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شهادات 332 Témoignages L’Enfermement, le Partage Lieux et mémoire 333 Le Centre Culturel de Derb Moulay Cherif Seize ans de prison pour un rêve « J’ai maintenu ma vie ». « J’emprunte ces mots à ce poète grec, mon frère en humanité, Seferis. Je l’ai connu en prison, ce poète grec, grâce à mes compagnons Rojo et Mostapha. Sa poésie, en fait cet unique poème, récité par une belle voix française (Yves Montand, peut-être ?), a contribué à ce que je puisse maintenir ma vie. J’ai maintenu ma vie, moi, citoyen marocain épris de justice et de liberté, de démocratie, de poésie et de vie. J’ai maintenu ma vie pour laisser mon témoignage sur ce Centre de sinistre nom : DERB MOULAY CHERIF. Ce centre de détention illégale et clandestine, ce centre de torture, situé au Quartier Moulay Cherif, au cœur d’un grand quartier légendaire: Hay Mohammadi, familièrement et historiquement appelé quartier des Carrières Centrales à Casablanca. Ce centre érigé par les Français pendant le protectorat, à la fois commissariat et résidence des policiers, par où tant de nationalistes d’abord, puis tant de militantes et de militants, tant d’opposants, tant de prévenus de droit commun ou de simples citoyennes et citoyens sont passés, victimes d’une erreur, de l’injuste hasard, bref de la politique d’oppression systématique qui faisait office de politique tout court du système d’alors. J’ai maintenu vivace, l’éclat nourricier de ma haine face à la lâche abjection que symbolise ce lieu. J’ai maintenu, tendre et chaleureuse, cette sève farouche et indestructible de ma foi en l’avenir, mon espoir. J’ai maintenu ma vie, mon devoir d’espérance pour ériger la couleur pourpre de mes blessures, l’incarnat sanguin de ma fleur et des fleurs de tous les miens, à la mémoire des nôtres, disparus et suppliciés : ceux qui sont sûrement morts, ceux qui sont probablement morts et ceux qui ont survécu. J’ai maintenu ma vie pour témoigner de ce que les suppliciés de Derb Moulay Cherif faisaient pour maintenir en vie la flamme de la résistance face à la torture systématique de ce triste lieu. J’ai connu Derb Moulay Cherif comme mon premier cinéclub pour des cinéphiles particuliers qui portaient vingt quatre heures sur vingt quatre un bandeau sale sur les yeux, des menottes aux mains et servaient de lieu de pâturage pour des milliers de poux disparus eux aussi. Bba Settof m’a fait connaître Eisenstein et le landau du Cuirassé Potemkine dévalant les marches d’un monument russe. J’ai assisté bouleversé et impuissant à la mort d’Isadora Duncan, étouffée par son beau et long châle blanc qui s’enroulait d’un côté autour des roues de la belle décapotable tout en serrant jusqu’à la mort le beau cou de la danseuse américaine amie de la Révolution Russe. Dans l’Atelier de Broderie, j’ai appris à préparer le matériel : un bandeau lavé en cachette, du fil pris sur les bordures des couvertures étiques que l’on nous donnait et une allumette brûlée. Je ne pourrais pas vous dire comment on faisait, mais nous brodions !!! J’ai réussi à offrir à mon camarade Nour-eddine un petit rectangle de tissu à peu près blanc avec brodé au point de croix (!) ce beau vers de Fayrouz . Beaucoup de camarades ont développé des talents certains de conteurs muets. On voyait leurs doigts courant rapidement sur leur cuisse ou leur mollet. Ils recommençaient lorsque leur vis-à-vis répondait par un geste bref qu’il avait compris la phrase et qu’ils pouvaient continuer et finir l’histoire avant qu’un haj ne survienne. J’ai maintenu ma vie, grâce à la solidarité des camarades qui s’exprimait par des gestes simples : un bout de pain offert par un codétenu plus économe, une information qui pouvait éviter une nouvelle séance de torture, des discussions chaudes et qui s’interrompaient net lorsque les sentinelles (en fait des