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Perception(s) numérique(s) - Shin Kim

Master Degree Thesis from ENSCI Publication : March 2016 Author : Shin hyung KIM

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Publication : March 2016
Author : Shin hyung KIM

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la sculpture oblongue d’environ cent quarante centimètres<br />

de hauteur, dont l’original date de 1923, a ensuite été exécuté<br />

en seize exemplaires avec les mêmes matériaux et les mêmes<br />

procédés techniques (sept en marbre et neuf en bronze). Le<br />

fait que les objets soient des reproductions identiques, même si<br />

elles ne sont pas sorties de la machine, est le chef d’accusation<br />

porté par la douane américaine. Les juges vont finalement<br />

reconnaître le statut d’œuvre d’art de L’oiseau dans l’espace.<br />

Le procès est révélateur d’une relation nouvelle entre un<br />

œuvre d’art et sa reproduction technique.<br />

L’essentiel constituant l’identité d’une œuvre n’est donc<br />

plus dans l’objet lui-même, mais dans le sens attribué par<br />

son créateur. Si la portée de la matérialité d’un objet semble<br />

donc réduite aujourd’hui, on peut penser que, dans un avenir<br />

proche, la plupart des œuvres d’art naitront dans la réalité<br />

<strong>numérique</strong>. Les techniques du virtuel, bientôt capables de<br />

simuler exactement l’expérience d’un objet analogique avec<br />

toutes ses qualités physiques, ouvrent de nouveaux débats sur<br />

la reproduction de l’œuvre d’art.<br />

Dans le cas de La Joconde de Léonard de Vinci, un grand<br />

nombre de copies existe dans le monde entier, dont certaines<br />

d’une grande virtuosité, mais quinze milles personnes visitent<br />

chaque année le Louvre pour voir le tableau original. Quelle<br />

est la nature de l’émotion que les visiteurs peuvent éprouver<br />

devant le tableau original ? Certains détails physiques comme<br />

la texture de la surface ou la réflexion lumineuse du tableau<br />

amènent les visiteurs de musée à construire une réflexion<br />

personnelle. Cependant, d’après Walter Benjamin, philosophe<br />

et historien de l’art de la première moitié du XXème<br />

siècle, la distinction d’un œuvre parmi d‘autres types artefacts<br />

ne résident pas seulement dans cette singularité d’expérience<br />

sensorielle. Dans l’œuvre à l’époque de sa reproductibilité<br />

technique écrit en 1935, Benjamin développe sa thèse importante<br />

sur « l’aura » : c’est la nation du temps et de l’espace qui fait<br />

la valeur d’un œuvre d’art. « A la plus parfaite reproduction,<br />

il manque toujours quelque chose : l’ici et le maintenant de<br />

l’œuvre d’art, — l’unicité de sa présence au lieu où elle se<br />

trouve. L’ici et le maintenant constitue ce qu’on appelle son<br />

authenticité. » 120 Imaginons qu’il y ait déjà eu l’ordinateur<br />

à l’époque de Vinci et que la Joconde ait été dessinée sur<br />

Photoshop. Si le tableau au Louvre n’était qu’un exemplaire<br />

imprimé, la richesse n’est plus sur le tableau lui-même, mais<br />

plus sur la technique de l’impression de l’époque. Que ce<br />

soit un tableau, une sculpture ou un ensemble d’éléments<br />

dans l’espace, les œuvres d’art <strong>numérique</strong> nécessitent un statut<br />

distinct qui échappe de leur origine technique.<br />

Dans un monde où les objets visuels sont faciles à reproduire<br />

et partager, l’œuvre n’a plus de forme analogique, elle<br />

est sous une forme qu’on appelle « fichier », une collection<br />

d’informations <strong>numérique</strong>s. Afin de conserver la notion<br />

d’authenticité des objets originaux et maintenir la circulation<br />

économique du marché des œuvres, une solution serait<br />

la codification de ces données <strong>numérique</strong>s. L’artiste Kevin<br />

McCoy et l’entrepreneur Anil Dash ont ainsi proposé en mai<br />

2014 à la conférence Seven On Seven un algorithme qui associe<br />

une œuvre d’art <strong>numérique</strong> à un propriétaire. 67 Il s’agit d’un<br />

exemple appliqué de blockchain, une technologie de stockage<br />

et de transmission d’informations, transparente et sécurisée.<br />

Le principe de fonctionnement ressemble à celui utilisé pour<br />

la transaction du Bitcoin 122 . Avec cet algorithme implanté dans<br />

le fichier, le duo a réussi à créer une première image en format<br />

gif que l’on peut acheter sans organe central de contrôle. Cette<br />

image est partageable est modifiable comme toutes les autres<br />

images <strong>numérique</strong>s, mais une seule image est originale : celle<br />

possédée par le propriétaire unique du fichier d’origine.<br />

En septembre 2015, ils ont lancé une plateforme nommée<br />

Monegraph, elle s’adresse aux créateurs en leur fournissant<br />

une licence pour leurs œuvres digitales afin de pouvoir en<br />

faire un usage commercial.<br />

119. WALTER Benjamin, L’œuvre d’art à<br />

l’époque de sa reproductibilité technique<br />

(Première version du texte en 1935) in<br />

« Œuvres III », Paris, Gallimard, 2000,<br />

p.91<br />

120. MALLETT Whitney, A bitcoin for<br />

gifs aims to make digital art ownable,<br />

Motherboard, publié le 08.05.2014<br />

http://motherboard.vice.com/<br />

page consultée le 24.05 2015<br />

121. Bitcoin désigne le système de paiement<br />

en ligne utilisant la technologie<br />

de Blockchain (sans tiers de confiance)<br />

et une unité de compte utilisée par ce<br />

système de paiement.<br />

110 111

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