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Zibeline n° 60 en PDF

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La mer, l’OM et les lycé<strong>en</strong>s<br />

«Madame, quand vous serez morte, vous p<strong>en</strong>sez<br />

qu’on vous lira <strong>en</strong>core ?» «Madame, sans être<br />

impolie, s’il n’y a pas de message dans vos livres, à<br />

quoi ça sert de les lire ?» «Vous avez déjà sauté de la<br />

corniche dans la mer ?» Dominant les petits rires<br />

étouffés Maylis de Kérangal répond méthodiquem<strong>en</strong>t<br />

et avec doigté aux mots parfois maladroits<br />

des élèves, nés d’une curiosité spontanée, et<br />

aborde <strong>en</strong> douceur des notions comme la postérité<br />

de l’œuvre ou les subtilités du réalisme... Un<br />

Prix Médicis dans la classe «c’est classe» jubile<br />

Simon <strong>en</strong> essayant avec d’autres d’obt<strong>en</strong>ir une<br />

dédicace pour son Corniche K<strong>en</strong>nedy, malgré les<br />

rétic<strong>en</strong>ces éclairantes et g<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t pédagogiques<br />

de l’auteure !<br />

Quittant le bord de mer «à peine arp<strong>en</strong>té mais<br />

un si beau théâtre à ciel ouvert» pour le 12 e arrondissem<strong>en</strong>t,<br />

Maylis de Kérangal avec une tranquille<br />

assurance fait à plein ce week-<strong>en</strong>d là son métier<br />

d’écrivain à Marseille : r<strong>en</strong>contrer de jeunes lecteurs<br />

au lycée de La Fourragère, de plus vieux au<br />

J1, puis aller au Stade Vélodrome, semble relever<br />

du même mouvem<strong>en</strong>t tout comme écrire des<br />

romans, appart<strong>en</strong>ir au comité de rédaction de la<br />

revue Inculte et r<strong>en</strong>dre sa copie hebdomadaire au<br />

journal La Marseillaise dans le cadre des Mystères<br />

de la Capitale, série de feuilletons initiés par<br />

MP2013 !<br />

Après sa résid<strong>en</strong>ce d’écriture à la Commanderie,<br />

Maylis de Kérangal avoue malicieusem<strong>en</strong>t au<br />

journaliste Pascal Jourdana être «une intermitt<strong>en</strong>te<br />

du foot» s<strong>en</strong>sible à l’empreinte imaginaire<br />

de ce sport dont elle s’étonne qu’il n’ait pas plus<br />

de place <strong>en</strong> littérature. Et le titre donné aux 4<br />

épisodes <strong>en</strong> cours de parution, loin de refroidir<br />

les curiosités, témoigne de ce déplacem<strong>en</strong>t du<br />

regard qui sans nier le mythe le distille et le transforme<br />

; ces Ferv<strong>en</strong>ts qui vont se croiser dans le<br />

temps et l’espace éphémères du roman-feuilleton<br />

n’honor<strong>en</strong>t ni les mêmes dieux ni les mêmes<br />

lieux : Agnieska la novice polonaise (pas Anelka<br />

n’est-ce pas ?) débarque au couv<strong>en</strong>t de la Serviane<br />

Maylis de Kerangal © X-D.R.<br />

(ses Filles du Cœur de Jésus, son jardinier anarchiste-assassin<br />

et ses querelles de voisinage avec<br />

l’OM) tandis que Cosmo campe littéralem<strong>en</strong>t<br />

sur les bords de la pelouse sacrée... C’est avec<br />

plaisir et aisance, semble-t-il, que la commande<br />

est honorée : l’écriture fractionnée à l’intérieur<br />

de la continuité, l’espace restreint du feuillet<br />

invit<strong>en</strong>t à une certaine «réforme» de l’écriture et<br />

<strong>en</strong> tout cas à une évolution de la langue au fil des<br />

épisodes, vitalité et remises <strong>en</strong> question qui ne<br />

lui sont pas étrangères.<br />

À la fin de la r<strong>en</strong>contre dans le territoire flottant<br />

du J1, après avoir évoqué la nécessité de se<br />

«déboiter» et de «lever ses propres mythographies»,<br />

l’auteure toujours souriante affirme modestem<strong>en</strong>t<br />

que «la fiction est le moy<strong>en</strong> de se construire<br />

soi-même à partir de l’altérité», et se prête sans<br />

rétic<strong>en</strong>ce appar<strong>en</strong>te cette fois à une nouvelle<br />

