<strong>Les</strong> <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> méditerranéennesb. Maîtrise foncière et d’usagePerennou C.Dans la plupart des pays du Bassin méditerranéen, l’Etat ou lesautorités régionales peut limiter les usages sur des terrains privés,dans le cadre de mesures réglementaires de protection. Cependant,il ne peut pas forcer un propriétaire qui ne le souhaite pas, àles gérer pour la protection de la nature. Aussi, le contrôle de l’usagedu sol par des organisations publiques ou privées de protection dela nature peut être indispensable à la gestion des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>.Ce contrôle peut être soit total (acquisition), soit partiel(contrat, bail, convention avec le propriétaire). L’acquisition, voirele contrôle partiel des terrains, ne représente pas un préalabledevant être appliqué dans tous les cas. Des moyens moins contraignants,et moins onéreux, seront privilégiés chaque fois que celasera possible.L’importance du recours à l’acquisition ou à la gestion contractuellepour la conservation d’habitats naturels est très variableselon les régions et les pays. Certains disposent d’organismes privésou publics dotés de moyens propres et d’expériences sur cesmodes de contrôle. Cependant, dans nombre de pays, les expériencessont inexistantes ou très récentes. De plus, l’informationest très dispersée, peu publiée et presque jamais spécifique aux<strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> méditerranéennes. <strong>Les</strong> synthèses sont rares, àl’exception de celle réalisée dans les pays méditerranéens del’Union européenne dans le cadre du projet LIFE “Registre Vert”pour les milieux côtiers 44 (www.green-register.org). Ce qui suitrepose donc, essentiellement, sur des bilans relatifs à des milieuxnaturels plus larges (sites Natura 2000, secteur côtier, etc.). Lapertinence de cette information pour les <strong>mares</strong> est toutefois trèsprobable. Hors de l’Union européenne, l’information est quasiinexistanteet les actions de maîtrise foncière ou d’usage semblentquasi-impossibles, notamment parce que, très souvent, le propriétairedu terrain est inconnu. Des superpositions de droits coutumierset de nationalisations/dénationalisations peuvent, en effet,créer un flou juridique difficile à démêler (Bougeant, com. pers.).Dans l’Union européenne, la Commission ne juge recevable l’acquisitionde terrains de grande valeur biologique dans le cadre de projetsLIFE, que dans la mesure où elle permet une gestion active,nécessaire pour la protection des espèces ou des habitats clés. Pourles terrains considérés comme déjà protégés par leur intégration auréseau Natura 2000, l’acquisition sous LIFE ne peut pas être vuecomme un moyen de contrer des menaces, qui relèvent, dans cettesituation, de la seule responsabilité des Etats membres. <strong>Les</strong> <strong>mares</strong><strong>temporaires</strong> constituent un habitat bien adapté à la philosophie deNatura 2000, qui prône une gestion la plus contractuelle possible :ces milieux ont longtemps dépendu d’activités humaines traditionnellesaujourd’hui en déclin (pâturage) ; leur restauration passesouvent par un maintien ou une restauration de celles-ci, en accordavec ceux qui les pratiquent ou par une adaptation des pratiques(défense forestière contre les incendies, par exemple) vers desméthodes plus compatibles avec leur conservation.a. Selon les régions, ces conservatoires sont soit associatifs, soit dépendent de collectivitéslocales.b. Tels que le Service des Domaines en France, les Comisiones Provinciales de Urbanismoen Espagne, et des instances similaires en Italie et au Portugal.Acquisition foncièreL’acquisition est le mode de contrôle offrant le plus de garanties àlong terme. Elle peut être réalisée par un organisme public :• en France : Conservatoire du Littoral, Départements,• au Portugal, après l’achat par l’Etat dans les années 1970 des terrainsde l’actuelle Réserve Naturelle de Paul de Boquilobo, l’Istitutode Conservaçao da Natureza a récemment commencé à acquérirdes terrains au sein des aires protégées qu’il gère,• en Espagne, le gouvernement de la Communauté Autonome desBaléares (8 000 ha acquis) a une bonne expérience d’acquisitionde terrains pour la nature,• en Italie, aucune autorité publique n’a acquis de terrains pour laconservation à ce jour, mais certaines régions commencent à s’y intéresser,• en Grèce, l’Etat acquiert les terrains en Zone Centrale des ParcsNationaux 20 mais l’information manque sur les surfaces acquises,à ce jour. La même procédure y est simplement envisagée dans lecadre de Natura 2000 20 et, plus largement, pour des secteurscôtiers naturels proches de zones touristiques 44 .L’acquisition peut aussi être menée par un acteur privé :• fondation : Fondation Sansouire en France (nombreuses <strong>mares</strong><strong>temporaires</strong> en Camargue), Fundacio Territori i Paisatge en Catalogne(FUNDTIP ; 7 000 ha acquis en deux ans d’activité), FondationGlobal Nature en Espagne (www.fundacionglobalnature.org/), etc.