Perception(s) numérique(s) - Shin Kim

Partie II
3. De l’uniformisation à la personnalisation
de la perception numérique
85. VIAL Stéphane, L’être et l’écran,
Paris, Puf, 2013, p.193
Si nous commençons à prendre la mesure des changements
induits par le numérique sur notre perception physique et
mentale de notre environnement, un autre sujet qui semble
montrer son impact est sur l’uniformité de la présentation.
Dans la vie quotidienne, notre expérience du numérique prend
la forme d’interfaces variées. Selon l’interface, les interactions
ne sont pas les mêmes. Lorsque Stéphane Vial décrit les différents
phénomènes numériques dans l’être et l’écran, il choisit
le terme de « nouménalité ». « Les phénomènes numériques sont
en effet manifestés uniquement par l›étape de l›appareillage.
(...) les interfaces sont les appareils de l’apparaître numérique
: ce sont elles qui permettent de phénoménaliser le noumène
numérique. » 86 Il fait l’analogie avec l’exemple de la physique
quantique qui n’est observable qu’à travers un ensemble des
systèmes macroscopiques. La technique est indispensable
dans tout type de perceptions. Dans le cas d’un objet perçu
via les interfaces numériques, l’idée de la nouménalité reste la
même ; l’objet est systématiquement communiqué sous forme
d’images, forme qui empêche déjà une certaine liberté dans la
perception. L’expérience n’est possible qu’à travers une forme
définie de l’interface. Les outils numériques ont-ils la capacité
d’atténuer cette tendance à l’uniformisation ? Une diversité de
perception des objets par le numérique est-elle possible ?
a. La diversité des affichages
La vitrine d’un grand magasin et la page web d’une
boutique en ligne ont l’objectif commun de présenter de
manière attractive des objets aux acheteurs potentiels. Pour
les objets exposés dans la vitrine, les gens sont face à une
réalité matérielle qui leur permet de construire leur propre
relation à l’objet (choisir un angle de vue, se mettre à la
bonne distance, observer certains détails, etc.), même si la
vitrine ne leur permet pas de regarder l’intérieur d’un objet
ou de le toucher par exemple. L’objet est mis en scène dans
l’espace de la vitrine, qui est le même pour tout le monde.
En revanche, les objets exposés sur la page d’une boutique
en ligne sont perçus dans un environnement différent par
chaque visiteur : cette variété d’environnements entraine
certainement des perceptions différentes d’un même objet.
Par exemple la diversification des terminaux numériques -
ordinateur, tablette, téléphone - multiplie les interfaces. Dans
un espace numérique, l’objet peut exister dans des versions
différentes. Chaque interface possède son propre mode
d’affichage, qui propose des interactions différentes entre la
machine et le corps.
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