séance de dédicaces... Belle connaissance du<br />

terrain, madame !<br />

MARIE-JO DHO<br />

La lecture-r<strong>en</strong>contre avec Maylis de Kérangal<br />

animée par Pascal Jourdana a eu lieu le 19 janvier<br />

dans le cadre de MP2013 <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat<br />

avec La Marseillaise et Libraires du Sud<br />

Le roman-feuilleton est lisible sur l’édition<br />

internet de La Marseillaise<br />

www.lamarseillaise.fr<br />

41<br />

L<br />

ITTÉ<br />

R<br />

A<br />

T<br />

U<br />

RE<br />

Quand l’Arche fait<br />

escale au Lièvre<br />

Pierre S<strong>en</strong>ges était tout récemm<strong>en</strong>t<br />

l’invité des Escales <strong>en</strong> Librairies ; à<br />

Marseille, la r<strong>en</strong>contre eut lieu au<br />

Lièvre de mars, ce qui était tout<br />

indiqué pour évoquer son dernier<br />

opus, Zoophile contant fleurette, qui<br />

revisite de façon jubilatoire l’histoire<br />

de l’Arche de Noé (le brave patriarche<br />

dev<strong>en</strong>ant ici le zoophile dont il<br />

est question dans le titre). Cet écrivain<br />

fort peu académique, auteur<br />

d’une quinzaine de livres qui mêl<strong>en</strong>t<br />

allègrem<strong>en</strong>t les g<strong>en</strong>res et distill<strong>en</strong>t<br />

une érudition décalée, a t<strong>en</strong>u tout<br />

d’abord à r<strong>en</strong>dre hommage à<br />

l’éditrice de Cadex ; c’est elle qui lui<br />

a proposé d’<strong>en</strong>trer dans sa collection<br />

«texte au carré», consacrée à<br />

des textes courts dont les auteurs<br />

choisiss<strong>en</strong>t eux-mêmes le préfacier<br />

et l’illustrateur. Dans le cas prés<strong>en</strong>t,<br />

Stéphane Audeguy, qui donne un<br />

plaisant avant-goût du livre, et<br />

Sergio Aquindo, dont le trait n’est<br />

pas sans évoquer les planches des<br />

<strong>en</strong>cyclopédies anci<strong>en</strong>nes. Le texte<br />

s’est construit à partir d’un extrait<br />

que S<strong>en</strong>ges offre <strong>en</strong> prélude et qu’il<br />

attribue à Giordano Bruno. Si les<br />

questions concernant le nombre<br />

d’animaux que pouvait abriter l’Arche<br />

ont été de vraies questions, que<br />

des g<strong>en</strong>s très sérieux se sont posées<br />

autrefois, la réponse que le prélude<br />

apporte est tout aussi blasphématoire<br />

que les écrits de son auteur<br />

prét<strong>en</strong>du. De cette hypothèse loufoque<br />

(et zoophile) S<strong>en</strong>ges s’empare<br />

pour une de ces variations qu’il affectionne,<br />

autour de «quatre-vingtdix-neuf<br />

espèces classées dans le plus<br />

beau désordre». Où l’on découvre<br />

comm<strong>en</strong>t Noé fit l’amour avec la<br />

baleine, le lièvre (ti<strong>en</strong>s donc) et<br />

même la mangue ! Quatre-vingtdix-neuf<br />

fragm<strong>en</strong>ts, dont chacun<br />

joue avec ceux qui précèd<strong>en</strong>t ou qui<br />

suiv<strong>en</strong>t, créant des effets de contrastes<br />

ou d’échos. Un texte <strong>en</strong> forme<br />

de liste, dans l’esprit des bestiaires.<br />

Pierre S<strong>en</strong>ges au Lievre de Mars © L.P.<br />

Avec à l’habitude des sources sci<strong>en</strong>tifiques<br />

sérieuses, que la fiction vi<strong>en</strong>t<br />

décaler, comme un jeu nécessaire<br />

pour éviter les livres «gravés dans le<br />

marbre». Deux temps de lecture par<br />

l’auteur ont permis de savourer<br />

l’humour et la subtilité de ces petits<br />

textes «animaliers».<br />

FRED ROBERT<br />

Pierre S<strong>en</strong>ges était au Lièvre de mars<br />

(Marseille) le 29 janvier et au forum<br />

Harmonia Mundi (Aix) le 30 janvier<br />

À lire<br />

Zoophile contant fleurette (éditions<br />

Cadex, 12 €) mais égalem<strong>en</strong>t<br />

La réfutation majeure, disponible<br />

<strong>en</strong> poche (Folio)

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