<strong>Les</strong> <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> méditerranéennesd’années sèches entraînera l’augmentation progressive des terrestreset des vivaces, particulièrement dans la ceinture externe devégétation (Encadré 15). <strong>Les</strong> variations interannuelles de la végétationreposent largement sur les stocks semenciers. Ces variationstemporelles peuvent être mises en évidence en comparant la végétationde surface à la banque de semences 323 .La différence d’abondance relative des espèces entre le stock desemences et la végétation peut avoir des causes multiples dont lescaractéristiques biologiques des espèces (traits d’histoire de vie*), desprocessus d’accumulation dans les stocks semenciers (voir plus bas)et le fonctionnement écologique des <strong>mares</strong>. L’investissement dans laproduction de semences est plus élevé chez les espèces à cycle court(annuelles) que chez celles à cycle long. La taille et la vigueur desplantules dépendent directement de la taille des semences. Selonles espèces, les ressources allouées à la reproduction seront répartiessoit dans de grosses graines, peu nombreuses, soit dans desgraines petites mais en grand nombre. Ainsi dans les marais <strong>temporaires</strong>de Coto Doñana, il existe une relation exponentielle négativeentre la densité des semences et leur poids individuel 174 .<strong>Les</strong> conditions environnementales, comme l’hydrologie ou la compétition,peuvent empêcher, pour des durées variables, la germinationdes graines.Encadré 15. Dynamique interannuelle de la compositionspécifique de la zone externe de la mare de BenslimaneLa composition spécifique de la végétation a été suivie dans unedaya marocaine pendant sept années (1997-2003). La végétationa évolué avec l’abondance des précipitations et plus rapidementdans les ceintures extérieures qu’au centre de la mare.Ainsi, entre deux années exceptionnellement humides (1997 et2003), les espèces terrestres vivaces (essentiellement arbustives :Cistus salviifolius et C. monspeliensis) ont recolonisé la ceintureexterne de végétation (Fig. 13). Elles représentaient 27 % de laflore en 1997 après une inondation exceptionnelle, 73 % en2000 et 2002 pendant des années sèches et retombaient à 28 %en 2003 après un nouvel hiver très humide.Rhazi L., d’après Rhazi et al. 326 et données inéditesFigure 13. Pourcentage de recouvrement des vivaces dans la zoneexterne de la mare de Benslimane entre 1997 et 2003 en fonctiondes pluies cumulées (nombres figurant sur les histogrammes)Recouvrement des vivaces (%)80706050403020100689 3713233002622966681997 1998 1999 2000 2001 2002 2003Stratégies de survie liées à l’alternance hydrologiqueLa variabilité des conditions environnementales favorise lesespèces annuelles à cycle court, adaptées à l’une ou l’autre desphases du milieu (sèche ou en eau), ou encore à la période de transition(espèces amphibies). <strong>Les</strong> annuelles représentent environ 80 %des espèces caractéristiques des milieux humides <strong>temporaires</strong> 260(Encadré 16). Chez les espèces annuelles une grande partie desressources est investie dans la production de graines et de spores(reproduction sexuée) leur permettant de surmonter la périodedéfavorable. De plus, elles présentent une certaine flexibilité dansl’accomplissement de leur cycle biologique. Leur floraison est avancéeou retardée selon que les précipitations sont précoces ou tardives25 .Malgré la dominance des annuelles, les plantes vivaces existentdans les <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> où elles peuvent trouver leur habitatpréférentiel. Parmi ces espèces, les Isoetes (voir fiche espèce) présententdes adaptations leur donnant une grande plasticité à l’irrégularitéde l’alternance des phases sèches et inondées. Elles sontd’ordre physiologique, comme la capacité à faire de la photosynthèseen conditions exondées ou inondées, ou la grande tolérancedu bulbe à la dessiccation. Le cycle de vie peut aussi être raccourcicomme, par exemple, chez Isoetes velata, qui, dans les conditionsextrêmes des <strong>mares</strong> cupulaires à la Colle du Rouet (Var, France),présente un cycle annuel 303 . Ces populations ne sont alors viablesque parce que l’espèce peut produire des spores dès sa premièreannée de vie, on parle d’une espèce annuelle facultative.Des plantes vivaces moins spécialisées et plus tolérantes auxphases aquatiques et terrestres, sont aussi rencontrées dans les<strong>mares</strong>. Elles peuvent correspondre à des espèces amphibies dansEncadré 16. Le régime hydrologique et la compositionde la végétationLa date de mise en eau combine les effets de plusieurs variablescomme la température, l’irradiation solaire et la durée du jour.En expérimentation en nature, Grillas et Battedou 172 montrentque la date de mise en eau est un facteur décisif pour le développementdes communautés d’annuelles aquatiques et qu’elle détermineleur composition spécifique (Fig. 14). La mise en eau précoce(septembre) conduit à la mise en place de communautés richesen espèces. Inversement une mise en eau tardive (mars) aboutità une réduction du nombre d’espèces et à la dominance d’espècesopportunistes (Zannichellia spp.).En expérimentant trois dates de mise en eau (février, mars etavril) sur des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> de Californie (“vernal pools”),Bliss et Zedler 37 constatent une diminution de 52 % de la richessespécifique pour une mise en eau tardive, en avril, par rapport àune mise en eau précoce, en février. Avec une mise en eau précoce,la végétation est riche en espèces caractéristiques des <strong>mares</strong><strong>temporaires</strong>. A l’inverse, lors d’une mise en eau tardive la végétationse banalise par l’augmentation des espèces plus généralistes(Lythrum hyssopifolium, Crassula aquatica, etc.). Pour ces auteurs,le cortège caractéristique des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> serait protégécontre des germinations “hors saison” par un verrouillage lié à uneaugmentation des températures.Gauthier P. & P. Grillas44
