<strong>Les</strong> <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> méditerranéennesreproduction où lorsque les conditions environnementales ne sontpas favorables pour la germination. Des stratégies multiplescomme la production de petites graines, faiblement dispersantes, engrand nombre, avec des mécanismes limitant la germination et àlongue durée de vie, ont été sélectionnées pour favoriser la constitutionde cette banque (Chapitre 3f).Chez les annuelles aquatiques, la capacité de produire des semencesrapidement et en grand nombre est fondamentale pour la reconstitutionde la banque de graines (ou de spores). Callitriche truncatagerme, croît et se reproduit en moins de 30 jours, Ranunculus peltatusa besoin de plus de temps pour se reproduire mais peut acheverson cycle de reproduction après l’assèchement du milieu grâce à desformes de croissance amphibies 407 . <strong>Les</strong> Characées requièrent unesubmersion longue pour se reproduire (Encadré 17). Elles ne bouclentpas leur cycle reproductif chaque année, mais compensent celapar une forte production d’oospores les années favorables, associéeà un faible taux de germination annuel (maintien de stock).Annuelle et amphibie, Ranunculus baudotii achève son cycle reproducteuren phase sèchedes conditions d’inondation longues (Scirpus maritimus, Heleocharispalustris) où un assèchement peu poussé permet la survie des rhizomeset des bulbes. Des espèces vivaces terrestres opportunistess’installent également transitoirement dans les <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>,à la faveur d’années sèches, dans les zones exondées. Ce sont, parexemple, des graminées comme Dactylis hispanica, Holcus lanatusou Agropyrum campestre dans les Maures. On y rencontre aussides ligneux présents dans les écosystèmes limitrophes, comme descistes. Ces espèces connaissent des fluctuations d’abondance trèsimportantes : elles prolifèrent à la faveur de séries d’années sècheset sont anéanties lorsqu’une inondation survient. Enfin certainesespèces terrestres supportent bien l’inondation hivernale et sontrencontrées fréquemment dans les <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> sans en êtrespécialistes (par exemple Dittrichia viscosa et Cynodon dactylon).Banque de semencesLe sédiment renferme aussi bien les organes de multiplicationvégétative des plantes vivaces bulbes, bulbilles, rhizomes, turions,bourgeons dormants, etc., que les graines ou les oospores* issues dela reproduction sexuée des plantes. <strong>Les</strong> organes de multiplicationvégétative, par la production de plantules de grande taille, présententun avantage compétitif (production) par rapport auxgraines dans les premiers stades de leur développement. Cesorganes sont beaucoup moins fréquents dans les milieux <strong>temporaires</strong>du fait de leur moindre résistance à l’assèchement.Chez les végétaux, la durée de vie des graines est très variableentre espèces. Celles subsistant moins d’un an (stocks transitoires)ne s’accumulent pas avec le temps et les effectifs de leurs stockssemenciers fluctuent très rapidement. D’autres espèces ont desgraines longévives tendant à s’accumuler, en grand nombre, dansle sédiment. Dans les conditions environnementales très fluctuantesdes <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>, les espèces et les populations de plantes ontévolué vers la production de semences formant des stocks persistantplus d’une saison dans le sol. Ce stock longévif est fondamentalquand les populations sont exposées à des échecs fréquents de laRoché J.Le nombre de semences produites par chaque espèce est corrélé àsa biomasse 41, 174 . D’autre part la biomasse produite par les plantesaquatiques annuelles est, elle même, corrélée à la durée de la saisonde croissance déterminée par les dates de mise en eau et d’assèchement172 .Il y a peu de mécanismes spécialisés de dispersion chez les plantesdes <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> : tout se passe comme si le danger étaitEncadré 18. Longévité de la banque de semences<strong>Les</strong> stocks semenciers augmentent la résilience de la végétationdes <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>, c’est-à-dire leur capacité à se reconstruireaprès une perturbation 60 . Plusieurs études dans les <strong>mares</strong><strong>temporaires</strong> illustrent