DAP_RA_1955.pdf (10,0 MB) - Criminocorpus
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ANNEXE II<br />
LA RÉÉDUCATION<br />
DES DÉLINQUANTS RÉCIDIVISTES<br />
ANNEXE II<br />
LA RÉÉDUCATION<br />
DES DÉLINQUANTS RÉCIDIVISTES<br />
La raison en est dans l'existence<br />
mouvementée qu'ils ont connue et<br />
dans le défaut de fixation qui en est<br />
résulté aussi bien dans le domaine<br />
professionnel que social ou familial.<br />
Il est des cas où la délinquance a été<br />
tardive, mais très souvent ils ont commis<br />
leurs premiers délits dès l'enfance<br />
et ont comparu devant les tribunaux<br />
de mineurs avant d'être des clients<br />
fidèles des juridictions répressives ordinaires.<br />
L'examen de leur dossier met en<br />
évidence quelqu'essai infructueux<br />
d'apprentissage vers l'âge de quatorze<br />
ans, quand il s'agit de délinquants<br />
d'origine urbaine et provenant<br />
d'un milieu familial normal.<br />
Dans tous les autres cas (milieu rural<br />
ou milieu urbain dissocié) le sujet<br />
n'a jamais été qu'ouvrier agricole ou<br />
manœuvre. Par la suite, au hasard<br />
des circonstances, il a loué ses bras<br />
pour les travaux les plus hétéroclites,<br />
sans jamais s'élever au delà des tâches<br />
les plus ordinaires. Certains<br />
même n'ont jamais travaillé, vivant<br />
de rapines et de duperies diverses ou<br />
de la prostitution d'autrui.<br />
Cependant, contrairement à ce<br />
qu'on pourrait croire, la plupart des<br />
relégués ne sont pas des paresseux.<br />
Bien encadrés dans les ateliers pénitentiaires,<br />
leur production n'est en<br />
rien inférieure à celle de l'ensemble<br />
des détenus et parfois même comparable<br />
à celle des .ouvriers libres. On<br />
en voit, en cellule, atteints d'une<br />
véritable frénésie d'activité, qui pendant<br />
l'été, se jettent littéralement<br />
sur le travail dès les premières lueurs<br />
du jour, et jusqu'à l'obscurité de la<br />
nuit. Il est vrai qu'à ces accès font<br />
parfois suite des périodes de dépression<br />
et de dégoût de tout effort ; mais<br />
ce n'est pas toujours la règle et<br />
d'une façon générale on peut créditer<br />
les multi-récidivistes, en ce qui<br />
concerne le travail de qualités convenables<br />
et de possibilités satisfaisantes.<br />
Il n'est pas venu à l'esprit, tout<br />
d'abord, d'essayer de leur apprendre<br />
un métier par les moyens modernes<br />
de l'apprentissage accéléré. Il semblait<br />
qu'ils avaient dépassé l'âge où<br />
cet enseignement est concevable et<br />
qu'au surplus ils ne possédaient pas<br />
ce minimum de culture générale<br />
auquel les moniteurs doivent faire<br />
appel dans les cours techniques préparant<br />
les heures d'atelier.<br />
Mais l'extension du chômage à<br />
partir de 1953, et corrélativement la<br />
difficulté de faire accepter sur le<br />
marché du travail des manœuvres<br />
non spécialisés, ont conduit l'Administration<br />
à tenter à Saint-Martinde-Ré<br />
d'abord, puis plus tard au<br />
Centre pénitentiaire de Mauzac, la<br />
création de cours d'apprentissage<br />
destinés aux relégués. Il arrive même<br />
que des employeurs des villes où un<br />
assez grand nombre de relégués sont<br />
remis dans le circuit normal par le<br />
canal des centres de triage, subordonnent<br />
l'acceptation de deux ou<br />
trois manœuvres à l'embauche d'un<br />
ouvrier qualifié. Ce sont alors ces<br />
centres qui ont demandé avec insistance<br />
à l'Administration d'essayer<br />
d'apprendre Tin métier aux relégués<br />
dans les grands établissements de<br />
Saint-Martin-de-Ré et de Mauzac où<br />
les intéressés demeurent la majeure<br />
partie du délai de trois ans à l'expiration<br />
duquel la libération conditionnelle<br />
devient possible (1).<br />
Le nombre des apprentis formés<br />
jusqu'ici est évidemment insignifiant<br />
par rapport aux quelques 1.600 relégués<br />
détenus dans les établissements<br />
français. Mais ce n'est là qu'une première<br />
expérience et les bons résultats<br />
obtenus permettent d'envisager une<br />
extension assez large de la méthode.<br />
Il est vraisemblable que d'ici quelques<br />
années tous les relégués susceptibles<br />
de suivre une formation professionnelle<br />
accélérée ne seront élargis<br />
conditionnellement qu'une fois<br />
acquis le diplôme correspondant. Ce<br />
sera tout à la fois un moyen de les<br />
aider à se reclasser dans la vie libre<br />
et également un moyen de raviver<br />
leur énergie en prison puisque leur<br />
libération sera subordonnée à leur<br />
succès.<br />
Le choix des métiers enseignés doit<br />
tenir compte cependant davantage<br />
encore des possibilités de placement<br />
à l'extérieur que des aptitudes des<br />
sujets, ce qui complique un peu le<br />
système. Il ne servirait à rien de former<br />
actuellement des tailleurs, des<br />
cordonniers ou des menuisiers, alors<br />
que le chômage sévit dans ces branches<br />
et que l'on trouve une embauche<br />
facile pour des maçons, des plâtriers,<br />
des ferrailleurs. Cela implique<br />
(1) Sur le sort pénitentiaire des relégués en<br />
France et l'organisation générale du système<br />
à leur égard, voir dans la fievue Pénitentiaire<br />
également la rééducation professionnelle<br />
de ceux qui avaient certaines<br />
connaissances d'un métier actuellement<br />
sans débouchés, problème qui<br />
n'est pas particulier à l'Administration<br />
pénitentiaire mais qui constitue<br />
l'un des soucis généraux des services<br />
de la main-d'œuvre au Ministère du<br />
Travail.<br />
Il y aura toujours, enfin, tous ceux<br />
qui sont fermés à un apprentissage<br />
professionnel et ceux-là paraissent<br />
être la majorité. Quand leur inaptitude<br />
est liée à une insuffisance d'instruction<br />
scolaire on peut à la rigueur<br />
y porter remède, encore qu'il est<br />
certainement plus facile de demander<br />
à un adulte de trente ans ou plus<br />
un effort manuel, qu'un effort intellectuel.<br />
Mais quand l'inaptitude est<br />
fonction de l'âge, ou de l'état de<br />
santé ou du psychisme, ou -de la<br />
maladresse ou d'une paresse généralisée,<br />
on ne voit guère de remède. Or,<br />
une large fraction de relégués sont<br />
à quelqu'égard des déchets. Il ne<br />
faut donc pas espérer qu'on pourra<br />
un jour systématiquement subordonner<br />
à l'apprentissage d'un métier<br />
valable le retour des multi-récidivistes<br />
dans la vie libre.<br />
VI. — Parmi les causes du récidivisme<br />
d'habitude, il en est une qui<br />
nous paraît dépasser largement en<br />
importance toutes les autres; nous<br />
voulons parler de l'instabilité. Celleci<br />
est parfois innée, plus souvent<br />
et de Droit Pénal (1955, p. 45) l'étude de M.<br />
GERMAIN « Le traitement des récidivistes en.<br />
France ».<br />
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