• association : WWF Italie (nombreuses “oasi”), ConservatoireRégional des Sites a en France, GOB et SEO/BirdLIFE en Espagne(540 ha achetés par la SEO dans les steppes de Belchite et le deltade l’Ebre, dans le cadre de projets européens ACNAT/LIFE)(www.seo.org), Ligue pour la Protection de la Nature au Portugal(achat de terrains de valeur ornithologique dans le sud du pays,Castro Verde, dans le cadre de deux projets LIFE), etc.Dans la plupart des sources, il n’est pas précisé si les terrainsacquis contiennent ou non des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>.Structures plus souples administrativement, mais disposant souventd’une trésorerie moindre que les autorités publiques, ellessont davantage soumises aux aléas financiers d’un projet : retardsde paiements par les bailleurs de fonds, emprunts moins faciles.L’acquisition est facilitée quand des organismes spécifiques, dontc’est l’une des principales missions sinon la seule, existent : moyensspécifiques alloués, compétences et contacts en matière foncière,dispositions légales facilitant leur intervention (droit de préemption,organismes de régulation des prix b , possibilité d’expropriation,inaliénabilité des terrains acquis, etc.). Des régions espagnoles ontainsi souvent abandonné des projets en raison de leur complexitéadministrative.L’inaliénabilité est l’une des meilleures garanties de la protectionde sites à très long terme : une fois acquis, aucun risque derevente n’existe. Elle est la règle en France pour les terrains duConservatoire du Littoral et en Espagne pour ceux de la FUNDTIP.L’expropriation est un moyen coûteux (procédures légales), à utiliseravec parcimonie et surtout utile comme argument de négociation. Ledroit de préemption existe dans tous les pays méditerranéens del’Union européenne mais à des degrés divers : fort et largement utiliséen France, faible en Italie et en Espagne, limité à une étroite bandecôtière au Portugal et inutilisé, dans un but de conservation, en Grèce.L’étude menée dans le cadre du Registre Vert 44 a ainsi conclu queles principaux outils légaux permettant l’acquisition de terrains78
5. Méthodes de gestion et restaurationexistent bien dans les pays méditerranéens de l’Union européennemais sont peu utilisés à des fins de conservation.L’acquisition peut sembler coûteuse dans l’absolu : dans le cadredu projet LIFE “Mares Temporaires”, 2 500 € à 4 000 € / ha environont été alloués pour des achats réalisés en 2002-2004 dans lesud de la France. Toutefois, un bilan des acquisitions en France parle Conservatoire du Littoral montre que les montants sont faiblesau regard des investissements dans d’autres domaines 44 .Maîtrise d’usage par contrat/conventionCes moyens permettent de contrôler partiellement l’usage du solsans l’acquérir et donc, à moindre coût. Ils peuvent aussi, si le gestionnaireest le propriétaire, être utiles pour déléguer une partiedes actions de gestion (notamment par le pâturage).Contrats et conventions peuvent être de nature et de durée trèsdiverses même au sein d’un même pays (voir Lévy-Bruhl & Coquillard234 , pour la France par exemple). Leur facilité de mise en œuvrepour la conservation de milieux naturels est probablement variableselon les pays, mais aucune synthèse n’existe. Ces modes de gestionentrent dans le cadre d’une tendance croissante à responsabiliserles propriétaires privés (voir par exemple Pietx 298 ) et sontparticulièrement adaptés à “l’esprit Natura 2000”. Il faut aussi noterque, sur un site donné, ils peuvent être utilisés de façon complémentaireà l’acquisition foncière, comme cela a été le cas sur uncertain nombre de sites du LIFE (Fig. 30), pour maîtriser tant les<strong>mares</strong> que leur bassin versant.En France, les Conservatoires Régionaux d’Espaces Naturels pratiquentrégulièrement ce mode de contrôle de l’espace. Ils gèrentaujourd’hui plus de 35 000 ha de milieux naturels par contrat avecdes centaines d’agriculteurs et de communes 131 .En Slovénie, un projet LIFE Nature dans le Karst Edge (Kraski rob)situé dans la partie subméditerranéenne du pays, prévoit la restaurationde 4 <strong>mares</strong> puis leur gestion au travers de contrats avecles propriétaires/gestionnaires officiels, en vue de conserver leursvaleurs biologiques (Sovinç & Lipej, com. pers.).En Espagne, une vingtaine d’ONGs (essentiellement de Catalogneet des Baléares) ont initié depuis 1999 des actions de ce type enfaveur de milieux naturels, et un guide sur ces pratiques a été publiéen catalan (Pietx, com. pers.). La Fondation Global Nature a, parexemple, créé, au moyen de conventions avec les propriétaires, unréseau de 49 réserves biologiques privées, couvrant près de 4 000 ha,pour la protection de la Tortue grecque Testudo graeca en Andalousieet dans la Région de Murcie (www.fundacionglobalnature.org).Figure 30. Bilan foncier du site Natura 2000 de l’étang de Valliguières6 5 43 27 891011 1213701415■ Parcelles acquises par le CEN-LR dans le cadredu Life “Mares <strong>temporaires</strong> méditerranéennes”■ Parcelles faisant l’objet d’une maîtrise d’usageentre le CEN-LR et la commune de Valliguières(et ONF en parcelle 70)■ Parcelles faisant l’objet d’une maîtrise d’usageentre le CEN-LR et un particulier■ Mares <strong>temporaires</strong>■ Périmètre Natura 2000 transmis■ Bassin versant de la dépression humide1716581819212022272628292531243223333050 mCarte : Conservatoire des Espaces Naturels du Languedoc-Roussillon79