détenus placés dans des endroits stratégiques, face au couloir, à côté du bureau du chef…) signalaient l’arrivée d’un haj. Par une sorte d’humour pervers des responsables de ce centre sinistre, Derb Moulay Cherif est aussi un lieu de vie. Si au rez-de-chaussée et au sous-sol, les interrogatoires et la torture sont le seul métier exercé, dans les étages, des familles, hommes, femmes et enfants, vivent, s’aiment, se chamaillent, rient, gazouillent, pleurent, dorlotent, … » « C’est en 1965 que les premiers affrontements avec le pouvoir ont commencé, provoqués par la volonté de l’état de limiter le droit à l’enseignement. Pour tous, c’était un droit essentiel auquel il ne fallait pas toucher. Dans les écoles, les lycées, ce fut un véritable soulèvement. « Le 22 mars, nous avons décidé d’organiser une grève générale. Dès 10 heures du matin, les flics et les pompiers sont venus nous disperser. Alors, le 23, les ouvriers, les chômeurs nous ont rejoints. Casablanca nous appartenait. Un véritable mouvement populaire qui a été durement réprimé. J’ai vu les tanks avancer sur nous et j’ai vu tomber un jeune homme ensanglanté devant moi. Il se passait quelque chose que nous n’avions même pas soupçonné : nous avons compris que ce régime ne voulait pas de nous… C’est à ce moment-là, à partir de cette évidence que nous étions indésirables, que nous avons commencé à nous radicaliser. La gauche marocaine s’est structurée, acquérant au fil des grèves scolaires et universitaires une importance grandissante dans le pays. C’est l’époque où les tendances les plus radicales de notre mouvement se sont regroupées en deux organisations aux mêmes origines sociales, culturelles et théoriques : le « 23 Mars » et « Ilal amam » sont nées au plus fort de cette effervescence. Le pouvoir ne pouvait tolérer cela : dès 1972, les arrestations commencent, limitées régionalement d’abord, et source d’un grand élan de solidarité à travers tout le Maroc. J’ai été arrêté en 1974, alors que le régime commençait à s’intéresser sérieusement au Sahara. L’extrême gauche aussi, dans un rapport où elle revendiquait le droit à l’autodétermination des peuples du désert. Ce qui fut perçu immédiatement comme une manifestation antinationale. Ou plus encore, une question d’amour-propre… » Deux ombres en haut d’un escalier. Rachid en gravit lentement les marches. Il sait que cette nuit même, des ombres semblables ont encerclé la maison de l’un de ses camarades. Que dans tout le pays, à Kenitra, à Safi, à Marrakech, on est venu chercher des avocats, des ouvriers, des médecins et des professeurs. Il sait aussi que l’heure importe peu. Que dans les facultés, on est venu ramasser des professeurs en plein cours, devant les étudiants… « Tu nous suis de gré ou de force. Nous avons l’ordre de t’arrêter. » Juste le temps alors de laisser un message à un camarade de travail. Juste le temps de laisser une trace…» Mustapha Meftah
ي ف ف مش ات ف ف ي خ ي ي رش ي ن ي 334 شهادات Témoignages L’Enfermement, le Partage Lieux et mémoire 335 d’une autre. Les murs au gris sale et les portes des cellules m’ont fait immédiatement penser aux fameuses oubliettes des châteaux du Moyen-âge. Le «Groupe Bnouhachem» Neuf ans de disparition forcée Le «Derb» citadelle de torture « Au fur et à mesure que je reprenais conscience, que je retrouvais mes sens et que je ressentais de nouveau l’existence de mes membres, le lendemain matin (du jour de torture) – le tintamarre de la distribution de la « soupe » aidant – je fus horrifié par la laideur des lieux, que j’arrivais à peine à entrevoir de l’étroite fente du bandeau crasseux qu’on m’avait soigneusement serré sur les yeux. J’étais niché au fond d’un couloir lugubre. Étendu sur une couverture sentant le moisi, à même le sol, et recouverte Paradoxalement, alors que j’étais mis « à l’ombre » dans cette citadelle, le couloir