18.11.2014 Views

DAP_RA_1955.pdf (10,0 MB) - Criminocorpus

DAP_RA_1955.pdf (10,0 MB) - Criminocorpus

DAP_RA_1955.pdf (10,0 MB) - Criminocorpus

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

ANNEXE II<br />

LA RÉÉDUCATION<br />

TES DÉLINQUANTS RÉCIDIVISTES<br />

ANNEXE II<br />

LA RÉÉDUCATION<br />

DES DÉLINQUANTS RÉCIDIVISTES<br />

et la justice, qu'en somme le nombre<br />

des relégués est insignifiant par rapport<br />

à l'ensemble de la population<br />

du pays, il n'est pas davantage convaincu<br />

et argue de sa malchance.<br />

Plus on insiste sur l'étrangeté de<br />

sa position, plus il en conclut qu'un<br />

sort malheureux s'est abattu sur lui,<br />

bien entendu sans que sa responsabilité<br />

personnelle ait été engagée.<br />

Cette manière de voir n'est pas<br />

tout à fait fausse et la lecture d'un<br />

grand nombre de dossiers de relégués<br />

montre bien que la plupart n'ont jamais<br />

connu des conditions sociales,<br />

familiales, propres à permettre un développement<br />

humain harmonieux.<br />

Mais même sur le sens profond de<br />

leur mauvaise chance, il n'y a pas<br />

identité entre le point de vue de l'observateur<br />

et le leur propre : nous entendons<br />

leur naissance en un milieu<br />

désorganisé, les carences éducatives,<br />

la misère, qui ont généralement marqué<br />

leur existence d'un sceau d'anarchie.<br />

Eux, au contraire, n'ont pas une<br />

vision bien nette de ce qui leur a manqué,<br />

n'éprouvent aucun regret de ce<br />

côté, mais sont sensibles à l'injustice<br />

d'un sort qui a révélé leurs agissements<br />

frauduleux alors que tant d'autres-,<br />

malgré le plus large profit qu'ils<br />

tirent de leurs actes, connaissent une<br />

impunité scandaleuse. Selon eux ils<br />

sont en somme malchanceux d'avoir<br />

été pris et dès lors, ils ne peuvent<br />

plus remonter la pente car on s'acharne<br />

sur eux, on les surveille étroitement,<br />

on ne leur tolère plus rien. Ils<br />

sont les boucs émissaires d'une société<br />

où la pourriture est partout.<br />

Une telle conception met en évidence<br />

combien il est difficile d'avoir<br />

accès par le raisonnement sur ces natures.<br />

Les mots eux-mêmes n'ont pas<br />

le mêmes sens pour eux et pour nous.<br />

Le traitement d'un récidiviste habituel<br />

(ou du type pur, si l'on préfère)<br />

semble, en conséquence, devoir se rechercher<br />

par d'autres voies. Ce sont<br />

ces moyens que nous allons maintenant<br />

examiner.<br />

*"*<br />

I. — Il paraît logique de faire d'abord<br />

leur part aux thérapies relevant<br />

directement d'un traitement corporel,<br />

qu'il soit chirurgical, comme la lobotomie,<br />

ou médicinal, comme les cures<br />

anti-alcooliques. S'il était possible<br />

un jour de guérir du récidivisme<br />

comme on guérit d'une maladie ordinaire,<br />

un grand pas serait fait sans<br />

doute en vue de la récupération sociale<br />

des délinquants habituels.<br />

Il y a d'abord la lobotomie, la célèbre<br />

méthode d'Egas Moniz, dont on<br />

discute avec une certaine véhémence<br />

dans les milieux médicaux.<br />

Il s'agit, on le sait, d'une thérapeutique<br />

neuro-chirurgicale, fondée sur<br />

l'opinion que certains multi-récidivistes<br />

sont, selon la jolie expression<br />

du Dr Brousseau « des invalides psychologiques<br />

», et utilisant aux fins de<br />

guérison les relations anatomo-physiologiques<br />

entre l'écorce préfontale,<br />

certains noyaux du thalamus et de<br />

l'hypo-thalamùs. Egas Moniz voyait<br />

