Perception(s) numérique(s) - Shin Kim
Master Degree Thesis from ENSCI Publication : March 2016 Author : Shin hyung KIM
Master Degree Thesis from ENSCI
Publication : March 2016
Author : Shin hyung KIM
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Partie I<br />
1. Une briève histoire des techniques<br />
de représentation de l’objet<br />
a. La représentation des objets dans l’histoire de la peinture<br />
11. BERTHOZ Alain, Le sens de mouvement,<br />
Odile Jacob, Paris, 1970, p.146<br />
On retrouve des traces de la volonté de l’être humain<br />
de reproduire la réalité dès la préhistoire. Dans Le sens du<br />
mouvement, Alain Berthoz, neurophysiologiste et professeur<br />
au Collège de France, décrit la relation entre la mémoire<br />
et la capacité cognitive. Selon lui, « les dessins de Lascaux<br />
sont parfaits, car le peintre copiait, en quelque sorte, cette<br />
image d’animal stockée dans sa mémoire et projetée sur le<br />
mur. Le mouvement de la torche dans la caverne devait donner<br />
une vigueur impressionnante à ces illusions. » 11 En effet, je<br />
peux voir un chien dans la forme du nuage ce matin et je suis<br />
capable de dessiner un arbre à partir de quelques courbes sur<br />
un papier. Ces mécanismes cognitifs qui peuvent se révéler<br />
assez gratifiants ont certainement contribué à l’essor de la<br />
représentation des objets.<br />
Grotte de Lascaux, Montignac (Dordogne)<br />
Deuxième cheval chinois, Photo<br />
Centre national de préhistoire<br />
12. BERGER John, Way of Seeing,<br />
Documentaire télévisé sur BBC, 1972.<br />
L’action de mettre quelque chose à la portée de quelqu’un,<br />
c’est la définition de la présentation, et aussi elle s’intègre aussi<br />
dans le travail de nombreux métiers d’aujourd’hui comme<br />
le peintre, le musicien, le scénographe, ou encore le<br />
designer. Dans l’histoire, cet acte primaire des êtres humains<br />
est bien manifesté par des œuvres d’arts de différentes époques,<br />
et la présentation de l’objet me fait surtout penser aux divers<br />
tableaux de nature morte. Avant l’art moderne et la rupture<br />
avec la figuration classique, la peinture est une technique<br />
qui permet de reproduire la réalité sur un support bidimensionnel<br />
; pour le spectateur, c’est un fragment de réalité<br />
donné à voir par le peintre. Dans la série documentaire Voir<br />
le voir de John Berger 12 qui a fait par la suite l’objet d’un livre,<br />
l’auteur propose une autre vision des peintures historiques<br />
des musées, sans forcément suivre un parcours organisé par<br />
le conservateur ou les experts. Il propose notamment une<br />
lecture des tableaux comme expression d’une possession.<br />
En effet, les tableaux représentaient souvent des objets qui<br />
pouvaient être achetés dans le commerce, parfois dans des<br />
contrées lointaines. La reproduction de ces objets permettait<br />
de transmettre leur valeur. Claude Lévi-Strauss, anthropologue<br />
et ethnologue français, précise également en parlant<br />
de la période de la Renaissance : « les peintres furent, pour<br />
les riches marchands italiens, des instruments par le moyen<br />
desquels ils prenaient possession de tout ce qu’il pouvait<br />
y avoir de beau et de désirable dans l’univers ». 13 Le fait de<br />
posséder un tableau donnait accès à l’expérience des objets, ce<br />
qui explique finalement la relation entre le plaisir de reproduction<br />
et la possession de la réalité.<br />
13. CHARBONNIER George, Entretiens<br />
avec C Lévi-Strauss, Plon et Julliard,<br />
Paris, 1961, p. 162-163.<br />
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