Perception(s) numérique(s) - Shin Kim
Master Degree Thesis from ENSCI Publication : March 2016 Author : Shin hyung KIM
Master Degree Thesis from ENSCI
Publication : March 2016
Author : Shin hyung KIM
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76. NORMAN Donald A., Design of Everyday<br />
things, Doubleday, New York, 1988.<br />
77. NORMAN Donald, Affordance, conventions,<br />
and design in Interactions, Mai<br />
1999, p.41, [The fact that the graphic<br />
on the right-hand side of a display is a<br />
“scroll bar” and that one should move<br />
the cursor to it, hold down a mouse<br />
button, and “drag” it downward in order<br />
to see objects located below the current<br />
visible set (thus causing the image<br />
itself to appear to move upwards) is a<br />
cultural, learned convention. - Notre<br />
traduction]<br />
Donald Norman est célèbre pour ses recherches sur les<br />
interactions individu-machine dont il donne une synthèse<br />
dans son ouvrage The Design of EveryDay Things 77 , publié en<br />
1988. Il explique ce qu’est « l’espace de l’action » dans lequel<br />
les individus se déplacent lors de la collecte ou l’évaluation de<br />
l’information, et finalement décident d’agir. Prenons<br />
l’exemple de la navigation sur Internet. Selon lui, cet espace<br />
de l’action est essentiellement limité par des paramètres qui<br />
sont physiques et culturels. Tout d’abord, les contraintes<br />
physiques sont déterminées par la technique : un écran a une<br />
taille limitée, je ne peux pas faire sortir mon curseur de l’écran.<br />
Norman parle ensuite des contraintes liées aux « conventions<br />
culturelles » (cultural conventions). Il donne l’exemple<br />
de la barre de défilement : « Le fait que le signe graphique<br />
sur la droite d’un affichage soit une barre de défilement et<br />
qu’on doive déplacer le curseur vers elle, maintenir appuyé<br />
le bouton de la souris et tirer vers le bas pour voir les<br />
objets situés en dessous des éléments actuellement visibles<br />
(obligeant ainsi l’image entière de se déplacer vers le haut) est<br />
une convention culturelle, acquise. » 78 Cet exemple montre<br />
bien comment l’environnement <strong>numérique</strong> transforme la<br />
manière dont nous éprouvons un mouvement dans l’espace.<br />
Aujourd’hui, la diversité des interfaces existantes permet<br />
d’autres interactions qui deviennent d’autres conventions.<br />
Prenons l’exemple du Magic Trackpad d’Apple : La navigation<br />
dans un espace <strong>numérique</strong> (un site internet, une feuille de<br />
dessin, une fenêtre du finder, etc.) est possible simplement en<br />
glissant les deux doigts sur la surface tactile ; je me déplace<br />
en quelque sorte à partir de mes commandes. Je peux prédire<br />
le résultat de mes mouvements de doigts. Un autre exemple<br />
est une fonctionnalité des smartphones, le SmartScroll : grâce<br />
à la technologie EyeTracking (détection du mouvement des<br />
yeux), l’utilisateur peut se déplacer librement dans l’espace<br />
<strong>numérique</strong> uniquement avec le mouvement de ses yeux. Ainsi,<br />
il peut descendre pour lire le contenu d’une page Web sans<br />
toucher l’écran. Nos expériences d’interactions <strong>numérique</strong>s<br />
sont stockées par notre cerveau et créent une nouvelle forme<br />
de perception de mouvement, différente de celle vécue dans<br />
l’espace analogique.<br />
d. La transparence de l’objet <strong>numérique</strong><br />
Ces trois transformations (le volume, la texture, le<br />
mouvement) résultent tous d’une immersion de notre corps<br />
dans l’environnement <strong>numérique</strong>. Bien que notre manière<br />
de percevoir ait changé, nous ne sommes pas troublés par ce<br />
changement parce que notre corps a tendance à absorber les<br />
nouvelles possibilités permises par l’outil <strong>numérique</strong>, comme<br />
s’il s’agissait d’un prolongement, d’une augmentation des<br />
organes sensoriels. Peu à peu, l’étape de la représentation par le<br />
<strong>numérique</strong> s’efface, se fond parfois complètement à l’environnement.<br />
Don Ihde parle de « relation de fond » (background<br />
relation). Il dit que « la relation de fond est comprise comme une<br />
« absence actuelle », quelque chose qui n’est pas encore directement<br />
perçu, mais qui donne la structure pour la perception<br />
directe. » 79 Parmi les exemples qui illustrent cette relation, le<br />
système du thermostat est souvent mentionné : une fois qu’on<br />
allume le dispositif, on ne le touche plus, mais il évolue de<br />
lui-même pour maintenir la température stable. C’est dans<br />
ce contexte que la technologie peut faire simplement partie<br />
de l’environnement. C’est la chaleur que je perçois et non le<br />
dispositif que je règle en avance. Le système technique qui règle<br />
la température devient « invisible » pour l’utilisateur. Dans<br />
Homo sapiens technologicus publié en 2008, Michel Puech,<br />
philosophe français, décrit l’évolution des êtres humains au<br />
contact de la technologie. Il explique que ce principe de la<br />
transparence est lié à la nature de l’objet : « l’artefact technologique<br />
est le moyen d’une conduite intentionnelle, le moyen<br />
de la visée d’autre chose, il se fond dans cette visée, il ne se<br />
laisse plus voir comme le moyen très performant qu’il est.<br />
C’est le livre que je lis et non mes lunettes que j’utilise. » 80<br />
En percevant l’objet à travers la technologie, l’usage proposé<br />
par l’objet fait oublier la technologie. Michel Puech utilise<br />
l’expression « universelle transformation des objets en<br />
pourvoyeur de service » 81 pour désigner cette tendance où de<br />
nombreux objets techniques se fondent dans l’environnement.<br />
78. IHDE Don, Technology and the<br />
lifeworld : From Garden to Earth, op.cit.,<br />
p.109 « Finally we have background<br />
relations, which are understood as a<br />
“present absence”, as something not<br />
directly experienced yet which gives<br />
structure to direct experiences. »<br />
[Notre traduction]<br />
79. Homo sapien technologicus, Michel<br />
Puech, Paris, Le Pommier, 2008, p.69<br />
80. BERGMANN Albert, the technology<br />
and the character of contemporary life,<br />
a philosophical inquiry, Chicago, Chicago<br />
University press, 1984, p.63.<br />
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