Untitled

LA RIV DROIf 235
cade des corps de gardes nationaux et de soldats, cribls
de balles, trous de coups de couteaux, crass sous les
pavs lancs du haut des toits, tmoignaient
de l'ef-
froyable sauvagerie de cette lutte fratricide: le sol,
longtemps, demeura rouge de sang! Que de boulets, que
de mitraille, que de balles ont reu toutes ces vieilles
faades,
au hasard des chauffoures si nombreuses du
temps de Louis-Philippe.
Au premier appel des tambours, les citoyens
s'armaient et couraient dfendre l'ordre... ou l'attaquer;
les femmes, anxieuses, tapies derrire les volets ferms,
guettaient les civires.
L'meute finie, la vie reprenait et, dans le mme
immeuble, l'insurg ctoyait l'honnte garde national
avec lequel il avait, la veille, chang des coups de
fusil. Parfois, cependant, quelques rancunes subsistaient.
Mes p'arents ont connu une vieille dame, loge rue
Saint-Merri, qui, pendant trente ans, ne passa jamais
qu'en tremblant devant la porte du locataire demeurant
au-dessous d'elle. Comme ou s'tonnait de cette persis-
tante apprhension, elle disait : Si vous saviez ce qui
m'est arriv! et elle contait qu'un soir d'meute,
en 1830, son mari, absent depuis le matin,
faisait le
coup de fusil dans les rangs de la garde nationale. Elle,
reste seule la maison, affole d'angoisse, vit arriver
au tournant de la rue un brancard recouvert d'une ser-
pillre que les porteurs dposrent sa porte. Est-ce
son mari qu'on ramne mort? Elle se prcipite, sou-