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C<br />
O<br />
N<br />
TRES<br />
Optimisme désespéré<br />
Jean-François Bayart l’annonce d’<strong>en</strong>trée de jeu :<br />
«J’ai une position critique vis-à-vis de l’interprétation<br />
néo-libérale de la globalisation, mais je ne me<br />
fais pas que des amis chez les alter-mondialistes, car<br />
je dis que ce n’est pas une simple aliénation : on y<br />
participe tous.» Puis il réclame de la nuance : tout<br />
le monde n’est pas mondialisé de la même manière,<br />
selon qu’on vit à la Déf<strong>en</strong>se ou <strong>en</strong> Ardèche,<br />
à Pékin ou <strong>en</strong> Arizona. Il récuse l’idée que l’État<br />
est la victime des marchés : selon lui, l’État-Nation<br />
est le produit de la globalisation, tout comme<br />
les «id<strong>en</strong>tités», et le communautarisme. Un exemple<br />
irrévér<strong>en</strong>cieux ? Le terroir gastronomique :<br />
«Le camembert n’est pas issu de la «normanditude»<br />
comme aurait dit Ségolène Royal, mais de la possibilité<br />
de le v<strong>en</strong>dre massivem<strong>en</strong>t aux Halles de Paris.»<br />
Une illusion s’écroule, là où l’on p<strong>en</strong>sait avoir<br />
connu le pire <strong>en</strong> découvrant une publicité<br />
McDonalds pour le hamburger au foie gras.<br />
De la nourriture, il passe au poil : «Politiquem<strong>en</strong>t<br />
très intéressant. Les islamistes ont une vision très<br />
précise de ce que doit être la pilosité.» Puis aux att<strong>en</strong>tats<br />
suicides, «une technique du corps inv<strong>en</strong>tée par<br />
les Tamouls, qui s’est globalisée.» Et à la lutte<br />
contre les narcotiques : «L’herbe devrait coûter<br />
moins cher que les radis, on aurait moins intérêt<br />
à la cultiver.» Charmant orateur, déployant son<br />
humour avec générosité, ce qui ne l’empêche<br />
pas de prés<strong>en</strong>ter une vision lucide de la situation.<br />
À la question du public, «Êtes-vous optimiste<br />
ou pessimiste ?», il répond avec un sourire «Un<br />
ami graphologue m’a dit que je suis un optimiste<br />
désespéré, comme Louis XVI. Les choses vont vraim<strong>en</strong>t<br />
très mal. Ce qui est désespérant, c’est notre<br />
bêtise collective.» Selon lui, le rôle des sci<strong>en</strong>ces<br />
sociales est de dissiper quelques idées reçues. Par<br />
exemple celle-ci : la mondialisation est c<strong>en</strong>sée<br />
uniformiser, alors qu’<strong>en</strong> réalité elle clive.<br />
GAËLLE CLOAREC<br />
La confér<strong>en</strong>ce Globalisation, culture matérielle<br />
et individu a eu lieu le 24 janvier à l’Hôtel du<br />
Départem<strong>en</strong>t 13 dans le cadre d’Échange et<br />
diffusion des savoirs<br />
Jean-Francois Bayart © X-D.R.<br />
La Liberté guide nos pas<br />
À l’invitation d’Approches, Cultures &<br />
Territoires, le Lycée Saint-Exupéry accueillait le<br />
7 février l’histori<strong>en</strong> Michel Vovelle pour une<br />
confér<strong>en</strong>ce intitulée L’an II des Révolutions : France<br />
1793, Monde arabe 2013. Remonter jusqu’à ce<br />
XVIII e siècle où l’on est passé de la monarchie à<br />
la République, et faire <strong>en</strong>trer <strong>en</strong> résonance cette<br />
période avec les printemps arabes du XXI e siècle,<br />
voilà qui promettait d’être passionnant. Cep<strong>en</strong>dant<br />
d’<strong>en</strong>trée de jeu, l’orateur a prév<strong>en</strong>u des<br />
«avantages, ruses, et risques» de l’analogie. La<br />
Révolution Française est «la 1 ère dans le temps<br />
d’ambition et de portée universelle, ce qui est positif<br />
pour les uns et lui a été reproché par les autres. En<br />
tous cas elle proposait un modèle élaboré de rupture,<br />
de subversion viol<strong>en</strong>te, politique, économique, sociale<br />
et culturelle». Depuis, les mouvem<strong>en</strong>ts populaires<br />
d’insurrection partout dans le monde ont quelque<br />
