Perception(s) numérique(s) - Shin Kim

offre une grande variété de matières à notre regard. Berger
dit que « ce qu’il perçoit est immédiatement traduit dans le
langage de la sensation tactile. » 15 Au XIXe siècle, le naturalisme
a donné lieu à la réalisation de nombreuses statues
en cire, ainsi que de dioramas dans les musées d’histoire
naturelle. De la peinture dans les grottes jusqu’à la photographie
d’aujourd’hui, nombreux sont les artistes à essayer de
représenter la réalité où nous vivons, information reçue par
notre capacité de perception sensorielle et notamment la vue.
15. BERGER John, Voir le voir,
Éditions B42, Paris, 2014, p.90
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“ Each time what the eye perceives is
already translated, within the painting
itself, into the language of tactile
sensation.”
HOLBEIN Hans (1479-1543),
Les Ambassadeurs, 1533, Huile sur
panneaux de chêne, 207 × 209 cm,
National Gallery, Londres
b. L’évolution de la représentation des objets grâce à la
technique
14. MERLEAU-PONTY Maurice, Phénoménologie
de la perception, Guillmard,
Paris, 1945, p. 177
On peut également faire le constat que la représentation
des objets a longtemps fait appel uniquement à la vue, au
détriment des autres organes de perception. Le fait que la plus
grande partie du cortex soit couverte des aires visuelles chez
l’être humain est tout à fait naturel. Les techniques de reproduction
comme la photographie ou la cinématographie
sont elles aussi basées sur l’image. Selon des études scientifiques,
il semblerait que la multiplicité d’informations que
nous transmet notre œil soit à l’origine de cette préférence
pour les arts visuels. En effet, notre œil nous délivre d’abord
les informations primaires que sont la couleur et la forme,
puis il entre ensuite en relation avec notre mémoire et notre
expérience pour transmettre à notre compréhension d’autres
informations comme la texture et la consistance. Merleau-
Ponty dit à ce propos que « la vision est palpation par le
regard ». 14 Nous avons la capacité de relier une image aux
expériences que nous avons vécues. Notre cerveau fait en sorte
que chaque détail capturé par nos yeux crée une association
pour nous donner une perception concrète du toucher.
Prenons l’exemple de la peinture à l‘huile qui permet de faire
des trompe-l-oeil. Les Ambassadeurs (1533) d’Hans Holbein
Si l’on considère que la peinture est la première technique
qui permet de représenter la réalité, il est intéressant de
questionner l’évolution des techniques de représentation de
l’objet. En effet, ne serait-ce que dans le domaine de la peinture,
la représentation de la nature a beaucoup évolué en quelques
siècles. Cette évolution procède en partie des techniques de
dessin. Dans L’être et l’écran, Stéphane Vial revient sur l’évolution
de la perception et sur la relation qui existe entre la
perception visuelle et la technique. La perspective en est un
bon exemple, et notamment la découverte de la perspective
conique au milieu de XVe siècle grâce à des peintres comme
Alberti. On peut par exemple comparer La Cité idéale,
longtemps attribuée à Piero della Francesca, avec une œuvre
de Giotto di Bondonne.
Un autre exemple est celui de la loi du contraste simultané
des couleurs 16 mise au point par Michel-Eugène Chevreul,
chimiste français du XIXe siècle. Elle consiste à mélanger les
couleurs par touches. Chevreul a considérablement influencé
les peintres de l’époque et les Impressionnistes notamment.
Ici, c’est bien une découverte scientifique, celle de Chevreul,
qui a permis un changement majeur dans l’histoire de la
représentation.
16. La loi du contraste simultané des
couleurs est un procédé a été largement
utilisé par les impressionnistes et les
pointillistes comme Georges Seurat.
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