Untitled

LA RIVE GAUCHE 185
Derrire le Jardin des Plantes, voici la Sal-
ptrire, aux murs sinistres, la Salptrire
sacres de Septembre, la Salptrire
des mas-
d'o s'vada si
facilement M me de Lamotte aprs sa condamnation ;
avec ses grands jardins et ses affreux praux entours
de grilles o Ton enferme les femmes plus folles
que les autres disait de Goncourt ; la Salptrire
enfin, dont le dme, visible de partout, domine comme
un phare de misre tout ce quartier qu'empuantit la
Bivre, la triste Bivre huileuse, strie par tous les
acides des tanneries, ensanglante par les peaux de
moutons frachement corchs qui y trempent; qui
coule misrable et sordide, au milieu des choppes,
des amidonneries, des peausseries, aprs avoir tra-
vers les jardinets de Gentilly, et s'tre donn, dans le
quartier de la Fontaine--Mulard, l'illusion de la vraie
campagne.
11 est loin le temps o cette rivire infortune baignait
des prairies verdoyantes et voyait les saules se mirer
dans ses eaux claires. Dompte, domestique, soumise
toutes les besognes, elle roule, puante et sale, acca-
pare sans trve par les tanneurs, les corroyeurs, les
mgissiers,
les teinturiers! Pour la suivre dans ses
dtours, il faut monter rue du Moulin-des-Prs, puis
s'engager rue de Tolbiac. L, par une porte grille
elle pntre dans un corridor sombre et lugubre, d'o
elle ne sortira que pour glisser en une sorte de canal
sinistre, entre de noires usines l'aspect farouche. De