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PARAPHRASER, TRADUIRE<br />

LE TRAVAIL SUR L’EXPRESSION, DE LA GRÈCE À ROME<br />

Parmi les quatre termes proposés à notre réflexion, l’intérêt du latiniste se<br />

porte aussitôt sur « traduction ». C’est à Rome en effet qu’est apparue l’idée que<br />

l’activité utilitaire permettant la communication entre deux personnes usant de<br />

langues différentes pouvait se mettre au service de l’art, qu’il était possible de faire<br />

passer quelque chose de l’émotion esthétique ressentie devant les chefs-d’œuvre de<br />

la littérature grecque dans des œuvres écrites en latin. La traduction littéraire naît à<br />

Rome. Il existe sur ces traductions (il serait plus juste, on le verra, d’écrire « traductions<br />

», si on veut entendre le mot dans le sens moderne) des travaux de qualité et il<br />

serait difficile d’apporter du nouveau dans le cadre d’une brève communication.<br />

On s’intéressera donc ici à un paradoxe moins souvent relevé. Les Grecs<br />

n’ont jamais éprouvé le besoin de traduire : pour eux, civilisation et hellénisme sont<br />

synonymes. Lorsque, après les conquêtes d’Alexandre, la frontière orientale de<br />

l’hellénisme est reportée jusqu’à l’Indus, ils n’apprennent pas la langue des peuples<br />

conquis, ils ouvrent des écoles : « l’éducation classique est essentiellement une<br />

initiation à la vie grecque qui modèle l’enfant et l’adolescent en fonction des<br />

coutumes nationales et les plie à ce style de vie caractéristique qui distingue<br />

l’homme de la brute, l’hellène du barbare » 1 . Une cinquantaine d’années après la<br />

mort d’Alexandre, les Romains entrent en contact avec la civilisation hellénique (par<br />

la guerre bien entendu) et ils en demeurent émerveillés : c’est un coup de foudre<br />

pour l’art et la littérature de la Grèce. Ainsi naît chez eux le désir de posséder dans<br />

leur langue l’équivalent des chefs-d’œuvre grecs. Quelles que soient leurs autres<br />

motivations, s’ils traduisent, c’est que ce peuple réputé éminemment pratique les<br />

juge beaux. Or les premiers traducteurs vont être des Grecs. L’initiateur, Livius<br />

Andronicus, un esclave grec affranchi, fonde la littérature latine en traduisant en 240<br />

av. J.-C. une tragédie grecque. Il traduit ensuite, outre d’autres pièces de théâtre,<br />

l’Odyssée. Livius et ses successeurs qui sont, comme le dit Suétone, des semigraeci<br />

(Gramm. 1) inventent-ils ainsi de toutes pièces une pratique et une technique qui<br />

n’existaient pas dans leur patrie ? Pas tout à fait, c’est ce que je voudrais montrer ici.<br />

Considérons la définition que donne de la traduction le dictionnaire de<br />

Greimas et Courtés : « On entend par traduction l’activité cognitive qui opère le<br />

passage d’un énoncé donné à un autre énoncé considéré comme équivalent ». On<br />

remarque que la définition s’applique aussi bien (ou mieux) à une autre pratique<br />

d’écriture (ou une autre activité cognitive), la paraphrase. Celle-ci a suscité un inté-<br />

1 Marrou 1965, p. 157 (et en général p. 151-160). Sur le fait que Rome « a toujours fait partie des franges<br />

de l’hellénisme », Veyne 1979.<br />

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