Perception(s) numérique(s) - Shin Kim

c. Le designer comme prescripteur de perception
126. Extrait du discours, Forum SRS
(Science, Recherche & Société), CNAM
de Paris, Juin 2015
Ma dernière hypothèse englobe l’ensemble des analyses
des deux premières parties et implique surtout l’augmentation
de nos capacités corporelles. Dans la vie quotidienne,
nous vivons en permanence des expériences numériques avec
l’utilisation des smartphones, du GPS dans les voitures, des
jeux vidéo en ligne etc. Nous entrons souvent dans une autre
forme de réalité qui se situe dans le réseau connecté. Grâce
à la précision de ce réseau, ce que nous percevons numériquement
est toujours plus subtil. L’individu augmenté dont
on entend souvent parler n’est pas une notion futuriste,
parce que l’Internet et les différents capteurs technologiques
rendent déjà les objets connectés une prothèse. Lors du forum
SRS 127 organisé en 2015, Nicolas Demassieux, directeur
d’Orange Labs Recherche affirmait que « tous les composants
sont là pour augmenter les capacités humaines. Et pour
que cette symbiose se fasse, il n’est pas forcément nécessaire
d’incorporer des dispositifs dans l’organisme. »
Prenons l’exemple de Google Glass, un projet de lunettes
de réalité augmentée dévoilé en 2012. En proposant une
variété d’informations en temps réel, les lunettes devaient
répondre aux besoins de chaque situation. Par exemple, le
chirurgien peut visualiser les guides nécessaires au cours de
ses opérations, ou bien le touriste peut voyager mieux grâce
aux informations disponibles sur le quartier dans lequel il
se rend. Le dispositif est connecté au réseau, donc à une base
des données spécifique, qui permet la superposition d’éléments
visuels sur la réalité analogique elle-même. C’est ce que
j’appelle une perception assistée.
De plus, le numérique porté sur le corps ne se limite pas à
amplifier nos connaissances (dans le sens où nous avons accès
aux informations en temps réel), mais il peut désormais interférer
avec notre intelligence, avec ce qu’on appelle aujourd’hui
l’apprentissage automatique 128 . En effet, l’algorithme du
système numérique adapte ses analyses à celles des données
empiriques de l’utilisateur. L’exemple le plus connu est sans
doute le filtre spam de la boîte email. Le système apprend peu
à peu, par la gestion de l’utilisateur, les critères d’un courrier
spam, pour ensuite effectuer tout seul le filtrage des mails.
Cette capacité de traitement des mails peut s’appliquer à de
nombreux domaines de recherche, par exemple la conduite
avec la voiture sans conducteur de Google.
Si l’on revient à la perception augmentée, on peut imaginer
une personne dans un magasin de meubles qui est guidé par
des indications sur les produits susceptibles de l’intéresser
plus que d’autres. L’outil numérique analyse non seulement
ce que perçoit physiquement l’utilisateur, mais prend aussi
en compte ses goûts et sa personnalité pour lui proposer une
assistance adaptée. Avec de nombreuses recherches dans ces
deux domaines que sont la connectivité informationnelle et
l’intelligence artificielle, il est probable que nous soyons de
plus en plus habitués à une « vie pratique augmentée » dans
laquelle nous oublierons quasiment la présence technologique.
L’objet que nous percevons aujourd’hui et celui dans
dix ans auront les mêmes propriétés, mais seront tout à fait
différents selon la personne et la situation.
127. Machine Learning (ML ou apprentissage
automatique) est un champ
d’étude de l’intelligence artificielle.
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