3. Fonctionnement etdynamique de l’écosystèmeet des populationsa. IntroductionGauthier P. & P. GrillasLa caractéristique écologique essentielle des zones humides <strong>temporaires</strong>est l’alternance de phases inondées et exondées. Pendantchacune de ces phases, des facteurs environnementaux différentsjouent un rôle prépondérant dans la structure et la dynamique deces écosystèmes. Lors de la phase aquatique l’oxygène et le dioxydede carbone dissous sont faiblement disponibles pour les plantesqui, pour pallier ces manques, ont développé des adaptationsd’ordre anatomique et physiologique (feuilles découpées, réductionde l’épaisseur de la cuticule, utilisation des carbonates au lieudu CO 2 pour la photosynthèse, etc.). Lors de la phase exondée (été),la sécheresse édaphique est un facteur limitant très importantpour la survie des organismes. Elle est liée à l’épaisseur et à lanature du sédiment (réserve en eau utile pour les végétaux,refuges humides et fentes de retrait pour les animaux). On peutconsidérer, à l’extrême, que plusieurs écosystèmes se succèdentsur un même espace : le premier inondé, à végétaux flottants et àanimaux nageants, suivi par un stade d’assèchement progressifavec des végétaux amphibies, puis un stade sec à végétation et àfaune terrestres.Une seconde caractéristique écologique importante des <strong>mares</strong><strong>temporaires</strong> sous climat méditerranéen est la forte variation interannuellede la pluviométrie (rythme et intensité) résultant en desconditions d’inondation instables (Chapitre 3b).Cette succession de phases contrastées et variables d’une année àl’autre, favorise l’émergence de communautés végétales et animalesriches et originales, particulièrement adaptées à l’instabilité dumilieu 157 . Chez les végétaux, sont favorisées les espèces annuelleset les espèces vivaces possédant des structures anatomiques leurpermettant de surmonter la phase sèche 260 : bulbes des géophytes*(Isoetes setacea, etc.) et racines charnues des hémicryptophytes*(Mentha pulegium, etc.).D’autres facteurs environnementaux comme la teneur en calciumet en nutriments* (azote, phosphore) sont fondamentaux pour lefonctionnement de ces milieux <strong>temporaires</strong>. Beaucoup de plantesne tolèrent pas la présence de calcium dont la concentrationdétermine la mise en place de grands types de végétation. Parexemple, les milieux pauvres en calcaire et plus généralement enéléments dissous sont favorables aux formations à Isoetes.Inversement, les formations de l’Heleochloion (Heliotropium supinum,Crypsis schoenoides, etc.) sont souvent rencontrées sur dessubstrats riches en calcaire. De même, les crustacés ont besoin decalcium pour construire leur carapace.Une eutrophisation d’origine naturelle (accumulation de débrisvégétaux) ou anthropique (apports d’engrais) peut bouleverserl’équilibre des communautés et entraîner leur banalisation, c’està-direle remplacement des espèces caractéristiques par des généralistesplus productives (roseaux, scirpes, etc.). L’eutrophisationde l’eau, combinée aux phénomènes de comblement par les élémentsfins ou grossiers du sol (atterrissement*), favorise aussi lafermeture du milieu par des ligneux. Ce processus conduit nonseulement à l’augmentation de la compétition pour la lumièrechez les plantes mais peut aussi modifier la durée de mise en eau(via l’évapotranspiration) et la température des <strong>mares</strong>, ce quiaffecte la flore et la faune.D’autres phénomènes comme la sédimentation ou inversement l’érosionmodifient le régime hydrologique des <strong>mares</strong> et ruisseaux <strong>temporaires</strong>.Un autre facteur essentiel pour les populations végétales et animalesdépendantes des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> est leur discontinuité.Leur dispersion à l’échelle du Bassin méditerranéen et leur morcellementau sein d’une même région en font des milieux très isolés.