<strong>Les</strong> <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> méditerranéennes(planctoniques, benthiques, etc.). Dans une mare temporaire, lesespèces concurrentes sont rares du fait de la diversité des microhabitatset des régimes alimentaires (carnivores, filtreurs, racleurs,détritivores, etc.). Cette faible concurrence résulte à la fois du décalagetemporel des stades de croissance et des preferendum d’habitat.A titre d’exemple, si deux Anostracés coexistent au temps t,l’un sera au stade adulte reproducteur (Branchipus schaefferi ouTanymastix stagnalis) et le second au stade juvénile (Chirocephalusdiaphanus à croissance lente). Ces deux espèces n’exploitent pas lesmêmes ressources alimentaires 382 du fait de différences anatomiques(distances entre les soies de leurs appendices foliacés*).Facteurs géographiques<strong>Les</strong> conditions d’éclairement (<strong>mares</strong> en terrain dénudé, <strong>mares</strong> forestières,etc.), et l’accessibilité tant pour l’entomofaune migranteque pour les oiseaux (Encadré 29, Chapitre 3f), jouent un rôleimportant dans la composition et la richesse spécifique. <strong>Les</strong> échangesde faune (connectivité*) dépendent aussi de la distance de la mare 10aux autres biotopes aquatiques, <strong>temporaires</strong> ou pérennes (réseaude canaux, rivières, lacs, étangs, etc.). <strong>Les</strong> <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> fonctionnentun peu comme des îles 125, 380 avec, en particulier, unerichesse spécifique liée à la surface de la mare (Fig. 17). Commepour les milieux insulaires, on assiste, avec une fréquence plusimportante que dans les milieux continus, à des processus de spéciationavec l’émergence d’espèces endémiques* 27 comme Linderiella,Tanymastigites, Tanymastix, Branchipus, etc.Qualité des eaux<strong>Les</strong> exigences physiologiques de la faune invertébrée aquatique(excrétion et respiration) déterminent en partie leur présence potentielledans une mare. La régulation osmotique dépend de la minéralitédes eaux (salinité, dureté, etc.) qui varie entre sites mais aussi aucours d’un cycle annuel. La plupart des invertébrés d’eau douce nesurvivent pas à des conductivités supérieures à 1,5 - 2 mS.cm -1 . <strong>Les</strong>processus osmotiques influent aussi sur l’éclosion des œufs derésistance des crustacés Branchiopodes et Copépodes. Aussi toutepollution (nitrates, phosphates, chlorures, etc.) met en péril la péren-Figure 17. Evolution du nombre d’espèces d’invertébrés en fonctionde la superficie de la mare (d’après Giudicelli & Thiéry 166 )Richesse totale en invertébrés10090807060504030201000 20 40 60 80Diamètre de la mare (m)Encadré 24. Mares <strong>temporaires</strong> : des milieux en surchauffe?<strong>Les</strong> <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>, du fait de leur profondeur et de leurcouverture végétale faibles, présentent, à certaines périodes, desconditions de température parfois incompatibles avec la vieaquatique. La température agit directement sur la physiologiedes organismes invertébrés (poïkilothermes*) mais aussi indirectementpar ses effets sur la solubilité de l’oxygène. Durant lespériodes chaudes, où l’eau des <strong>mares</strong> peut parfois dépasser 30°Cle jour, les crustacés Triops, par exemple, se trouvent proches duseuil létal, correspondant au seuil thermique de précipitationdes protéines. Des disparitions brutales de populations se produisenten quelques heures lorsque l’eau passe le seuil de 32-33°C(Thiéry, données inédites).Si la vitesse de développement est accélérée et la féconditéaccrue, la contrepartie réside dans la moindre taille des individusà maturité et dans une longévité diminuée 380 . <strong>Les</strong> milieux<strong>temporaires</strong> de zones arides présentent une particularité originaleliée à la turbidité des eaux. Observée dans des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>turbides en Israël 414 , en Nouvelle Zélande 26 et aux USA 132 ,l’existence d’une micro-stratification avec diminution de la températurede 8 à 10°C à - 20 cm de profondeur (± 2 cm), restaitinexpliquée. Thiéry 380 explique cette stratification dans les dayasdu Maroc occidental. En résumé, les matières organiques particulairesadsorbées sur les argiles en suspension piègent les radiationssolaires et, en fonction du pH, se maintiennent en suspensiondu fait d’une augmentation de la viscosité de la couche superficiellede l’eau (épilimnion). La couche d’eau de 20 cm d’épaisseurqui a capté la température le jour demeure en surface la nuit,sans se mélanger avec la couche profonde. Cette dernière restealors à la température de la nuit, soit de 8 à 10°C inférieure à cellede surface. Cette zone profonde (hypolimnion) offre un refuge thermiqueaux crustacés qui s’y regroupent le jour.Lorsque l’assèchement devient de plus en plus prononcé, cettemicrothermocline disparaît et la colonne d’eau devient thermiquementhomogène. Face à la forte augmentation de la température,les crustacés vont produire des protéines thermo-protectrices,les “Heat Shock Proteins” (HSPs), qui leur permettent de survivrequelques heures à plus de 36°C (une heure à 40°C chez Artemia).Cela correspond à une réponse métabolique au stress thermiquecomme le montrent les études de Miller & Mc Lennan 266 sur Artemiaet de Jean et al. 202 sur Lepidurus.L’augmentation de la température de l’eau joue également unrôle sur l’activité des insectes, en déclenchant des vagues d’envolet de migration chez les Corixidae par exemple (Sigara, etc.).A l’inverse, les eaux chaudes de 20 à 25°C seront recherchéespar des insectes en limite d’aire biogéographique, cas des espècesd’origine “éthiopienne” comme l’Odonate Anisoptère Crocothemiserythraea 122, 123 , l’Hétéroptère Anisops sardea et le ColéoptèreEretes sticticus, considéré à tort comme endémique en Provence.Thiéry Anité des espèces. La température et la teneur en oxygène dissoussont des facteurs limitants pour la survie (Encadrés 24 et 25). Lorsd’importants développements de populations algales, en saisonchaude (printemps et été), des déficits en oxygène dissous de nuitpeuvent devenir létaux pour les crustacés 380 .52
