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PARAPHRASER, TRADUIRE LE TRAVAIL SUR L’EXPRESSION, DE LA GRÈCE À ROME<br />

d’accompagnement », parmi lesquels figure la paraphrase 1 . Ceux-ci s’appliquent à<br />

chacun des précédents, c’est-à-dire qu’on paraphrasera la chrie, la fable, le récit...<br />

Pour des raisons de simplicité on ne parlera ici que de la paraphrase des genres<br />

narratifs. Définition de la paraphrase : « La paraphrase consiste à changer la<br />

formulation tout en gardant les mêmes pensées » 2 .<br />

Nos deux auteurs ne manquent pas de répondre à une objection qui n’a pas<br />

perdu son intérêt 3 . Selon certains, dit Théon, « on n’arrive à bien dire qu’une fois ;<br />

deux fois, ce n’est pas possible » (62, 11-12 [p. 4]) 4 . Lui-même répond surtout par<br />

de nombreux exemples empruntés aux orateurs et aux poètes. Quintilien argumente<br />

davantage et recourt à une comparaison :<br />

Quoi ! les acteurs peuvent accompagner les mêmes paroles de gestes toujours<br />

différents, et la puissance de la parole serait si inférieure qu’après avoir dit<br />

quelque chose, on ne devrait plus rien dire sur le même sujet ? (10, 5, 6).<br />

On peut moderniser l’argument en soulignant, comme cela a été montré<br />

plusieurs fois au cours de ce colloque, que d’aucun ouvrage littéraire il n’existe de<br />

traduction définitive. Notons encore cette précision qui reste en général implicite :<br />

« Ce n’est pas seulement à paraphraser les œuvres d’autrui que nous trouverons du<br />

profit, mais aussi à remanier de maintes façons (pluribus modis) nos propres écrits »<br />

(Id., 9).<br />

C’est encore Quintilien qui donne, de façon très concrète, une idée des tout<br />

premiers exercices de l’élève :<br />

Prenons donc les fables d'Ésope 5 , qui trouvent leur place aussitôt après les contes<br />

des nourrices : que les élèves apprennent à les raconter en un style correct et qui<br />

évite toute affectation, puis à leur conserver par écrit la même simplicité ; ils<br />

rompront d’abord le rythme du vers, puis reprendront le texte avec d’autres mots,<br />

ensuite ils le modifieront avec plus d'audace en une paraphrase où il est permis<br />

ici d'abréger, là d’introduire quelques ornements (exornare), pourvu que soit<br />

respectée la pensée du poète. L'élève qui réussira bien dans cet exercice, difficile<br />

même pour des maîtres chevronnés, apprendra tout ce qu'on voudra (1, 9, 2-3).<br />

Il prend envie de s’essayer à la forme la plus élémentaire : « Un corbeau, sur<br />

un arbre, tenait un fromage dans son bec ; un renard, attiré par l’odeur, lui parla à<br />

peu près ainsi... » 6 . L’exornatio, en particulier l’usage des figures, représenterait un<br />

pas de plus. Pour Théon, le sommet est constitué par ce que nous appellerions plutôt<br />

pastiche : « L'exercice atteint la perfection même lorsque, tout en lisant un discours<br />

de Lysias, on s'applique à en exprimer les pensées à la manière de Démosthène, ou,<br />

inversement, tous les développements de Démosthène à la manière de Lysias » (15,<br />

1 Patillon 1997, p. XXVIII-XXXI.<br />

2 Théon, Prog. 15, p. 107 (en raison des bouleversements introduits dans l’ordre antérieur et les<br />

références traditionnelles par la prise en compte de la version arménienne, on renverra chaque fois à la<br />

page de l’édition de M. Patillon).<br />

3 Cf. Fuchs 1994, p. 23-25 (citant Quintilien) et passim ; Daunay 2002, p. 37-41 (le ton est assez rogue) et<br />

71-72 (citant Cicéron, Théon, Quintilien).<br />

4 Crassus, en général porte-parole de Cicéron s’exprime en ce sens dans le De oratore (1, 154) : Cicéron<br />

ne saurait se résigner à ne pas être toujours le meilleur. Il ne s’agit pas ici, comme le croit B. Daunay<br />

(2002, p. 71-72) d’un « débat strictement pédagogique », ni du risque de « mettre l’apprenant (si l’on ose<br />

dire) en échec ».<br />

5 La fable est le premier des progymnasmata, excepté chez Théon.<br />

6 Cette transposition de vers en prose, exercice qui nous paraît sacrilège, est très largement pratiquée :<br />

Cic., De or. 1, 154 (Ennius) ; Sen., ad Pol. 11, 5 (Homère et Virgile ?) ; Stace, Silv. 5, 5, 159-161<br />

(Homère) ; Quint. 10, 5, 4 ; Aug., Conf. 1, 27 (Virgile).<br />

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