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320 Tazmamart<br />
L’Enfermement, <strong>le</strong> Partage Lieux et mémoire<br />
تازمامارت<br />
321<br />
Ce fut quoi au juste Tazmamart ? Laissons de côté <strong>le</strong>s<br />
annexes (bureau du directeur, cuisine, locaux destinés<br />
au logement des gardiens, <strong>le</strong> mur d’enceinte de<br />
six mètres…). Tazmamart ce fut essentiel<strong>le</strong>ment deux<br />
blocs, d’une laideur extrême, de l’extérieur comme de<br />
l’intérieur : d’une cinquantaine de mètres de longueur,<br />
l’un dans <strong>le</strong> prolongement de l’autre. Les deux bâtiments<br />
devaient faire dix mètres de largeur et quatre de hauteur.<br />
à quoi ressemblait la vie à l’intérieur de ce bout d’enfer ?<br />
Nous ne manquons pas de témoignages détaillés. Donnons<br />
la paro<strong>le</strong> aux prisonniers eux-mêmes. Leurs récits<br />
concordent et se complètent, d’autant qu’ils sont d’une<br />
lucidité limpide.<br />
Les cellu<strong>le</strong>s ? « El<strong>le</strong>s étaient toutes de tail<strong>le</strong> identique, faisant<br />
approximativement trois mètres de longueur sur deux mètres<br />
et demi de largeur. Le plafond était à environ quatre mètres du<br />
sol. Sur <strong>le</strong> mur opposé à la porte de la cellu<strong>le</strong>, c’est-à-dire sur<br />
une longueur de 2,5 mètres, avait été coulée une grande dal<strong>le</strong><br />
de ciment haute et large d’un mètre. C’est dans ce volume<br />
dur et froid que nous allions passer plus de 6550 nuits »<br />
(M. Marzouki, Tazmamart. Cellu<strong>le</strong> 10, p. 67).<br />
Les meub<strong>le</strong>s : « Le mobilier de la cellu<strong>le</strong> ni spartiate ni rudimentaire,<br />
était réduit à sa plus simp<strong>le</strong> expression. Une assiette,<br />
une carafe et un broc d’eau, d’une contenance de cinq<br />
litres… » (M. Marzouki, Tazmamart. Cellu<strong>le</strong> 10. 2001, p. 68).<br />
Santé, hygiène et maladie ? Chaque cellu<strong>le</strong> était lotie<br />
d’un coin toi<strong>le</strong>tte, juste un trou d’évacuation : « Deux<br />
pose-pieds avaient été coulés dans <strong>le</strong> sol de chaque côté<br />
de ce trou, qui s’avéra rapidement beaucoup trop petit avec<br />
<strong>le</strong>s inconvénients qu’on peut imaginer… » (Marzouki,<br />
Tazmamart. Cellu<strong>le</strong> 10, p. 67-68). La vétusté du lieu conjuguée<br />
à d’autres facteurs (cloisonnement, mauvaise nourriture,<br />
absence de soins et de médicaments…) avaient<br />
fini par user <strong>le</strong>s détenus, physiquement et menta<strong>le</strong>ment :<br />
infections intestina<strong>le</strong>s, atteintes oculaires, conjonctivite,<br />
rhumatismes… Que dire des carries et autres maux provoquant<br />
des dou<strong>le</strong>urs insupportab<strong>le</strong>s…<br />
Côté nourriture :« Le régime carcéral se limitait à un pain<br />
rond d’un demi kilo par jour et par tête. Un semblant de<br />
café noir au petit déjeuner. à midi c’était invariab<strong>le</strong>ment<br />
des <strong>le</strong>ntil<strong>le</strong>s, du riz, des haricots secs, une purée de fèves ou<br />
quelques grains (entre dix et vingt selon <strong>le</strong> hasard) de pois<br />
Tazmamart. Tuyauterie<br />
Tazmamart. Vue panoramique<br />
chiche. Le soir : pâtes alimentaires ou soupe. Ces ingrédients<br />
étaient cuits dans de l’eau et <strong>le</strong>s rations étaient toujours<br />
insuffisantes pour nourrir un enfant. Puis, une fois par mois<br />
ou tous <strong>le</strong>s trois mois, <strong>le</strong>s prisonniers avaient droit à quelques<br />
grammes de viande de charogne avec des légumes qui avaient<br />
perdu <strong>le</strong>ur goût. Juste un débris d’os la plupart du temps »<br />
(A. Serhan, p. 49).<br />
Le froid et la cha<strong>le</strong>ur ? La région toute entière est réputée<br />
pour ses hivers humides, <strong>le</strong> thermomètre descend souvent<br />
au plus bas du tube, et aussi pour ses étés torrides « comme<br />
au fond d’une cuvette de feu ».<br />
à Tazmamart, nul<strong>le</strong> séance de torture physique, de bastonnade…<br />
On ne bat pas un militaire, hchouma. La bassesse<br />
a des limites. Les officiers de Sa majesté, même<br />
déchus, avaient droit au grand respect.<br />
Enfin, évoquons <strong>le</strong> cimetière, situé juste en face des deux<br />
bâtiments. Les tombes sont disposées méthodiquement<br />
<strong>le</strong> long du mur. Chacune porte <strong>le</strong> numéro du défunt.<br />
Tazmamart... ou ce qui en reste