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Zibeline n° 60 en PDF

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12<br />

T<br />

H<br />

É<br />

Â<br />

TRE<br />

Transmuter<br />

la souffrance<br />

Danse Delhi d’Ivan Viripaev tourne<br />

et retourne autour de la question<br />

de la souffrance, et de la mort. De<br />

la catharsis aussi, artistique. Comm<strong>en</strong>t<br />

réagir à Delhi face à la misère<br />

absolue ? dans une salle d’att<strong>en</strong>te<br />

d’hôpital quand on vous annonce<br />

la mort de vos par<strong>en</strong>ts, que l’homme<br />

que vous aimez ne vous aime<br />

pas, que celle que vous avez quittée<br />

s’est suicidée, que votre cancer est<br />

rev<strong>en</strong>u ? Hystérie, ins<strong>en</strong>sibilité, déni,<br />

méchanceté, larmes, ce n’est pas<br />

tant l’attitude immédiate, toujours<br />

inatt<strong>en</strong>due, que Danse Delhi expose,<br />

mais ce qu’il faudrait <strong>en</strong> faire,<br />

de cette douleur, de cette mort des<br />

autres. Si la danseuse sait la sublimer<br />

<strong>en</strong> créant une œuvre -<strong>en</strong> se<br />

© Elisabeth Carecchio<br />

servant du malheur pour construire<br />

son bonheur lui reproche sa mère-,<br />

les autres pataug<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>tre l’empathie<br />

à laquelle ils ne parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

pas, et la culpabilité qu’ils refus<strong>en</strong>t<br />

d’assumer ou qui les ronge…<br />

Une fois <strong>en</strong>core l’écriture dramatique<br />

de Viripaev épate : il nous fait<br />

toucher du doigt notre rapport à la<br />

mort dans une structure étoilée,<br />

sept variations qui se repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> partie et chang<strong>en</strong>t de motifs,<br />

toujours exposés avec une limpidité<br />

jamais morbide, s<strong>en</strong>sible à<br />

tout instant. La mise <strong>en</strong> scène de<br />

Galin Stoev qui pourrait être clinique<br />

dans ce décor blanc d’hôpital<br />

révèle au contraire l’humanité des<br />

personnages, portés par des comédi<strong>en</strong>s<br />

formidables, précis, drôles<br />

par instant, habités toujours jusque<br />

dans leurs répétitions mécaniques.<br />

Le duo russe <strong>en</strong> est à sa 4 e collaboration,<br />

et on se souvi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> particulier<br />

d’un Oxygène bouleversant et asphyxiant.<br />

Depuis ces premiers<br />

textes écrits et portés à la scène<br />

leur double écriture théâtrale évolue,<br />

passe du cri rauque et rock<br />

face public à une forme hyper<br />

construite qui joue de cycles, brise<br />

et reconstruit le quatrième mur,<br />

sait naviguer <strong>en</strong>tre les affres du<br />

drame, le frisson de l’instant bouleversant,<br />

et l’éclat de rire… Sur un<br />

thème aussi âpre, c’est un exploit !<br />

AGNÈS FRESCHEL<br />

Danse Delhi a été joué à La Criée,<br />

Marseille, du 5 au 9 février<br />

¡Arriba El Cid !<br />

Le Cid <strong>en</strong> fanfare et caravane congés-payés, ça<br />

décoiffe ! Remis à la sauce franquiste avec<br />

généraux médaillés et bornés, à l’ombre des<br />

remparts du château-fort des Croisades, le<br />

spectacle imaginé et conçu par Philippe Car<br />

et Yves Favrega garde la trame cornéli<strong>en</strong>ne et<br />

les alexandrins, tout <strong>en</strong> jouant sur une piste<br />

circulaire qui évoque un manège <strong>en</strong>fantin. Le<br />

mélange des g<strong>en</strong>res est décapant ! C’est <strong>en</strong><br />

petite voiture et chauffeur que se font les<br />

déplacem<strong>en</strong>ts sur le champ de bataille et<br />

Rodrigue ne manie pas trop bi<strong>en</strong> l’épée.<br />

Cep<strong>en</strong>dant tout y est. Les grands mom<strong>en</strong>ts<br />

att<strong>en</strong>dus de la pièce de Corneille sont donnés et<br />

repris à voix basse dans la salle où les<br />

spectateurs se souvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t des textes ânonnés<br />