ainsi que les cellules y étaient constamment éclairés par de puissantes lampes qui perpétuaient les séquences d’interrogatoires, de torture morale et perturbaient effroyablement notre sommeil. En retrouvant ainsi, petit à petit, mes esprits, les terribles séances de violence que j’avais subies revenaient à ma mémoire : langage abject visant ma dignité d’être humain (pé … fils de p…), coup de poings et de pieds venant de tous les côtés, alors que j’avais un bandeau noir sur les yeux et des menottes aux mains, application de la cigarette allumée sur le visage, et comme « bouquet » le supplice de « l’avion ». (…) un moyen pour « faire voyager » le détenu dans le monde horrible de la torture. » (pages 25-26). Extraits de « Voyage au-delà des nuits de plomb » de Nour-eddine Saoudi Voyage vers l’inconnu « (...) On me banda les yeux. Le bandeau exhalait une odeur pénible, mélange de fétidité et de moisissure qui me donna un avant-goût du lieu vers lequel on me conduisait. (...) On me fit gravir quatre ou cinq marches, puis une main me tapota le dos et une voix me somma d’attendre là, dans un coin, sans bouger : vraisemblablement un vestibule. Des bruits de pas. Des portes qui s’ouvraient, se fermaient. Entre le bandeau qui me voilait les yeux et les rebords du nez, j’entrevoyais une pâle lumière et des ombres se mouvant. Mais, je ne pouvais rien distinguer, absolument rien. Le monde autour de moi n’était que ténèbres et solitude. Adossé à ce mur, je me sentais affreusement seul et abandonné. » Jaouad Mdidech, La Chambre noire, pp. 45-46. « Le « Groupe Bnouhachem » est constitué de cinq rescapés des bagnes de détention secrète. Mohammed Errahoui, Abderrahmane Kounsi, Mohammed Nadrani, Moulay Driss Lahrizi et Abdennaceur Bnouhachem ont passé, sans être présentés devant un quelconque tribunal, près de neuf ans (du 12 avril 1976 au 31 décembre 1984) dans quatre lieux de détention secrète (Complexe à Rabat et les mouroirs d’Agdz, Kalâat Megouna et Skoura, sis dans la province d’Ouarzazate). Avant leur enlèvement, les cinq rescapés (quatre étudiants et un lycéen) étaient des militants de l’Organisation marxiste-léniniste Ilal Amam. À noter que Errahoui, Nadrani et Bnouhachem ont été jugés à perpétuité par contumace, lors du procès de Casablanca, de janvier 1977, alors qu’ils étaient tous les trois détenus au Complexe à Rabat. » ي ‏»البنات خ ‏)احلارجة عن القانون خ لكوا ي غ‏ خاضعة لإ دارة السجون التابعة لوزارة العدل(‏ ي ات ال‏ ق ّ ‏ُيِ‏ ض ي ىل أن اب ي ي فا توجد ن عقب اب أ مكنة مل يسبق ي ىل أن مسعت بوجودها،‏ رمع خ أا،‏ امك ي تب‏ ىلي الإ فراج ع‏ ات طخ هش برة ل اب أ ‏س هب ‏ا.‏ فاملركب ي البوليس اب اب لرط ‏)حيث أمضيت مب ‏عية رفا‏ ي منة الختطاف ن الذ‏ سيُ‏ دعون مب جموعة بنوهامس هش را(،‏ لك الطلبة اكنوا عىل عمل مب ‏ا يُطبخ به ي ارس ي حق من ىق يُل‏ به ي أقبيته.‏ لقد رت ‏اءت ي ىل قاعة التعذيب به ي ج مكز‏ من قاعة للجمباز بقضبان متواز ية ومعودية تعلق هب ‏ا الضحا‏ هج ة،‏ وماب زرة غاصة اب ‏حلبال ي ن والساكك‏ من خ متلف أ ال حاب ام والشاكل من هج ‏ة أخرى.‏ وقرص الگ الوي اب أ گدز ‏)حيث قضينا أز يد أ من أر بع سنوات(‏ اكنت صورته ات خ ن‏ البطاقات رب ال‏ يدية ي ات ال‏ يُبعث ىت ش‏ املناسبات.‏ وقلعة مگونة ي ات ‏)ال‏ أمضينا هب ‏ا أز يد من هب ا هكدا‏ ي ثالث سنوات(،‏ هت اشرت مب ‏ومس الورود الذي حت ‏تضنه سنو‏ اب عتبارها عامصة هلا.‏ لقد رت ‏اءت ي ىل ات هان البنايتان املبنيتان اب ي ن لط‏ كق‏ كب‏ ن أصاب ساكن أگدز بتسمية إحدامها ب»احلد«،‏ أي خ الاية،‏ ي وه تسمية صاحلة لتطلق اب ‏ملثل عىل قرص الگ الوي بقلعة مگونة.‏ نفس أ المر اب خ ‏صوص بناية اث ‏لثة توجد ي ن بع‏ ي إقل‏ ورزازات،‏ حت وديدا بسكورة،‏ وإن اكنت نسبيا مج أل ومزدانة حب ‏ديقة داخلية مزهرة شج أسار الليمون ي فا.‏ لكن هذا احللج مال أ ال كيد يتوارى،‏ أ واكن احللج مال ل يصمد أمام نقيضه وينسحب حال حضور ضده ! » رب ي ُ ز جّ‏ ي ن ، ي ، خ ‏و 16 ممد الرحوي م خ تطف سابق خالل زهاء تسع سنوات مص خ ن ماب موعة بنوهامس ي وما من ي
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