3. Fonctionnement et dynamique de l’écosystème et des populationsEncadré 17. <strong>Les</strong> facteurs clés pour le développement desCharophytes*Dans les <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong>, les Characées sont gouvernées par ladynamique des phases d’inondation/assèchement. Leur appareil végétatifne tolère aucune exondation et elles ne subsistent, pendantl’assèchement, que sous la forme d’organes de résistance (oosporeset gyrogonites*). Leur cycle biologique, de la germination à la productiondes organes de résistance, dure en général cinq à sept mois.Une submersion de trois mois est le strict minimum pour leur développement,même dans le cas des espèces précoces. La levée de dormancedes oospores ne se fait qu’après 21-28 jours de mise en eau 400et si la durée de submersion est trop courte, les plantes ne pourrontatteindre le stade de la reproduction sexuée. La durée de développementest cruciale et exclut ces plantes des milieux éphémèresqui ne sont inondés que durant quelques semaines.La date de mise en eau, et corrélativement la température, ont unegrande influence sur la nature des espèces qui pourront germer.Seule une mise en eau à l’automne ou au début de l’hiver permetle développement des espèces vernales qui présentent la plus grandevaleur patrimoniale comme, par exemple, Nitella opaca, Tolypellaspp., Sphaerochara et Chara imperfecta. Ces espèces sont d’autantplus précieuses pour la vie dans les <strong>mares</strong> qu’elles arrivent à uneépoque de l’année où les phanérogames aquatiques sont encoretotalement absentes. Ces taxons se développent avec des températuresfroides (moins de 10 °C) et jaunissent puis se décomposent àpartir de 18,5 °C (361) . Leur rareté est probablement due au fait queces conditions ne sont pas réunies tous les ans. Dans les sites LIFEdu département du Var, le cycle 2000-2001 était optimal pour cesplantes alors qu’elles ne sont pas réapparues les deux hivers suivants.Une mise en eau tardive entraîne une forte compétition avecles phanérogames et donne lieu à l’expansion d’espèces opportunistestelles que Chara vulgaris et C. globularis. Cette flore appauvrieet ubiquiste se trouve dans 80 % des <strong>mares</strong> prospectées dansle Languedoc-Roussillon (Soulié-Märsche, données inédites).La luminosité et la température sont des facteurs clés essentiels pourla fructification et la formation des oospores et des gyrogonites quisont particulièrement indispensables dans un milieu temporaire. <strong>Les</strong>espèces des <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> investissent donc beaucoup dans laformation des gyrogonites qui, ensuite, peuvent supporter une sécheressede plusieurs années consécutives.La surface et la topographie d’un site influent sur la diversité desCharacées. Des taxons particulièrement héliophiles se développent,en général, à moins de 2 m de profondeur. Un milieu avec une profondeurprogressive (0 à 2 ou même 4 m) donne lieu à une zonationbathymétrique des espèces de Characées aussi bien qu’à unesuccession saisonnière au cours de la réduction de la profondeurpar évaporation. La mare de Bonne Cougne (Var) présente une biodiversitéexceptionnelle grâce à la variété de micro-habitats dontelle se compose 130 . Dix espèces de Charophytes, dont 5 extrêmementrares, s’y sont succédées au cours du cycle 2000/01 361 .La Protection des Characées, et notamment des espèces rares, dansles <strong>mares</strong> <strong>temporaires</strong> nécessite surtout le maintien de l’alternancedes phases d’inondation et d’assèchement. Une mare temporairetransformée en milieu permanent va rapidement changer de cortèged’espèces et laisser la place à des espèces banales, comme Chara vulgaris,qui est, de loin, la plus ubiquiste en Europe. Beaucoup deCharacées sont également capables de reproduction végétative, parbulbilles nodales, et adoptent une stratégie d’expansion lorsqu’ellesse trouvent dans un milieu permanent, ce qui mène à des herbiersmonospécifiques d’espèces de moindre intérêt pour la biodiversité.Un deuxième facteur de menace, non seulement pour les espècesrares mais aussi pour les Characées en général, sont la pollution ausens large et la surcharge en nutriments. <strong>Les</strong> Characées ne supportentque de faibles taux de sulfates, nitrates et phosphates dans l’eau.Dans les <strong>mares</strong> entourées de terres agricoles en Languedoc-Roussillon,le lessivage des fertilisants et des herbicides doit être considérécomme la cause de la disparition de nombreuses populations aucours des dernières décennies.Soulié-Märsche I.Figure 14. Composition spécifique de la végétation en fonction de la date de mise en eau (d’après Grillas 171 )24 septembre 26 novembre 11 mars■ Zannichellia pedunculata■ Zannichellia obtusifolia■ Callitriche sp.■ Chara aspera■ Chara sp.■ Ranunculus sp.■ Tolypella sp.45