3. Fonctionnement et dynamique de l’écosystème et des populationsMacrophytesLe dernier facteur d’importance pour la macrofaune invertébréeest la présence d’herbiers submergés. Ils agissent comme des microhabitatsrefuges, cloisonnant la colonne d’eau et créant une hétérogénéitéfavorable à la biodiversité 399 . Comme le signale Aguesse 2 ,les rizières favorisent le développement d’Ischnura elegans, I. pumilio,Crocothemis erythraea et Sympetrum fonscolombei.D’une façon générale, la diversité de la végétation et des hydrophytes*est un facteur déterminant de la richesse en Odonatesd’une mare 120 .<strong>Les</strong> plantes émergées représentent des surfaces importantes coloniséespar une microfaune sessile* qui sera une ressource nutritivepour des invertébrés racleurs (Micronecta, Sigara, etc.). De leur côtéles Characées jouent un rôle important dans le piégeage des sédimentset contribuent à clarifier les eaux 70, 342, 404 , ce qui a des effetsvariables selon les espèces de crustacés. <strong>Les</strong> Cladocères, par exemple,sont favorisés par l’augmentation de la transparence de l’eau.<strong>Les</strong> Characées métabolisent aussi le calcium et les carbonates pourl’édification de leur appareil végétatif et interviennent ainsi dansl’évolution de la qualité des eaux (Encadré 13, Chapitre 2a).Si les phases dynamiques A et B décrites précédemment ne sontque peu végétalisées (inertie des germinations, croissance lente,etc.), les herbiers représentent une composante déterminante dansl’évolution des communautés animales lors des phases C et D.Evolution des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> à moyen et long termeDans le temps, à l’échelle décennale, la mare temporaire ne restepas stable mais évolue dans sa morphologie (comblement, etc.), cequi entraîne des modifications de structure de sa biocénose*.Encadré 25. Oxygène dissous et milieu temporaireDans les milieux <strong>temporaires</strong>, la teneur en oxygène dissous de l’eauest l’un des principaux facteurs limitants pour la survie de la fauneinvertébrée. Si la plupart des animaux ne sont pas affectés par dessursaturations supérieures à 150 %, les sous-saturations inférieuresà 20 %, même limitées dans le temps (parfois quelques heures lanuit), représentent des seuils létaux.Dans les <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>, les teneurs en oxygène varient dans letemps et en fonction de la présence de végétaux submergés 380(Fig. 18). La végétation immergée (Ranunculus, algues filamenteusesSpirogyra, etc.) contribue à des fortes teneurs diurnes en O 2 dansl’eau (photosynthèse) et à des valeurs faibles pendant la nuit (respirationdes végétaux). La végétation aquatique à feuilles émergées(Heleocharis, Carex, Isoetes, Glyceria, etc.) n’a que peu d’incidence.De plus, compte tenu des lois physiques de la solubilité des gaz,l’oxygène disponible diminue lorsque la température de l’eau augmente.Quand le milieu s’appauvrit en oxygène, les invertébrés aquatiquesrépondent de diverses façons :• en rentrant dans des phases de vie ralentie afin de limiter leurbesoin en oxygène,• en modifiant leurs activités et comportements biologiques (locomotion,etc.),• en synthétisant des pigments respiratoires capables de mieuxfixer l’oxygène. C’est le cas de certains crustacés, insectes et mollusques.Ainsi, les crustacés Branchiopodes (Triops par exemple) sontcapables de synthétiser de l’hémoglobine extra-cellulaire 149 . Chezles Anostracés Artemia, trois types d’hémoglobines, capables defixer l’O 2 de façon réversible existent, ce qui leur donne une couleurrouge dans les conditions d’anoxie 107, 268 . <strong>Les</strong> mollusques Gastéropodespulmonés comme Planorbis ainsi que les larves de DiptèresChironomidae Chironomus du groupe plumosus et thumni, ont égalementcette capacité 413 .Outre la production d’hémoglobines, les crustacés peuvent modifierleur activité biologique en augmentant la vitesse de battements deleurs appendices natatoires (ventilation forcée par accroissement duvolume d’eau baignant les branchies). Ils modifient leur comportementpar la réduction de leur consommation d’oxygène dissous 134 etpar des migrations verticales chez les Anostracés 271 , le retournementchez Triops (qui utilise la frange d’eau la plus oxygénée à l’interfaceair/eau), le regroupement dans la zone profonde donc plus fraîchede la mare chez les Notostracés. Une étude a ainsi montré que Triopsou Leptesteria ont des seuils létaux très bas, proches de 10 % desaturation, seuils qui ne sont que rarement rencontrés dans le milieunaturel 380 .Martin C. & A. ThiéryFigure 18. Evolution au cours d’une journée de l’oxygène dissouset du pH dans l’eau libre et dans un herbier (mare du Maroc)(d’après Thiéry 380 )Oxygène dissous (mg.L -1 )1615141312111098767h 9h 11h 13h 15h 17h 19h■Renoncule ■Isoète ■Eau libre53