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Méditerranée<br />
au prés<strong>en</strong>t<br />
Durant cinq jours<br />
de Prés<strong>en</strong>ces, Festival<br />
que Radio France<br />
a déc<strong>en</strong>tralisé à<br />
Aix à l’occasion<br />
de MP2013, le public<br />
a découvert toute<br />
une palette d’œuvres<br />
contemporaines<br />
On ne dira pas que Nubes, la<br />
création de Marco-Antonio Perez-Ramirez,<br />
dédiée à Pierre<br />
Soulages et inspirée de ses monochromes,<br />
est passée inaperçue.<br />
Mais malgré une écriture massique<br />
maîtrisée, beaucoup ne reti<strong>en</strong>dront<br />
que les mots d’Albert Camus, si<br />
douloureux parfois. Car le 24 janv<br />
le concert Camus méditerrané<strong>en</strong><br />
confrontait la création et le répertoire<br />
contemporains à la force<br />
d’une écriture riche de poésie, et<br />
porteuse d’idées.<br />
Sous la conduite d’Ernest Martinez-Izquierdo,<br />
l’Orchestre et le<br />
Chœur de Radio France illuminai<strong>en</strong>t<br />
et colorai<strong>en</strong>t le texte de<br />
Retour à Tipasa sur une musique<br />
d’H<strong>en</strong>ri Tomasi (voir p 49). Dans<br />
La Peste, le timbre de Robin R<strong>en</strong>ucci<br />
a paru cotonneux et flûté<br />
à côté de celui de Stéphane Freiss,<br />
remplaçant au pied levé Michael<br />
Lonsdale. La musique du catalan<br />
Roberto Gerhard, nécessitant un<br />
effectif pléthorique (170 interprètes<br />
!), fut d<strong>en</strong>se, figurative et<br />
pleine d’émotion. Il <strong>en</strong> fallait des<br />
ressources pour épouser le poids<br />
de ces mots ! Éprouvante comme<br />
l’agonie de l’<strong>en</strong>fant jusqu’à son<br />
râle perceptible dans l’orchestre,<br />
l’orchestration de cette œuvre int<strong>en</strong>se<br />
trouvait un écho ingénieux<br />
dans le traitem<strong>en</strong>t des voix.<br />
Chuchotem<strong>en</strong>ts, hauteurs indéterminées,<br />
rythmique libre et textes<br />
Orchestre Philharmonique de Radio France © JF Leclerc<br />
couplés alternai<strong>en</strong>t avec une<br />
choralité rigoureuse et précise.<br />
Un beau mom<strong>en</strong>t d’émotion au<br />
croisem<strong>en</strong>t des musiques, des<br />
mots et des terres !<br />
Ori<strong>en</strong>ts divers<br />
Après la Méditerranée europé<strong>en</strong>ne,<br />
Prés<strong>en</strong>ces se dirigeait vers<br />
L’Ori<strong>en</strong>t de Maalouf & El Malek, le<br />
25 janv. Nul ne songerait à remettre<br />
<strong>en</strong> cause les qualités d’instrum<strong>en</strong>tiste<br />
du saxophoniste de jazz, ni<br />
de l’incontournable Ibrahim Maalouf,<br />
chantre de la trompette à<br />
quart de ton ; <strong>en</strong> atteste l’improvisation<br />
délicieuse proposée <strong>en</strong><br />
guise de bis. Mais quand ces deux<br />
interprètes se mu<strong>en</strong>t <strong>en</strong> compositeurs<br />
le bât blesse ! Quand on a<br />
à disposition des outils tel que le<br />
Philharmonique, la Maîtrise de<br />
Radio France et Musicatreize, il<br />
est indig<strong>en</strong>t de proposer une œuvre,<br />
Les sept fils d’Hanna de El<br />
Malek, d’une telle médiocrité !<br />
Oscillant <strong>en</strong>tre une musique de film<br />
de série B et un avatar de Philip<br />
Glass, cette pièce, interminable,<br />
cumule tous les mauvais clichés<br />
de la musique «classique».<br />
Le concerto pour trompette, Point<br />
33, du musici<strong>en</strong> franco-libanais,<br />
ne s’affirmera pas comme une référ<strong>en</strong>ce<br />
