<strong>Les</strong> <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> méditerranéennesde consanguinité* et augmente donc la “qualité” et les chances desuccès des descendants. De nombreuses espèces animales et végétalesdes <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> sont capables de se multiplier sansfécondation croisée : certains invertébrés pratiquent la parthénogenèse(Encadré 28) et l’autogamie* est fréquente chez les plantes.Dans des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> de la région de San Diego (USA), parexemple, 12 espèces sur 20 sont autogames 417 . Dans la RéserveNaturelle de Roque-Haute, les populations de Scirpe maritime (autoincompatible)ne produisent pas ou peu de graines du fait de leurisolement et du manque de pollen provenant des <strong>mares</strong> voisines 75 .<strong>Les</strong> espèces végétales spécialistes des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> tendentà disperser pollen et fruits moins efficacement que les généralistes(voir plus bas). Avec des flux de gènes réduits, elles devraient présenterplus de différenciations entre populations que les espècesgénéralistes. La faible dispersion (quelques centimètres ou décimètres)peut engendrer l’apparition de différenciations génétiquesau sein d’une même mare. En effet, Linhart 236 a montré, dans des<strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>, l’existence de différenciations génétiques adaptativesentre des populations de Veronica peregrina distantes de2 à 5 m : les plantes du centre de la mare étaient adaptées à unecompétition intra-spécifique forte dans un environnement humideet prévisible alors que celles de la périphérie étaient adaptées àune compétition interspécifique élevée dans un milieu plus sec etinstable.La dispersion favorise la colonisation de nouveaux sites et évitel’extinction des espèces ou des gènes. <strong>Les</strong> œufs et les graines permettentla dispersion des individus alors que la mobilité du pollenou des gamètes assure la dispersion des gènes. A court terme, enparticulier dans les milieux insulaires, l’aptitude à la dispersionpeut être contre-sélectionnée : la probabilité de réussir pour uneplante peut être maximale là où ont poussé les générations précédentes.<strong>Les</strong> populations colonisant de nouveaux milieux isolés peuventperdre très rapidement les caractères favorisant leur dispersion.Ainsi dans des petites îles, chez plusieurs espèces d’Asteraceae,une dizaine d’années seulement après leur introduction, une réductionde leur capacité de dispersion a été observée 69, 83 . <strong>Les</strong> faibleseffectifs facilitent ces adaptations. Chez les plantes des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>,cette réduction des mécanismes de dispersion a aussi étéconstatée 417 (Fig. 20).A l’échelle de la Méditerranée, la colonisation de sites très éloignéspar des cortèges floristiques et faunistiques similaires suggère,néanmoins, l’existence d’une dispersion sur de longues distancespar les oiseaux, le vent, etc. Des spores, des graines et des œufsPourcentage (%)100806040200Espècessans mécanismede dispersiondes graines■ Espèces des autres milieux■ Espèces des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>Espècesavec mécanismede rétentiondes grainesFigure 20. Taux d’espèces sans mécanisme de dispersion et avecdes mécanismes de rétention des graines chez les végétaux des<strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> et des autres habitats en Californie (d’aprèsZedler 417 )d’invertébrés peuvent être transportés, parfois sur de longues distances,dans l’argile collée aux pattes des oiseaux ou supportersans dommage le passage dans leur tube digestif 143, 308 . Ce phénomènefacilite vraisemblablement la colonisation de sites nouveauxet les flux de gènes entre populations. En environnement aride ousemi-aride, où les <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> constituent des lieux privilégiésd’arrêt pour les oiseaux d’eau 208 , la distance de dispersion serafonction de la durée et de la distance de leurs déplacements. Surde plus courtes distances, d’autres vertébrés comme le bétail 380 , lessangliers, les rats 48 ou les lapins 418 sont aussi des agents de dispersiondes graines ou des œufs de macro-crustacés. Le rôle desamphibiens mériterait d’être étudié 40, 380 .Champeau et Thiéry 74 ont observé un transport des œufs de crustacéspar les vents sahariens depuis l’Afrique du Nord vers le sudde l’Europe. Ils expliquent l’existence d’un gradient sud-nord dansl’aire de répartition de certaines espèces comme le résultat d’ungradient de retombée en fonction de la masse des œufs. <strong>Les</strong> grosœufs de Triops numidicus retombent, par exemple, en Sicile et àMajorque alors que des œufs plus petits, comme ceux des CopépodesCalanoïdes, retombent plus au nord vers la Corse (Fig. 21).<strong>Les</strong> graines d’Elatine brochonii sont si petites que l’on peut supposerqu’elles sont transportées par des vents forts.Encadré 28. La parthénogenèse : un moyen efficace de peuplerrapidement le milieu1. A la mise en eau, les œufs de résistance de Cladocères enfouisdans les sédiments éclosent et donnent naissance à deux femellesamictiques (diploïdes mais incapables de s’accoupler).2. Ces femelles donnent naissance par parthénogenèse à des jeunes(ovo-viviparité) ou à des œufs capables d’éclore immédiatement (œufsimmédiats). <strong>Les</strong> œufs immédiats éclosent pour donner des femellesamictiques et ainsi de suite. Ce type de reproduction a l’avantage deproduire, à moindre coût, des individus en grand nombre (3 à 45 parfemelle selon l’espèce et les conditions du milieu).3. Lorsque les conditions environnementales deviennent plus drastiques(augmentation de la minéralité, de la température, etc.), lesfemelles amictiques produisent des femelles mictiques (diploïdesmais capables de s’accoupler) ainsi que des mâles (de taille souventplus petite que les femelles).4. Fécondée par un mâle, la femelle mictique donne un œuf de résistancenécessitant une phase de maturation (phase d’assèchementsuffisamment longue) avant l’éclosion. Ces œufs résistent quelquesmois à plusieurs années, enfouis dans le sédiment lorsque les conditionsdu milieu sont défavorables, jusqu’à l’éclosion.La parthénogenèse est un phénomène courant en milieu permanent(stable) où certaines populations (Cladocères, Rotifères) sedéveloppent en l’absence totale de mâle et d’œufs de résistance.Par contre, lorsque les conditions deviennent drastiques, le sexratio*(rapport du nombre de mâles sur celui de femelles) est prochede 1 et la survie des espèces repose essentiellement sur la productionde stades de résistance issus de la reproduction sexuée.Gauthier P. & A. Thiéry d’après Peters & Bernardi 29556
3. Fonctionnement et dynamique de l’écosystème et des populationsMaxiø 100 µmlimite des œufs deCopépodes calanoïdesMaxi ø 600 µmlimite des œufs deTriop numidicusVents sahariens alt.600 - 1500 m0 500 kmTriop numidicusCopépodes calanoïdesFigure 21. Carte de distribution de retombée des œufs de résistance de crustacés selon un gradient de taille (modifié d’après Champeau& Thiéry 74 )Figure 22. Cycle des Cladocères/Daphnidaese fait x fois2 - Amplification du nombre de femellesamictiques (2n)…3 - Apparition depetits mâles (2n)et de femellesmictiques (2n)Détérioration des conditionsenvironnementales :lumière, [ions] , [0 2] , T° ,densité des populations …2 - Amplification par œufs immédiatsou ovoviviparité4 - Fécondationscroisées =œufs de résistance(sexués)Niveau d’eau1 - Eclosion des femelles amictiques■ Eau■ Sédiments[ ] Concentration02 OxygèneT° TempératureBaisseAugmentation57