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Point de susp<strong>en</strong>sion<br />
Charmant ce circus tour in the city dans les traces de<br />
l’éléphant rose du Merlan ! Trois lieux élus pour la<br />
sol<strong>en</strong>nité de leur portique dorique et leur poids<br />
d’imaginaire social marseillais : de l’amphithéâtre des<br />
Sci<strong>en</strong>ces Naturelles de la Fac Saint Charles (1911) à la<br />
Société Marseillaise de Crédit (1865) <strong>en</strong> passant par le<br />
Temple de la rue Grignan (1825), le cirque va se nicher<br />
loin des tremblants chapiteaux ! Être assis dos bi<strong>en</strong> droit<br />
sur les banquettes dures de l’université r<strong>en</strong>d plus<br />
int<strong>en</strong>ses les révélations sur la «jubilation» promises par la<br />
confér<strong>en</strong>ce-empêchée (g<strong>en</strong>re plaisant fondé sur la<br />
déception !) conçue et m<strong>en</strong>ée par Camille Boitel qui<br />
réinv<strong>en</strong>te le duo de clowns pour l’occasion avec<br />
comparse muet et vampirisé. Bi<strong>en</strong> sûr on rit : parodique,<br />
satirique et surtout boulimique tant le plaisir semble être<br />
du côté de ceux qui font rire !<br />
Cap sur l’Eglise Réformée et la soupe de l<strong>en</strong>tilles,<br />
réconfort des av<strong>en</strong>turiers desc<strong>en</strong>dus depuis la gare :<br />
devant le grand crucifix blanc qui se détache du mur,<br />
Chloé Moglia prés<strong>en</strong>te son corps découvert (ceci est<br />
mon...) susp<strong>en</strong>du par la t<strong>en</strong>sion <strong>en</strong> force de ses<br />
muscles, t<strong>en</strong>dons et autres parties nerveuses dans des<br />
postures ins<strong>en</strong>sées : écorchée <strong>en</strong>core vive, temps<br />
arrêté, à la limite du déboîtem<strong>en</strong>t comme les omoplates<br />
que l’on surveille avec anxiété, sil<strong>en</strong>ce troué de sons<br />
métalliques, espace m<strong>en</strong>tal <strong>en</strong> cours d’élaboration...<br />
extrêmem<strong>en</strong>t troublant d’autant que le visage paisible et<br />
même rayonnant nie toute souffrance ! Chloé Moglia<br />
inv<strong>en</strong>terait-elle le Saint-Supplici<strong>en</strong> ?<br />
Dernière station : la majestueuse verrière de la SMC<br />
dont la hauteur donne la mesure du portique qui y est<br />
dressé. Ce qui se passe au ras du sol n’est pas visible<br />
au delà du 3 e rang et donc il n’<strong>en</strong> sera pas r<strong>en</strong>du<br />
compte ! Ils sont deux (au diable l’embryon d’histoire et<br />
l’illustration musicale de Nevcheherlian) et c’est lorsqu’ils<br />
font simplem<strong>en</strong>t duo que le spectaculaire se double<br />
vraim<strong>en</strong>t d’émotion : la prouesse physique des artistes<br />
coupe le souffle littéralem<strong>en</strong>t au trapèze utilisé comme<br />
piste d’<strong>en</strong>vol, au mât arp<strong>en</strong>té avec l’assurance de<br />
l’horizontalité ou dans la roue Cyr où les corps gliss<strong>en</strong>t,<br />
se pli<strong>en</strong>t et emport<strong>en</strong>t l’espace avec eux... Ils s’appell<strong>en</strong>t<br />
Le Flaouter et Maillot ; leur compagnie est basée à La<br />
Réunion et ils sont très beaux.<br />
Le Merlan proposait aussi <strong>en</strong> sa salle de revoir<br />
L’Immédiat, spectacle créé <strong>en</strong> ses murs par la bande à<br />
Boitel, qui depuis a fait le tour des scènes europé<strong>en</strong>nes<br />
et a donné son nom à la compagnie. Tout s’y écroule<br />
toujours avec autant d’incroyable frénésie, chaque appui<br />
s’effondrant dès qu’on y touche, les corps échappant à<br />
la pesanteur et les objets se dérobant. Hilarant,<br />
inquiétant aussi… La pénombre et l’incroyable foutoir<br />
qui <strong>en</strong>vahit la scène appar<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t la bande de clowns<br />
acrobates à des marginaux célestes. Quelques<br />
numéros, qui ne cherch<strong>en</strong>t pas à se faire applaudir,<br />
rest<strong>en</strong>t hallucinants… d’autres ont un peu perdu <strong>en</strong><br />
rythme. Qu’importe, une nouvelle forme est là,<br />
indéniablem<strong>en</strong>t.<br />
MARIE JO DHO ET AGNÈS FRESCHEL<br />
© Pierre Thep<strong>en</strong>ier<br />
L’Immédiat s’est joué<br />
du 29 au 31 janvier,<br />
Circus Tour in the City<br />
a été proposé du 1 er<br />
au 3 février par Le Merlan,<br />
Marseille<br />
Drôle d’Eros<br />
La démarche de Cahin-caha est intéressante, et réussie par<br />
<strong>en</strong>droits : Rose veut «oser l’Eros» et emprunte très largem<strong>en</strong>t<br />
ses numéros au cabaret de même couleur, cherchant une forme<br />
hybride qui revigore le numéro de cirque ; ainsi Gulko transforme<br />
Monsieur Loyal <strong>en</strong> m<strong>en</strong>eur de revue, qui sait cep<strong>en</strong>dant jouer<br />
du fouet comme un jongleur ; Pierre Glottin exécute de brillants<br />
exercices d’équilibre, masochistes, au-dessus d’une planche<br />
à clou ; et les deux cordélistes, Fanny Austry et Manuelle Haeringer,<br />
jou<strong>en</strong>t de leur nudité sans abandonner la virtuosité de leur art :<br />
leurs numéros de corde gémellaire, de corde volante, de tissu<br />
aéri<strong>en</strong>, sont épatants. Mais érotiques ? Le strip-tease sur un<br />
trapèze ballant donne le frisson du risque quand elle lâche la<br />
corde pour faire passer les manches… mais demeure fort peu<br />
s<strong>en</strong>suel ! Les corps de cirque dans l’effort, transpirants,<br />
musculeux et souffrants, ne font pas frissonner de désir…<br />
Du coup l’Eros ici n’est que l’évocation de la sexualité, plus<br />
ou moins zoophile, exhibitionniste ou sadique, et non l’éveil<br />
du plaisir. Peut-être des lumières, une musique, des décors<br />
et costumes plus soignés permettrai<strong>en</strong>t-ils l’esthétisation<br />
nécessaire au propos ? Tel quel, Rose relève de la pochade,<br />
tal<strong>en</strong>tueuse et inatt<strong>en</strong>due, mais n’inv<strong>en</strong>te pas tout à fait<br />
un cirque érotique.<br />
AGNÈS FRESCHEL<br />
Rose a été créé au CREAC,<br />
Marseille du 7 au 11 février<br />
Rose,<br />
cie Cahin Cahan<br />
© JP Estournet<br />
IX