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L’Enfermement, <strong>le</strong> Partage Lieux et mémoire<br />
91<br />
Porte extérieure des<br />
cellu<strong>le</strong>s au deuxième<br />
pavillon de la même<br />
Prison<br />
Porte d'entrée aux cellu<strong>le</strong>s<br />
du deuxième pavillon à la<br />
Prison d'Agdz<br />
Le lieu avait gagné ses « titres de nob<strong>le</strong>sse » grâce à la combinaison<br />
de plusieurs facteurs. Parmi <strong>le</strong>squels, celui qui avait<br />
trait au comportement des cerbères est sûrement <strong>le</strong> plus<br />
impressionnant. Ces derniers ont excellé en matière de zè<strong>le</strong>.<br />
Ils s’adonnaient à des séances presque quotidiennes de<br />
bastonnades, et s’y mettaient de gaieté de cœur. Les doses<br />
étaient plus fortes <strong>le</strong>s jours de fêtes religieuses, surtout <strong>le</strong><br />
jour du sacrifice. On tapait plus fort. Or, battre un prisonnier<br />
en présence de ses codétenus est une chose, battre une<br />
femme devant son mari et ses enfants, ou pire, un enfant<br />
en présence de ses parents, en est une autre. Et on ne peut<br />
s’empêcher de se demander pourquoi un tel acharnement.<br />
Les ordres ? Sûrement pas. De l’avis de quelques rescapés,<br />
<strong>le</strong>s geôliers, des incultes originaires de régions reculées,<br />
étaient persuadés que <strong>le</strong>s prisonniers étaient <strong>le</strong>urs propres<br />
ennemis, des gens qui, parce qu’originaires des vil<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s<br />
méprisaient et <strong>le</strong>ur refusaient <strong>le</strong> droit à la fonction publique.<br />
On <strong>le</strong>ur avait aussi dit que <strong>le</strong>s prisonniers avaient attenté à la<br />
vie du roi ! Est-ce convainquant comme explication ?<br />
Un signe attestant du sadisme des geôliers mérite d’être<br />
souligné : derrière une grande fenêtre, un rou<strong>le</strong>au de tissu<br />
blanc destiné à servir de linceuls, était en permanence<br />
exposé aux vues des détenus. Mais, ce qui intriguait <strong>le</strong><br />
plus, c’était que de ce tas de tissus, on n’utilisait qu’un seul<br />
coupon, tout juste ce qui devait servir à envelopper un seul<br />
corps. Après chaque décès, on ramenait un nouveau rou<strong>le</strong>au<br />
qu’on prenait malicieusement <strong>le</strong> soin d’exposer.