l’apparition sporadique (tous les trois, cinqet dix ans), parfois en grand nombre d’espèces comme Elatinebrochonii ou Damasonium stellatum, par exemple 326 . Ce phénomènerepose sur la dormance et la longévité des semences. Lalongévité est très variable selon les espèces : des sporocarpes deMarsilea strigosa étaient viables après une centaine d’années deconservation en herbier 84 alors que ceux d’Isoetes setacea avaientperdu leur viabilité au bout d’une dizaine d’années (Michaux-Ferrière, com. pers.) dans des conditions de conservation proches.De plus, il est probable que les conditions de conservation affectentcette longévité et que celle-ci soit moins longue en naturequ’en herbier.En Australie, la viabilité des banques de semences de 21 espècesissues de 6 <strong>mares</strong> différentes a été testée : au bout de onze annéesun seul échantillon donnait encore des germinations et seules2 espèces (Juncus articulatus et Myriophillum variifolium), continuaientà germer 61 . La durée de vie des semences de la plupart desespèces des <strong>mares</strong> australiennes est d’au moins trois ou quatre ansmais la durée moyenne ou maximale demeure inconnue 60 .Lors de projets de restauration de deux <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> du sudde la France (Péguière dans le Var et Grammont dans l’Hérault),l’analyse préalable des stocks semenciers a montré que les espècescaractéristiques n’étaient plus présentes (ou plus viables) aprèsrespectivement environ quinze ans (Grillas, données inédites) ettrente ans 173 .Gauthier P. & P. Grillas46
3. Fonctionnement et dynamique de l’écosystème et des populationsEncadré 19. <strong>Les</strong> facteurs clés dans le fonctionnement etla dynamique des populations de Bryophytes*<strong>Les</strong> cortèges bryophytiques les plus spécialisés sont intimementliés au régime alternant période humide/période sèche. La plupartdes espèces de Bryophytes de <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> sont des pionnièresplus ou moins fugaces présentant des stratégies spécialisées.<strong>Les</strong> espèces fugitives annuelles a , itinérantes annuelles b maisaussi colonisatrices c y sont largement majoritaires. Il s’agit d’espècessouvent éphémères (parfois d’une durée de vie de quelquessemaines seulement) produisant généralement des spores en grandesquantités. Ces spores leur permettent de subsister sous forme dormantependant la période sèche. Ces espèces peuvent égalementposséder des organes de résistance végétatifs. C’est le cas de nombreusesBryacées qui présentent un ou plusieurs types de propagules*(propagules tubériformes* sur les rhizoïdes*, propagulesgemmiformes* aux aisselles des feuilles, etc.) ou encore de certaineshépatiques, comme Phaeoceros bulbiculosus qui possèdedes bulbilles pédicellées* à la face inférieure du thalle. <strong>Les</strong> espècespérennes, véritablement tolérantes au stress, sont beaucoup plusrares et strictement limitées aux zones externes des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>où l’ombrage des plantes supérieures est plus grand et le solun peu plus épais.<strong>Les</strong> particularités morphologiques habituelles des espèces xérophiles(tolérantes à la sécheresse), comme la présence d’écailles, de papillesou de poils, ne suffisent pas à expliquer la formidable résistance desBryophytes, en particulier des Hépatiques, aux conditions sévères dela saison sèche. D’autres mécanismes complexes, d’ordre physiologique,interviennent. La reviviscence (capacité de régénérer par réhydratationdes tissus vivants à partir de tissus ayant subi une dessiccationextrême) de bon nombre de Bryophytes en est très probablement ledéterminant essentiel. Ainsi, certaines espèces réputées annuellesprésentent, en fait, dans certaines conditions, des mécanismes de cetype. <strong>Les</strong> Hépatiques à thalle et, en particulier, le genre Riccia ainsique les Pottiacées présentent de nombreuses espèces reviviscentes.Du fait des contraintes environnementales drastiques, les populationsbryophytiques sont très instables dans le temps et dans l’espaceet sont soumises à de grandes variations d’effectif d’une annéeà l’autre.L’importance de la strate bryophytique dans l’équilibre du milieu“mare temporaire” est souvent négligée. <strong>Les</strong> tapis de Pottiacées,comme ceux