du g<strong>en</strong>re mais s’appar<strong>en</strong>te<br />
à une véritable composition, où<br />
l’on retrouve de vieux gestes de<br />
musique démantibulée de Chostakovitch,<br />
des séqu<strong>en</strong>ces de<br />
musique répétitive assez abouties<br />
Indisp<strong>en</strong>sable collectif !<br />
À l’écoute du concert donné le 8 février par<br />
l’<strong>en</strong>semble Musicatreize dans la salle du même nom,<br />
on se dit que, décidém<strong>en</strong>t, Roland Hayrabedian<br />
dispose d’un magnifique instrum<strong>en</strong>t ! Il joue de ses<br />
douze voix comme un organiste tire ses jeux, un<br />
pianiste manipule son clavier, d’un geste ferme,<br />
souple, précis, libre… Sans son insolite volonté, il<br />
y a un quart de siècle, de créer un «outil» dédié à la<br />
musique vocale contemporaine <strong>en</strong> région, nombre<br />
d’œuvres n’aurai<strong>en</strong>t vu le jour, comme la douce<br />
Duerme (berceuse) d’Edith Canat de Chizy, créée<br />
pour l’occasion, page jolim<strong>en</strong>t <strong>en</strong>luminée de<br />
percussions. Maurice Ohana et son Swan Song,<br />
éclatant d’assurance parce que les chanteurs, depuis<br />
des lustres, ont fait de ce «requiem onirique» un<br />
standard, serai<strong>en</strong>t peut-être restés dans les placards<br />
de l’histoire musicale ?<br />
En 1970, seules quelques voix parisi<strong>en</strong>nes (à<br />
l’O.R.T.F. principalem<strong>en</strong>t) étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> mesure<br />
d’interpréter la longue Danaë de François Bernard<br />
Mâche, d’assumer la modernité de son langage ;<br />
aujourd’hui Musicatreize <strong>en</strong>sem<strong>en</strong>ce naturellem<strong>en</strong>t<br />
et un véritable travail sur le<br />
temps emblématique de la culture<br />
ori<strong>en</strong>tale. Malheureusem<strong>en</strong>t, le<br />
manque cruel de trame harmonique<br />
laisse l’auditeur sur un<br />
s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t plus que mitigé, malgré<br />
le tal<strong>en</strong>t des musici<strong>en</strong>s, bi<strong>en</strong><br />
peu aidés par la direction pour le<br />
moins singulière de Léo Hussein.<br />
Deux créations sur le thème de<br />
l’Ori<strong>en</strong>t qui ne laisseront pas un<br />
souv<strong>en</strong>ir impérissable !<br />
En clôture de l’événem<strong>en</strong>t, Voix<br />
interdites d’Ahmed Essyad (voir<br />
p 49) a <strong>en</strong>fin célébré un beau<br />
mariage <strong>en</strong>tre Occid<strong>en</strong>t et Ori<strong>en</strong>t,<br />
tradition et modernité (le 26<br />
janv), alors qu’une nouvelle<br />
création de Zad Moultaka a mis<br />
une nouvelle fois à l’honneur un<br />
pionnier de la diffusion des<br />
musiques d’aujourd’hui : Roland<br />
Hayrabedian, à la fête avec<br />
Musicatreize et le Chœur<br />
contemporain (le 27 janv).<br />
FRÉDÉRIC ISOLETTA ET CHRISTOPHE FLOQUET<br />
l’opus quarant<strong>en</strong>aire d’une «pluie d’or» toute de<br />
crépitem<strong>en</strong>ts chuchotés ! Au sein du chœur, de<br />
surcroît, de formidables solistes gard<strong>en</strong>t leur réserve,<br />
jusqu’à ce qu’un soir<br />
l’un deux manifeste<br />
son tal<strong>en</strong>t, sa prés<strong>en</strong>ce,<br />
comme Xavier<br />
de Lignerolle, ténor<br />
tout-terrain qui<br />
a fait du Chant intime<br />
de Zad Moultaka<br />
un lam<strong>en</strong>to à la<br />
force expressive<br />
«frappante» !<br />
JACQUES FRESCHEL<br />
Musicatreize © Guy Vivi<strong>en</strong><br />
19<br />
M<br />
USIQUE