dans la maladie dont sont atteints ces<br />

sujets, une sorte de blocage des connexions<br />

entre les groupes cellulaires,<br />

ne permettant plus que le passage de<br />

certains modes de penser. Selon lui,<br />

l'intervention chirurgicale curative<br />

devait avoir pour but essentiel de<br />

rompre ce blocage en coupant le<br />

nœud gordien des connexions rendues<br />

indissolubles.<br />

Il supposait, en effet, que l'écorce<br />

frontale du cerveau est le siège électif<br />

de la conscience lucide, tandis que<br />

la conscience végétative s'élabore<br />

dans les noyaux gris centraux du<br />

diencéphale, aboutissement ultime du<br />

sympatique et qu'un influx nerveux<br />

pathogène en provenance de cette région<br />

qu'on appelle le thalamus vient<br />

troubler la conscience lucide.<br />

L'intervention consisterait alors à<br />

exciser les fibres de transmission, à<br />

couper le circuit afin d'isoler les lobes<br />

frontaux.<br />

Ainsi seraient refoulés dans une<br />

sorte de conscience profonde, sans<br />

pouvoir affleurer ni participer à l'élaboration<br />

des idées qui commandent<br />

les actes, tous ces instincts égoïstes<br />

et antisociaux susceptibles de conduire<br />

au meurtre, à l'érotisme, à l'appropriation<br />

indue du bien d'autrui.<br />

Le cerveau intellectuel se trouverait<br />

délesté de cette façon du cerveau instinctif<br />

et des influences émotionnelles<br />

émanant de la nature perverse ou<br />

seulement animale de l'individu.<br />

On sait, également, qu'il existe<br />

deux sortes d'opérations, l'une, dite<br />

(1) On aurait soutenu à l'opposé que les<br />

noyaux gris centraux sont le siège du psychisme<br />

supérieur, de la personnalité, alors que<br />

le cortex siège la mémoire, ne serait qu'un<br />

fichier. Egalement que le Thalamus est un<br />

« lobotomie » ou « leucotomie » consistant<br />

à sectionner les fibres, l'autre<br />

dite « topectomie » ayant pour objet<br />

l'ablation des parcelles localisées du<br />

eortex où aboutissent les fibres venant<br />

des noyaux gris centraux. On<br />

pratiquerait même aux Etats-Unis<br />

une troisième forme d'intervention<br />

dite « thalamotomie » qui aurait pour<br />

but d'extirper la portion du thalamus<br />

d'où partent les fibres conduisant<br />

l'influx au cortex frontal.<br />

Les discussions parfois passionnées<br />

qui se livrent autour de ces méthodes<br />

neuro-chirurgicales n'ont pas tant<br />

pour raisons l'incertitude scientifique<br />

sur le rôle exact des diverses parties<br />

du cerveau (1) , mais sur les résultats<br />

des interventions et sur l'aspect philosophique<br />

d'agissements thérapeutiques<br />

susceptibles d'altérer la personnalité<br />

primitive du malade. Effectivement,<br />

les psychiatres sont loin d'être<br />

d'accord encore sur les suites postopératoires,<br />

sur le pourcentage des<br />

guérisons, sur l'étendue et la valeur<br />

des modifications intervenues dans<br />

l'affectivité et les aptitudes ultérieures<br />

du sujet.<br />

En bref, et quel que soit l'avenir<br />

de la neuro-chirurgie appliquée aux<br />

multi-récidivistes, cette méthode récente<br />

doit figurer dans un inventaire<br />

que l'on voudrait aussi complet que<br />

possible, des modes de traitement du<br />

centre régulateur dont l'action porte surtout<br />

sur l'affectivité et le contrôle de la psychomotricité.<br />

On comprendra combien nous n'avançons<br />

toutes ces explications qu'avec une extrême<br />

prudence.<br />

— 170 —<br />

— 171 —

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!