de Pleurochaete squarrosa, espèce sociale fréquenteen bordure de mare, ou encore les croûtes compactes formées parde nombreuses Hépatiques à thalle, s’opposent à une dessiccationexcessive du substrat durant les périodes critiques et favorisentainsi, dans une certaine mesure, les groupements de l’Isoetion.D’autres Bryophytes sociales peuvent au contraire favoriser l’évaporationdans les cuvettes les plus humides par mise en contactd’une surface d’eau plus importante avec l’air ambiant (phénomènede pompe capillaire). La strate bryophytique, par l’importancede la biomasse cumulée qu’elle représente, joue un rôleconsidérable dans l’enrichissement en matière organique des solsquasi-squelettiques de nombreuses <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>. Durant lamauvaise saison, les croûtes d’hépatiques peuvent également jouerun rôle protecteur du sédiment et des micro-organismes associésvis-à-vis des agressions extérieures (radiation, vent, érosion, etc.).Hugonnot V. & J.P. Hébrarda. <strong>Les</strong> fugitives annuelles sont des espèces éphémères présentant un effort de reproductionsexuée fort (nombreux sporophytes), pas de reproduction asexuée et despetites spores à durée de vie longue.b. <strong>Les</strong> itinérantes annuelles ont une vie courte (mais parfois plus d’un an), présententun effort de reproduction sexuée fort (nombreux sporophytes), pas de reproductionasexuée et des spores grosses (d’où faible dissémination) à durée de vie moyenne.c. <strong>Les</strong> colonisatrices sont des espèces à vie courte présentant un effort de reproductionsexuée et asexuée fort et des spores petites à durée de vie longue.moins grand de rester là où la génération précédente a réussi à sereproduire, plutôt que de risquer une dispersion très aléatoire dansun milieu rare et discontinu. Klinkhamer et al. 209 ont montré queplus les espèces constituent des banques de semences et moinselles sont aptes à la dispersion.Chez les espèces des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>, des mécanismes de dormance*limitent le pourcentage de germinations lors d’une annéedonnée 41 réduisant les risques d’extinction des populations 365 . La sortiede dormance est contrôlée, en partie, par des facteurs environnementaux,tels que la lumière, la saturation en eau du sédiment etla température, mais aussi par des processus physiologiques. ChezElatine brochonii, Rhazi et al. 324 ont mis en évidence deux facteurscontrôlant la germination : la saturation en eau du sédiment et lalumière.Peu de données existent sur les pourcentages de semences d’unegénération qui germent au cours d’un cycle hydrologique ou d’unemise en eau. En Australie, Brock 62 a mesuré un taux de germinationtrès faible (2,5 %) lors de la première année de remise en eau alorsque Bonis et al. 42 constataient un taux de germination beaucoupplus élevé, variant de 30 % pour les Charophytes à 50 % pourZannichellia. De plus, ces auteurs constatent que des espècescapables de germer rapidement (non dormantes) au moment de leurproduction vont entrer en dormance si elles ne trouvent pas rapidementdes conditions favorables à leur germination. Ainsi ces espèces(par exemple Callitriche truncata) posséderaient, au même moment,un stock de semences jeunes, à fort taux de germination, et un stockplus âgé qui germe progressivement. <strong>Les</strong> informations sur la longévitédes semences sont rares et parfois contradictoires (Encadré 18).Pour un site donné, on peut souvent observer des différences entrela banque de semences et la végétation de surface. La présence,dans la banque de semences, d’espèces absentes de la végétation,peut indiquer que les conditions environnementales ne permettentpas la levée de dormance de ces espèces, que les germinations sontsuivies d’échecs ou que certaines espèces sont éliminées par unecompétition avec les communautés déjà établies. Par contre la présence,dans la végétation, d’espèces absentes dans la banque desemences, peut montrer des stocks semenciers transitoires, unecolonisation récente (opportuniste) ou la multiplication uniquementvégétative de certaines espèces.Le nombre de semences viables dans la banque, plutôt que lecomptage du nombre de pieds germés une année donnée (éminemmentvariable d’une année sur l’autre), est le meilleur moyend’estimer la taille des populations.47