chose à voir avec les droits de l’homme tels<br />
qu’ils ont alors été formulés. Que ce soit lors des<br />
insurrections arabes, ou lorsque la contestation<br />
«fait un retour sur la rive europé<strong>en</strong>ne, dans le contexte<br />
des crises qui taraud<strong>en</strong>t l’Europe méridionale».<br />
En bon p<strong>en</strong>seur familier de la grille d’interprétation<br />
marxiste, Michel Vovelle reproche aux<br />
Indignés leur manque de cadre conceptuel, leurs<br />
mots d’ordre flous : «Ils veul<strong>en</strong>t juste «changer le<br />
monde».» Et revi<strong>en</strong>t inlassablem<strong>en</strong>t à l’importance<br />
des rapports de force <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce, soit dans<br />
les pays arabes le poids de l’armée et l’influ<strong>en</strong>ce<br />
des Frères Musulmans. En insistant sur l’imprédictibilité<br />
des phénomènes révolutionnaires.<br />
Lorsqu’un membre du public lui demande<br />
«Qu’est-ce que la Révolution Française <strong>en</strong> juillet<br />
1791, 25 mois après le début ?», il répond : «Nous<br />
sommes alors au cœur de ce que François Furet<br />
appelle «l’année heureuse»... Oui,<br />
sous réserve d’inv<strong>en</strong>taire ! Car ça<br />
bouillonne depuis les provinces,<br />
tout le Sud Ouest est <strong>en</strong> feu, il y a<br />
des affrontem<strong>en</strong>ts ouverts <strong>en</strong>tre les<br />
deux confessions, c’est une poudrière.<br />
Alors on peut dire qu’<strong>en</strong> 91<br />
la Révolution est terminée, mais...»<br />
Mais le sort des révolutions ne se<br />
joue pas <strong>en</strong> deux ans, et nul ne<br />
peut prédire à quoi aboutira l’histoire<br />
qui se construit aujourd’hui<br />
<strong>en</strong> Tunisie et <strong>en</strong> Égypte.<br />
GAËLLE CLOREC<br />
Eug<strong>en</strong>e Delacroix,<br />
La liberte guidant le peuple<br />
Derrière<br />
l’ordinateur<br />
Elle était mal partie, cette confér<strong>en</strong>ce du 29<br />
janvier : l’interv<strong>en</strong>ante principale, malade,<br />
a annulé sa v<strong>en</strong>ue. De plus, prévue initialem<strong>en</strong>t<br />
dans une salle de l’IEP d’Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce<br />
réquisitionnée au dernier mom<strong>en</strong>t par le<br />
débat Maryse Joissains/Patrick M<strong>en</strong>nucci<br />
sur la Métropole, elle a dû se replier dans<br />
une partie des bâtim<strong>en</strong>ts où il n’était pas<br />
possible de diffuser les élém<strong>en</strong>ts multimédias<br />
prévus. Elle y a aussi certainem<strong>en</strong>t perdu<br />
une bonne partie de son public, attiré par<br />
le spectacle de ces deux «bêtes» politiques.<br />
Tout cela n’aurait cep<strong>en</strong>dant pas été rédhibitoire,<br />
si les membres du collectif organisateur<br />
Technologos, une fédération nationale créée<br />
l’an dernier, n’avai<strong>en</strong>t pas eu recours pour<br />
remplacer Hélène Tordjman à Christian<br />
Araud, maîtrisant manifestem<strong>en</strong>t mal son<br />
sujet : Défier l’algorithme, repr<strong>en</strong>dre le contrôle<br />
de la cité. À tel point que finalem<strong>en</strong>t, on<br />
se demande s’il ne valait pas mieux que peu<br />
de monde assiste au débat, dans la mesure<br />
où cette thématique cruciale mérite d’être<br />
approchée autrem<strong>en</strong>t qu’à la va-vite.<br />
C’est dommage car leur cycle de confér<strong>en</strong>ces<br />
(les prochaines portant sur la crise de la<br />
gouvernance et celle des valeurs) semblait<br />
prometteur. C’est dommage surtout parce<br />
que leur objectif : pr<strong>en</strong>dre du recul par<br />
rapport à la technique, et derrière elle, la<br />
sci<strong>en</strong>ce, est on ne peut plus pertin<strong>en</strong>t. Il est<br />
à espérer que les interv<strong>en</strong>tions à v<strong>en</strong>ir se<br />
feront dans de meilleures conditions.<br />
GAËLLE CLOAREC<br />
www.sci<strong>en</strong>cespo-aix.fr