DAP_RA_1955.pdf (10,0 MB) - Criminocorpus
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ANNEXE II<br />
LA RÉÉDUCATION<br />
DES DÉLINQUANTS RÉCIDIVISTES<br />
ANNEXE II<br />
T.A RÉÉDUCATION<br />
DES DÉLINQUANTS RÉCIDIVISTES<br />
de cinq ou six, soit pour leur faire<br />
visiter la ville et ses monuments, soit<br />
pour leur permettre d'assister à des<br />
réunions sportives, soit pour les mêler<br />
à des événements extérieurs qui<br />
intéressent la foule, soit encore pour<br />
leur présenter des films judicieusement<br />
choisis.<br />
Son but était de leur montrer qu'ils<br />
sont encore capables de se comporter<br />
comme la moyenne des honnêtes gens<br />
de la ville et de porter intérêt aux<br />
mêmes spectacles, de leur faire vivre<br />
pendant quelques heures les émotions<br />
de la population libre, de les arracher<br />
ainsi à ce retranchement carcéral où<br />
ils se complaisent, de leur apprendre<br />
quand ils sont en liberté à ne pas<br />
continuer à se croire des prisonniers.<br />
Le Dr Giscard tenait également à<br />
leur prouver qu'il est possible de se<br />
reposer dans un café, de s'y désaltérer<br />
en regardant le spectacle de la<br />
rue, de rechercher une détente agréable,<br />
sans avoir recours aux excitations<br />
euphoriques de l'alcool.<br />
N'y a-t-il là qu'utopie ? Nous ne<br />
croyons pas. Sans doute cette méthode<br />
n'est pas utilisable avec tous les multi-réeidivistes<br />
; mais elle peut convenir<br />
à des sujets abouliques, facilement<br />
impressionnables, retenus dans leur<br />
mentalité de relégués par l'ambiance<br />
de la prison, refoulés généralement<br />
depuis leur enfance dans une situation<br />
d'infériorité par le mépris qu'ils<br />
inspirent, la suspicion du personnel<br />
pénitentiaire, par tout un concert de<br />
comportement humain qui les a habitués<br />
à croire qu'ils étaient différents<br />
des autres et les a conduits effectivement<br />
à devenir des étrangers par<br />
leurs mœurs, leurs préoccupations,<br />
leur insouciance, leur manque d'intérêt<br />
pour l'avenir.<br />
Or, les asociaux de la prison-asile<br />
recèlent une large proportion de<br />
sujets de cette sorte.<br />
Sans doute, faudrait-il également<br />
pouvoir continuer à les suivre individuellement<br />
au delà de leur élargissement<br />
conditionnel, doubler chacun<br />
d'une sorte de mentor, les enchaîner<br />
à un tuteur comme une tige fragile.<br />
Ce sont là des préoccupations que<br />
nous retrouverons plus loin quand<br />
nous parlerons de la méthode de reclassement.<br />
On ne peut pas parler vraiment de<br />
succès obtenus par le Dr Giscard, en<br />
ce sens qu'il est difficile d'apprécier<br />
en quelle mesure cette psychothérapie<br />
du rapprochement a contribué à<br />
l'amélioration de divers éléments et<br />
à leur bonne tenue en semi-liberté,<br />
puis en liberté conditionnelle. Par<br />
contre, il est possible de noter l'apparition<br />
chez la plupart des intéressés<br />
d'un climat de confiance fondé sur<br />
une reconnaissance non feinte. Ces<br />
êtres ne sont pas insensibles à l'intérêt<br />
qu'autrui leur porte; tout à la<br />
fois il espèrent en tirer quelque profit,<br />
mais aussi ils sont flattés, touchés<br />
à des degrés variables selon les individus.<br />
Un tel travail ne peut s'accomplir<br />
que si l'atmosphère de l'établissement<br />
ne vient pas contredire la leçon de<br />
rééducation. Tout dépend alors de<br />
l'attitude du personnel, et notam-<br />
ment du directeur, et également du<br />
mode de vie imposé aux sujets. A la<br />
prison-asile Pélissier de Clermont-<br />
Ferrand, mis à part les quelques premiers<br />
mois de séjour où les intéressés<br />
sont d'abord étudiés, les relégués ne<br />
demeurent à l'intérieur des murs que<br />
si leur comportement à l'extérieur<br />
leur a valu le retrait de la semi-liberté.<br />
Encore ce retrait est-il provisoire ;<br />
inlassablement l'assistante leur cherche<br />
de nouveaux emplois dans la ville,<br />
inlassablement la Commission procède<br />
à de nouvelles tentatives, les sujets<br />
ne réintégrant l'établissement que<br />
pour y passer la nuit et les jours fériés.<br />
Chacun d'eux sait donc qu'il a<br />
en main la clé de sa prison, qu'il ne<br />
tient qu'à lui de travailler dehors et<br />
quelques mois plus tard de recouvrer<br />
une liberté totale puisqu'une année<br />
environ de bon comportement en semi-liberté<br />
leur vaut la libération conditionnelle<br />
sous réserve de demeurer<br />
dans la ville, chez l'employeur où ils<br />
se sont fixés et sous le contrôle de la<br />
Commission.<br />
Quelques dizaines de sujets ont pu<br />
ainsi gagner la liberté et s'y maintenir.<br />
Résultat faible, mais il s'agit<br />
d'épaves ayant précédemment échoué<br />
dans les tentatives de reclassement<br />
des centres de triage dont nous parlerons<br />
tout à l'heure.<br />
La contre-partie de l'expérience réside<br />
dans le grand pourcentage des<br />
évasions en semi-liberté. La plupart<br />
relèvent plutôt de fugues, découchages,<br />
bordées, et les évadés, sont<br />
toujours repris à brève échéance. On<br />
les envoie alors en maison centrale<br />
ordinaire faire un stage de un à trois<br />
ans, selon la gravité de la faute. Peu<br />
d'entre eux sont repris après un nouveau<br />
délit, en sorte qu'il serait<br />
inexact de prétendre que la tranquillité<br />
des populations libres est troublée<br />
par la présence de ces multi-récidivistes.<br />
L'Administration ne prétend pas<br />
avoir tiré de cette expérience tous les<br />
enseignements qu'elle comporte. On<br />
n'en est encore qu'aux tâtonnements,<br />
mais il semble que la voie soit valable.<br />
V. — Parallèlement au traitement<br />
médical et au traitement psychologiqiie<br />
du récidivisme, divers essais<br />
ont été faits en France en matière de<br />
traitement social.<br />
Une première forme paraît résider<br />
dans l'enseignement aux multi-récidivistes<br />
d'un métier correspondant à<br />
leurs capacités personnelles et susceptibles<br />
de leur permettre de gagner<br />
leur vie.<br />
Le pourcentage des relégués ayant<br />
de véritables connaissances professionnelles<br />
est en effet assez faible (1<strong>10</strong><br />
sur 432 examinés au Centre de Loos,<br />
d'avril 1948 à décembre 1952, soit<br />
25 % environ).<br />
Certes, ils se disent tous maçon ou<br />
cuisinier, etc, mais c'est fréquemment<br />
pour obtenir leur classement dans des<br />
postes de la prison qu'ils jugent profitables.<br />
En fait, la plupart ne connaît<br />
que le métier pénitentiaire pratiqué<br />
dans les maisons centrales où<br />
ils ont purgé leur peine, par exemple<br />
celui de tailleur.<br />
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