simultanéité entraîne des accouplementsentre espèces, par exemple un mâle Crapaud communavec une femelle Pélobate mais ces cas restent, cependant, peunombreux.La ségrégation spatiale renforce l’isolement des reproducteurs,notamment dans le cas d’un réseau de <strong>mares</strong> (Encadré 23). Dans lecas de <strong>mares</strong> uniques, utilisées par plusieurs espèces (jusqu’à 6 espècesd’Anoures dans le Midi de la France), on observe généralementune ségrégation spatiale lors des pontes. A la mare de la Fertalières(Hérault), les pontes de Pélobate et de Crapaud commun sont toujourslocalisées sur les mêmes portions de rives d’une année à l’autre,avec une séparation assez nette entre les 2 espèces. De la mêmefaçon, les têtards de Crapaud calamite, de Pélodyte et de Pélobaten’exploiteront pas exactement les mêmes zones de végétation au seind’une mare : les deux premiers seront plutôt cantonnés aux margesde la mare, dans les zones peu profondes et le troisième au centrede la mare, dans les parties les plus profondes.Encadré 23. Ségrégation spatiale et temporelle des <strong>mares</strong>à DoñanaDiaz-Paniagua 114, 115, 116 a pu observer, dans un réseau de 16 <strong>mares</strong><strong>temporaires</strong> du Parc National de Doñana (sud-ouest de l’Espagne),les périodes larvaires de 10 espèces d’amphibiens durant six années.<strong>Les</strong> espèces qui pondaient le plus tôt en saison, donc en automne,étaient Discoglossus galganoi et Pelobates cultripes. Ces deuxespèces ont montré, au cours de l’étude, la plus grande variationdans leur dates de début de ponte en relation avec les variationsannuelles de mise en eau des <strong>mares</strong>.La ségrégation spatiale des espèces dépendait essentiellementde la profondeur de la mare. Trois groupes ont été mis en évidence: un groupe qui pond dans les <strong>mares</strong> les plus éphémères,évitant ainsi les autres espèces (Bufo calamita et Discoglossusgalganoi), un groupe qui pond dans les <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> restanten eau assez longtemps (Triturus marmoratus, T. boscai etHyla meridionalis) et un groupe utilisant les <strong>mares</strong> à inodationlongue, voire pérennes (Pelodytes punctatus, Pelobates cultripes,Bufo bufo, Rana perezi et Pleurodeles waltl).Jakob C.50e. InvertébrésThiéry A.De nombreuses études ont porté sur la richesse des peuplementsde macro-crustacés des milieux <strong>temporaires</strong> dans plusieurs pays etsous différentes influences climatiques en Europe 9, 52, 282, 410 ,en Australie 26, 218 , aux USA 168 et en Afrique 49, 106, 147, 148, 189, 250 .En revanche, peu d’études ont été menées sur leur fonctionnement.L’hydrologie ressort, néanmoins, comme l’un des facteurs clés : elleconditionne la présence, la composition et la structuration desbiocénoses* (flore, faune, etc.), et régule les communautés d’invertébrésaquatiques.Structure de l’habitatOn distingue trois paramètres hydrologiques principaux : la duréede mise en eau, la qualité des eaux et la période (saison) à laquellese fait la mise en eau.La durée de mise en eau est déterminée par le climat (pluviosité,etc.), les sols (nature, porosité, etc.), la profondeur de la mare, laprésence et la proximité d’une nappe phréatique. Elle intervientdirectement dans la structuration des communautés du fait de ladualité faune résidente-faune migrante telle qu’elle a été définiepar Giudicelli & Thiéry 166 (Chapitre 2d). D’après les données recueilliesdans des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> de divers pays du Bassin méditerranéen(France, Maroc, Algérie, etc.), la dynamique de colonisation s’établit148, 375, 377, 380 selon 4 phases plus ou moins distinctes :A. un stade pionnier avec une