<strong>Les</strong> espèces occupant ces milieux apparaissent donc, dans lepaysage, sous forme de populations fragmentées au sein d’unematrice d’habitats naturels (pelouses sèches, maquis ou forêts) ouanthropisés (champs, vignobles, etc.).L’assujettissement des espèces aux contraintes environnementalesvarie en fonction de leurs stratégies de vie et de leur mobilité.Certaines espèces accomplissent tout leur cycle de vie dans cesmilieux (les crustacés ou les plantes, par exemple). D’autres doiventnécessairement y effectuer une phase de leur vie (les amphibiens,par exemple). Enfin, des espèces plus opportunistes ne sontpas inféodées aux milieux <strong>temporaires</strong> mais profitent de conditionsmomentanément favorables pour y accomplir une partie deleur cycle (par exemple les libellules).Des stratégies de vie convergentes ont parfois évolué chez lesespèces végétales ou animales des milieux <strong>temporaires</strong> dont unegrande adaptabilité du cycle de vie en réponse aux modificationsdu milieu 18 . Ainsi, par exemple, lorsque les niveaux d’eau diminuentau printemps et que la température de l’eau augmente, ledéveloppement des espèces est accéléré chez certains invertébrésou amphibiens (métamorphose avancée) comme chez certainesplantes (floraison précoce caractéristique des espèces dites éphémérophytes*).<strong>Les</strong> plantes annuelles, de même que les crustacés,ont recours à des organes de reproduction résistants à la sécheresse,des graines ou des oospores* pour les premières et des œufsou des cystes pour les seconds. Ces organes constituent des“banques” dans le sédiment leur permettant de répondre aux aléasdu milieu en assurant un capital qui ne germera ou n’éclorera passimultanément mais sur plusieurs années. Chez les amphibiens, ladurée de vie au stade adulte leur permet de ne pas se reproduirecertaines années, lorsque les conditions hydrologiques leur sontdéfavorables.36
3. Fonctionnement et dynamique de l’écosystème et des populationsb. Caractéristiqueshydro-climatiquesChauvelon P. & P. HeurteauxDans les <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>, comme dans tout biotope humide,l’eau est l’élément essentiel, le plus structurant pour le fonctionnementdes écosystèmes. <strong>Les</strong> <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> sont caractériséespar les fluctuations des niveaux d’eau (Fig. 5) qui déterminent desfacteurs écologiques comme la durée d’inondation, les dates de miseen eau et d’assèchement ou la profondeur.Le volume d’eau stocké dans une mare varie, d’une part en fonctiondes apports par la pluie (directs ou indirects) et par les eauxsouterraines et, d’autre part en fonction des pertes par évaporation,surverse ou infiltration. <strong>Les</strong> pluies qui tombent sur le bassinversant suivent trois voies, elles s’évaporent, ruissellent en surfaceou s’infiltrent dans le sol. La part de chacune de ces voies dépendde la nature du substrat, de la topographie et du couvert végétal.<strong>Les</strong> pertes vers l’atmosphère (sous forme de vapeur) sont dues soità la vaporisation à partir de substrats humides (eau libre, sol etcanopée mouillés par la pluie), soit à la transpiration des végétaux.On appelle évapotranspiration l’ensemble de ces deux phénomènes.Son importance est fonction de la densité et de la naturedu couvert végétal du bassin versant. Le ruissellement et l’infiltrationdépendent de la perméabilité du substrat et de la pente. Parexemple le ruissellement est plus important sur une roche compactepentue alors que l’infiltration est plus forte sur une rocheporeuse aux pentes atténuées.<strong>Les</strong> variations saisonnières et interannuelles du volume d’eau stockéedans une mare traduisent, à l’état naturel, la variation temporelledu bilan des entrées (pluies directes, ruissellement de surface,apport d’eaux souterraines) et des sorties (infiltration, surverse etévapotranspiration). Il peut arriver que cet état naturel soit perturbépar l’homme (irrigation, drainage, usages domestiques, parexemple).<strong>Les</strong> deux écophases* extrêmes (inondée et sèche) d'une mare temporaireméditerranéenne (Plaine des Maures, Var, France)Stock = [pluie (apport direct + ruissellement)] – [évaporation de l’eaulibre + transpiration] ± eaux souterraines ± actions anthropiquesCatard A.Figure 5. Variation des niveaux d’eau dans les marais <strong>temporaires</strong> de la Cerisière Sud (Camargue) et dans un marais de la région deMarrakech (d’après Grillas & Roché 175 complété)Marais de la Cerisière SudCamargue FranceMarais dans la région de MarrakechMarocNiveau d’eau (cm)807060504030201001991-1992 1992-1993 1993-1994 1994-1995 1995-19961980-1981 1981-1982 1982-1983 1983-1984 1984-1985100S N J M M J S N J M M J S N J M M J S N J M M J S N J M M JS N J M M J S N J M M J S N J M M J S N J M M J S N J M M JMoisMoisNiveau d’eau (cm)605040302037