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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

compréhensibles au public français, et peuvent être sans doute considérés comme de<br />

bonnes solutions. My God devient quelle horreur ; bien qu’il ne s’agisse pas d’une<br />

traduction littérale, elle est justifiée ici. L’expression skirt up to here, parlée et<br />

souvent accompagnée d’un geste au niveau de l’entre-jambes, possède une<br />

composante ironique que la jupe ultra courte du texte cible parvient à conserver<br />

grâce à l’usage de l’hyperbole. L’idée de faire des poèmes à partir de coupures de<br />

journaux, empruntée à Rowland, est un clin d’œil de Spark à propos des exercices<br />

littéraires de certains écrivains modernes qui se préoccupent d’avantage de la forme<br />

que du sens de leurs ouvrages. De plus, la liberté d’expression que Leg revendique<br />

dans ses productions incompréhensibles évoque un discours typiquement français.<br />

L’expression anglaise familière pain in the neck et sa version grossière pain in the<br />

ass sont bien rendues à l’aide de raseuse (neutre) et emmerdeuse (grossier).<br />

En conclusion, la proposition de K. Lievois selon laquelle l’ironie ne se<br />

traduit que librement est vérifiée par l’analyse effectuée. En fait, comme le montrent<br />

les exemples, cette approche est parfois surexploitée : la traductrice refaçonne des<br />

phrases même quand la traduction littérale aurait fait l’affaire. On a mis en évidence<br />

des cas où l’ironie, basée sur le jeu de mots, n’est retranscrite que partiellement ou<br />

pas du tout. Ces exemples tendent à confirmer l’opinion de D. Lodge selon laquelle<br />

la langue anglaise se prête mieux aux calembours, à la parodie et à l’humour oral<br />

que sa voisine d’outre-manche. Ce point de vue semble en contradiction avec la<br />

proposition de Lievois selon laquelle le problème de la traduction de l’ironie serait<br />

dans sa reconnaissance dans le texte source plutôt que dans sa traduction dans le<br />

texte cible. Certes, il est très important d’arriver à percevoir l’ironie du texte<br />

original, mais le traducteur, par manques d’outils, peut être contraint de ne produire<br />

qu’une fade copie de cette ironie. Si on se place à l’échelle du roman entier, et c’est<br />

ainsi qu’une traduction littéraire doit être jugée, on peut dire que la traduction a sur<br />

la perception du texte original l’effet d’une paroi à translucidité variable : la paroi<br />

est parfois presque transparente, au point qu’on ne l’aperçoive pas (comme dans le<br />

cas de l’ironie de situation ou de l’ironie du sort), parfois plus trouble (quand<br />

l’ironie se base sur le jeu de mots ou la parodie). Ainsi, il me semble exagéré de<br />

prononcer comme impossible la traduction des textes ironiques, mais il faut garder à<br />

l’esprit la présence de cette paroi à travers laquelle les contours de l’ironie sont<br />

moins prononcés, son intensité affaiblie.<br />

GROMER Anna<br />

Université Sophia Antipolis<br />

belkapochta@yahoo.fr<br />

Bibliographie<br />

LIEVOIS K., « <strong>Traduire</strong> l’ironie : entre réception et production », L’ironie aujourd’hui :<br />

lectures d’un discours oblique, ed. Mustapha Trabelsi, Clairemont-Ferrand : Presses<br />

Universitaires Blaise Pascal, 2006.<br />

PUJAS S., « David Lodge : L’anglais offre des possibilités infinies pour les jeux de mots »,<br />

Le Point : Hors-série Les grands textes de l’esprit anglais, déc. 2009 - jan. 2010.<br />

ROBINSON D., The Translator’s Turn, Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1991.<br />

SHOENTJES P., Poétique de l’ironie, Paris : Seuil, 2001.<br />

SPARK M., A bonne école, Paris : Gallimard, 2005.<br />

SPARK M., The Finishing School, London : Penguin, 2005.<br />

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