faible richesse, une dominance desespèces résidentes à stades de résistance et quelques espècesmigrantes (moins de 5),B. un stade d’accroissement de la richesse par apports d’espècesmigrantes (Hétéroptères, Coléoptères, Diptères, etc.),C. un stade d’équilibre (déroulement des cycles vitaux, reproduction,etc.),D. une phase de sénescence, où l’on constate une émigration et ladisparition de certaines espèces résidentes à cycles courts (Anostracés,Cladocères, Rotifères, etc.).A partir de ce modèle, la durée de mise en eau va permettre ou nonl’installation et le développement de ces phases successives. Cemodèle dynamique reste toutefois théorique et doit être adapté àla diversité des situations :• Dans le cas des milieux éphémères (moins de 3 semaines d’inondation,Fig. 15a), la richesse faunistique est faible. La faune d’invertébrésn’est représentée que par des crustacés à cycles courts(Copépodes cyclopoides), quelques vers et des Diptères ubiquistes*(Chironomides, Culicides, etc.) venant pondre dès que la mise eneau est détectée. Quelques Coléoptères, comme Agabus nebulosus,peuvent rapidement coloniser le nouvel habitat et assurer une forteprédation sur la microfaune jeune 206 . Dans ces milieux la diversitéspécifique est faible, du fait de la prolifération de quelques espèces(niches écologiques vides, ressources nutritives en excès).• Dans les <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> (1 à 3 mois d’inondation, Fig. 15b) :les espèces pionniers* sont présentes, avec en particulier des macrocrustacésanostracés (Branchipus, Lindiriella, etc.) pouvant assurerleur reproduction du fait d’une durée de mise en eau plus longue.Suit la deuxième phase avec l’arrivée d’insectes migrants. Cettepériode se caractérise par une richesse croissante avec le temps.La diversité augmente du fait du rééquilibrage numérique desdifférentes espèces suite à l’établissement des relations trophiques*
3. Fonctionnement et dynamique de l’écosystème et des populations4152367a)1 - Annélide oligochète2 - Nématode3 - Anostracé4 - Cladocère5 - Cyclopoïde (femelle avec œufs)6 - Larve de chironomide7 - Coléoptère (Agabus nebulosus)MigrantsFormes de résistance11101812 1314b)8 91 - Annélide2 - Ostracode3 - Larve Caenis (Ephémère)4 - Larve Anisoptère (Odonate)5 - Corixidé6 - Notostracé (Triops)7 - Hydracarien8 - Larve Trichoptère9 - Larve Chironome10 - Notonecte (Hétéroptère)7194 511 - Gyrinus (Coléoptère)12 - Gerris (Hétéroptère)13 - Anostracé14 - Hydrophilidé201 2 361715 - Coléoptère Dytiscidé16 - Larve de Coléoptère17 - Larve Clœon (Ephémère)18 - Cladocère161519 - Calanoïde20 - HarpacticoïdeMigrantsFormes de résistanceFigure 15. Structure des peuplements d’invertébrés dans les <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> en fonction de la durée d’inondation.a) mare éphémère, b) mare temporaireFigure 16. Succession des populations de Cladocères Daphnia,Simocephalus et Chrydorida illustrant la non compétition trophiqueau sein d’une même mare (d’après Laugier 227 )(chaînes alimentaires). L’optimum atteint par la courbe dépend dela date d’assèchement.• Dans les <strong>mares</strong> à durée de submersion plus longue (3 à 8 mois)la richesse augmente encore et les 4 phases peuvent être observées(cas de Bonne Cougne). Plus de 100 espèces peuvent parfois êtrenotées au sein du biotope, avec toutefois des décalages temporelsdu fait de dates d’apparition et de durées de vie différentes. Aucours du temps, on assiste à une succession de populations211, 218,363, 375, 377, 380, 410(Fig. 16). Au sein du biotope la ségrégation est aussispatiale du fait des exigences écologiques contrastées des espècesEffectifs.L -114121086420ChydoridaeSimocephalusDaphnia0 1,5 3,5 5,1 6,8 8,8 10,5 12Temps (jours)51