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Les souffrances des femmes étaient plus aigües. El<strong>le</strong>s<br />
étaient la « chose » des tortionnaires. Si <strong>le</strong>s hommes passaient<br />
pour « fils de p… », <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s « el<strong>le</strong>s » risquaient à tout<br />
moment de <strong>le</strong> devenir. Quelques femmes étaient enceintes.<br />
Un atout supplémentaire pour mieux <strong>le</strong>s intimider. Dans<br />
ses confidences parues dans un livre romancé, Fatna El<br />
Bouih, invitée au Derb, se livre à un exercice à la limite de<br />
l’exorcisme de rancœurs. Pas faci<strong>le</strong> d’être une femme…,<br />
de surcroît détenue par <strong>le</strong>s pires des goujats.<br />
Souvent, <strong>le</strong>s cellu<strong>le</strong>s débordaient de détenus. Nonobstant,<br />
on traitait <strong>le</strong>s dossiers cas par cas. Chacun avait sa ration de<br />
torture. La machine devait tourner à p<strong>le</strong>in régime. El<strong>le</strong> ne<br />
pouvait admettre de répit. Le principe était simp<strong>le</strong>. Il fallait<br />
donner des noms. Les noms donnaient d’autres noms. Au<br />
final, on ne libérait que <strong>le</strong>s cadres, <strong>le</strong>s plus connus. Les<br />
militants de base, eux, on <strong>le</strong>s retenait un peu plus. Quand<br />
<strong>le</strong>s charges n’existaient pas, on en inventait. Un travail de<br />
routine.<br />
à quoi ressemblait au juste <strong>le</strong> Derb ? Ce qui avait <strong>le</strong> plus<br />
marqué <strong>le</strong>s détenus, c’était tout particulièrement la disposition<br />
des cellu<strong>le</strong>s des deux côtés d’un long couloir lugubre.<br />
Une toute particulière, au fond, intriguait : la chambre noire.<br />
L’ensemb<strong>le</strong> était en permanence éclairé. Puis, il y avait ces<br />
marches, passage obligé pour al<strong>le</strong>r vers <strong>le</strong>s bureaux. On <strong>le</strong>s<br />
montait avec <strong>le</strong> même état d’esprit que pour <strong>monte</strong>r sur<br />
l’échafaud. La rage au cœur.<br />
Selon plusieurs témoignages, si <strong>le</strong>s détenus avaient subi autant<br />
de cruauté, c’était parce qu’ils ne savaient quoi avouer,<br />
ou plutôt, il n’y avait rien à avouer « en raison des cloisonnements<br />
établis au sein de l’organisation, tant au niveau vertical<br />
qu’au niveau horizontal. Cloisonnements qui garantissaient<br />
<strong>le</strong> secret de toute structure clandestine… » (J. Mdidech, La<br />
Chambre noire, p. 77). Ceci, <strong>le</strong>s tortionnaires ne voulaient<br />
point l’admettre.<br />
Neuf personnes durent y laisser la vie, sûrement à cause<br />
du mauvais traitement. En sus de la torture tant physique<br />
que mora<strong>le</strong>, la nourriture était infecte. On se nourrissait<br />
exclusivement de bouillons d’un semblant de légumes, de<br />
<strong>le</strong>ntil<strong>le</strong>s, de pâtes…<br />
Derb Moulay Cherif interieur entrée<br />
Cellu<strong>le</strong>s-type à Derb Moulay Cherif<br />
Derb Moulay Cherif. Entrée arrière