16.07.2018 Views

Perception(s) numérique(s) - Shin Kim

Master Degree Thesis from ENSCI Publication : March 2016 Author : Shin hyung KIM

Master Degree Thesis from ENSCI
Publication : March 2016
Author : Shin hyung KIM

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

62. IHDE Don, Technics and Praxis,<br />

Reidel Publishing Company, Dordrecht,<br />

1979, p.18.<br />

63. IHDE Don, Technology and the lifeworld<br />

: From Garden to Earth, Indiana<br />

University Press, Indiana, 1990, p.<br />

72-123.<br />

de technique ». Dans Technics and Praxis publié en 1979,<br />

Don Ihde prend pour exemple la simple sonde dentaire : il<br />

dit qu’elle devient « le modèle d’étude de la semi-symbiose<br />

entre la perception humaine et un instrument ». 63 À travers<br />

l’outil, le dentiste est immergé dans une expérience où sa<br />

performance corporelle est amplifiée. Don Ihde approfondit<br />

sa réflexion sur la corporéité face à la technologie dans ses<br />

ouvrages suivants dans les années 1990. Dans Technology and<br />

the lifeworld (1990) notamment, Ihde distingue les différents<br />

types de relation entre la technologie et l’être humain 64 ,<br />

distinction que je me propose de reprendre pour analyser le<br />

rapport corps/objet dans le <strong>numérique</strong>.<br />

a. La transformation de notre perception du volume<br />

Modelisation 3D via les périphériques<br />

d’entrée (souris, clavier, etc.)<br />

Photo: Harald Belker,<br />

Designer automobile allemand<br />

www.haraldbelker.com/<br />

64. Michel Puech, philosophe français la<br />

traduit en « relation d’incarnation» dans<br />

Don Ihde : la phénoménologie dans la<br />

philosophie américaine de la technologie,<br />

publié en 2007.<br />

65. Ibid, p. 99<br />

[Embodiment relations are characterized<br />

by a “partial symbiosis” of a person<br />

and a technology during which the<br />

technology-inuse is “embodied” and<br />

becomes “perceptually transparent.<br />

- Notre traduction]<br />

66. L’expression de Merleau-Ponty pour<br />

désigner le corps dans sa stature, un<br />

sentant sensible<br />

67. MERLEAU-PONTY Maurice,<br />

Phénoménologie de la perception, Paris,<br />

Guillmard,1945.<br />

68. IHDE Don, Technoscience And Postphenomenology,<br />

in Phénoménologie et<br />

Technique(s), dir. Pierre-Étienne Schmit<br />

& Pierre Antoine Chardel, Paris, Cercle<br />

chromatique, 2008, p195<br />

[It does not alter our sense of incorporation<br />

if the instrument is simple or<br />

complex, modern or ancient, it enters<br />

into my bodily, actional, perceptual<br />

relationship with my environment.<br />

- Notre traduction]<br />

À la fin de la première partie, nous avons vu comment les<br />

dispositifs <strong>numérique</strong>s ont été adaptés au corps humain pour<br />

mieux simuler les mouvements et mieux représenter la réalité.<br />

C’est ce qu’Ihde appelle « embodiment relation » 65 . Ihde<br />

explique que cette relation est caractérisée par « une symbiose<br />

partielle entre une personne et une technologie, pendant<br />

laquelle l’usage de la technologie est ‘‘incarnée’’ et devient<br />

‘‘perceptivement transparente’’. » 66 La technique devient<br />

un prolongement de nos membres et une mise à jour de<br />

notre cerveau. Il faut ici se référer à la phénoménologie de<br />

Maurice Merleau-Ponty. Pour expliquer comment le « corps<br />

propre » 67 peut être modifié par les dispositifs techniques,<br />

Merleau-Ponty donne l’exemple de la canne de l’aveugle qui<br />

n’est plus un outil séparé de son corps mais qui en fait véritablement<br />

partie, et même devient en quelque sorte son œil. 68<br />

La canne pour l’aveugle est, comme la sonde pour le dentiste,<br />

un instrument technique qui s’attache au corps à un moment<br />

donné : le principe de la relation ne diffère pas des exemples<br />

des nouveaux dispositifs <strong>numérique</strong>s dont j’ai parlé dans<br />

la première partie, comme Sixense ou Myo. Dans l’ouvrage<br />

collectif Phénoménologie et Techniques, Ihde écrit que « Notre<br />

sens d’incorporation ne varie pas que ce soit un dispositif<br />

simple, complexe, ancien, ou moderne, il entre dans la relation<br />

corporelle, actionnaire, perceptuelle ». 69 Comme nous le<br />

confirme Ihde, la relation d’incarnation se perpétue avec les<br />

techniques les plus récentes, notre corps se prolonge toujours<br />

plus grâce au <strong>numérique</strong>.<br />

Lorsque l’on interagit avec un objet matériel représenté<br />

par un outil <strong>numérique</strong>, la perception du volume est<br />

transformée par cette relation : c’est la première transformation<br />

de notre proprioception par le <strong>numérique</strong>. En effet,<br />

le volume est un des premiers repères de reconnaissance d’un<br />

objet. Dans la réalité analogique, on appréhende le volume<br />

d’un objet en le tournant, en le mettant à distance, en le<br />

mettant à côté d’un objet connu, etc. On effectue donc des<br />

gestes. Avec le <strong>numérique</strong>, ces gestes sont programmés, c’està-dire<br />

que le volume de l’objet n’est plus perçu à travers notre<br />

corps mais à travers nos commandes. Pour un ingénieur<br />

qui regarde un objet modélisé sur son écran, il est tout<br />

à fait naturel de changer l’angle de vue avec sa souris le<br />

résultat de cette commande correspond exactement à ses<br />

attentes. La capacité physique de ses mains est prolongée par<br />

le mouvement de sa souris. Il en va de même pour sa compréhension<br />

de l’échelle de l’objet. Cependant, ce qu’on perçoit<br />

sur l’écran comme volume est limité. Lev Manovich nous<br />

rappelle que « contrairement à une représentation analogique,<br />

une représentation encodée <strong>numérique</strong>ment contient une<br />

quantité fixe d’informations. » 70 Revenons ici à la métaphore<br />

du miroir : agissant comme le cadre du miroir, le <strong>numérique</strong><br />

isole souvent l’objet de son environnement et supprime des<br />

informations qui nous aident à déterminer certaines de ses<br />

spécificités (taille, composition, etc.).<br />

69. MANOVICH Lev, Le langage des nouveaux<br />

médias, 2010, op.cit., p.137.<br />

76 77

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!