<strong>en</strong> classe : «Percé jusques (z) au fond du<br />

coeur...», «Rodrigue as-tu du coeur... ?», sans<br />

oublier «Nous partîmes cinq c<strong>en</strong>ts... !». L’intrigue<br />

est resserrée, les cinq comédi<strong>en</strong>s nous<br />

réjouiss<strong>en</strong>t, passant d’un rôle à l’autre <strong>en</strong> tours<br />

de passe-passe, chansons et musique avec<br />

Histoire d’un amour de Dalida ! L’atmosphère est<br />

typiquem<strong>en</strong>t espagnole avec Rodrigue <strong>en</strong><br />

© Agnès Mellon<br />

matador, mais la muleta rouge est détournée et<br />

sert de parav<strong>en</strong>t pour le changem<strong>en</strong>t de<br />

costume de Chimène (merveilleuse Valérie<br />

Bournet !). L’art du détournem<strong>en</strong>t fait d’ailleurs<br />

toute la saveur comique d’un spectacle toujours<br />

malicieux, qui rappelle l’unité de temps <strong>en</strong><br />

indiquant l’heure régulièrem<strong>en</strong>t… et la futilité<br />

des règles d’honneur <strong>en</strong> répétant : «Tout ça pour<br />

une gifle !».<br />

CHRIS BOURGUE<br />

El Cid est joué au Gymnase, Marseille,<br />

jusqu’au 16 février<br />

À v<strong>en</strong>ir<br />

du 20 au 23 fév<br />

Le Cratère, Alès<br />

04 66 52 52 64<br />

www.lecratere.fr<br />

du 2 au 6 avril<br />

Théâtre de Grasse<br />

04 93 40 53 00<br />

www.<br />

theatredegrasse.com<br />

le 30 avril<br />

Théâtre de Fos<br />

0810 006 826<br />

www.sc<strong>en</strong>esetcines.fr<br />

et <strong>en</strong> juillet 2013 au Festival Off à Avignon…<br />

Exposition La Caravane du Cid, sur le processus de<br />

création du spectacle, à la Maison de la Région,<br />

Marseille, du 1 er février au 9 mars<br />

www.voyagesimaginaires.fr<br />

Forcer le destin<br />

Pour sa dernière mise <strong>en</strong> scène <strong>en</strong> tant que<br />

directrice du Gyptis, Françoise Chatôt a choisi<br />

de continuer son voyage <strong>en</strong> Shakespeare et de<br />

monter Macbeth, la plus noire de ses tragédies<br />

sans doute, traversée de sang, de folie,<br />

d’errem<strong>en</strong>ts, de «bruit et fureur». Mettre <strong>en</strong><br />

scène ce bijou brut n’est pas aisé, et Françoise<br />

Chatôt a su avec une vraie simplicité se mettre<br />

au service du texte : vidéo au lointain, pas de<br />

décor sinon sonore (travail discret et fin d’Alain<br />

Aubin qui ambiance simplem<strong>en</strong>t la tragédie), le<br />

plateau est nu, découpé à l’avant scène pour<br />

ouvrir sur des profondeurs qui seront sondées,<br />

jusqu’aux tréfonds…<br />

Les rênes sont donc confiées aux comédi<strong>en</strong>s,<br />

qui s’<strong>en</strong> empar<strong>en</strong>t avec une aisance inégale, et<br />

pas tous sur le même ton. Ainsi le couple<br />

Macbeth et sa Lady (Philippe Séjourné et Agnès<br />

Audiffr<strong>en</strong>), dont on connait à la fois le tal<strong>en</strong>t et<br />

la complicité, a du mal à s’harmoniser sur<br />

scène, et on ne sait ce qui les domine. Les<br />

déplacem<strong>en</strong>ts de groupe sont malhabiles et les<br />

trois sorcières, séduisantes et jeunes, ont un<br />

côté héroïc fantasy trop appuyé. Qu’importe, le<br />

destin avance, les subtilités du texte<br />

s’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t, et la grossière erreur de Macbeth<br />

qui croit devoir plier son destin, et oublie de le<br />

lire à l’aune du bi<strong>en</strong> et du mal. Plusieurs<br />

c<strong>en</strong>taines de personnes sont v<strong>en</strong>ues durant ces<br />

trois semaines écouter un texte majeur que la<br />

plupart n’avait jamais <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, dans un quartier<br />

plus que populaire. Preuve qu’il serait<br />

irresponsable de le fermer après 2013 !<br />

AGNÈS FRESCHEL<br />

Macbeth a été créé au Gyptis, Marseille,<br />

du 22 janvier au 9 février

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