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أگدز<br />

74 Agdz<br />

L’Enfermement, <strong>le</strong> Partage Lieux et mémoire<br />

75<br />

Bel<strong>le</strong> demeure caïda<strong>le</strong>, bel<strong>le</strong> architecture, bel<strong>le</strong> façade…<br />

Voilà pour l’aspect extérieur. Jouxtant la route, la demeure<br />

impressionne par sa prétention pharaonique, d’autant que<br />

toutes <strong>le</strong>s maisons aux a<strong>le</strong>ntours laissent indifférent parce<br />

que petites et incapab<strong>le</strong>s de cacher la misère de ceux qui<br />

<strong>le</strong>s occupent. La folie des grandeurs des Glaoui ne pouvait<br />

se satisfaire de moins d’une citadel<strong>le</strong> à deux cours, de suites<br />

roya<strong>le</strong>ment meublées… La construction de la Kasbah avait<br />

duré plusieurs années, pour prendre fin en 1946. En vue<br />

de mener à terme cette édification, <strong>le</strong> caïd, par la force de<br />

coercition, avait réquisitionné hommes, femmes, bétails…<br />

c’est dire que pour <strong>le</strong>s habitants du village, <strong>le</strong> lieu rappel<strong>le</strong><br />

toute une période où ils étaient contraints de souffrir pour<br />

assouvir <strong>le</strong>s caprices de celui qui représentait <strong>le</strong> makhzen.<br />

Délaissée depuis la chute de la maison Glaoui, la kasbah<br />

d’Agdz ne pouvait échapper aux maux de la ruine. El<strong>le</strong> était<br />

tombée en désuétude, se réduisant, aux yeux des habitants<br />

de la région, à un symbo<strong>le</strong> de malédiction divine qui devait<br />

s’abattre sur quiconque se prend pour un jabbar (un<br />

despote).<br />

Il a fallu attendre 1976 pour que l’endroit reprenne du service,<br />

toujours à la solde du diab<strong>le</strong>. Les gens se souviennent<br />

que du jour au <strong>le</strong>ndemain, <strong>le</strong>s portes de la kasbah ont été<br />

ouvertes, qu’on y avait enfermé des gens, qu’on <strong>le</strong>s avait<br />

sommés eux de bien se tenir, qu’ils devaient coopérer<br />

parce qu’ils n’avaient pas <strong>le</strong> choix… On avait vite bien<br />

Route passant à côté de la<br />

Prison et qui la sépare du<br />

cimetière...<br />

compris : la kasbah était redevenue ce qu’el<strong>le</strong> fut, ce<br />

qu’el<strong>le</strong> devait être à l’origine : une prison pour ceux qui<br />

s’opposent au hakem. S’ensuivit dès lors une série de<br />

contraintes : interdiction de circu<strong>le</strong>r la nuit, de s’arrêter<br />

pour voir, de <strong>monte</strong>r sur <strong>le</strong>s terrasses… Et surtout, interdiction<br />

formel<strong>le</strong> de raconter… De temps à autre, on fermait<br />

la route, <strong>le</strong> temps de laisser passer un convoi, d’enterrer<br />

un mort… On était même arrivé, par l’usage de<br />

la dissuasion et l’intimidation intensive, à persuader <strong>le</strong>s<br />

gens que ceux qui « croupissaient » à l’intérieur, étaient<br />

des « sahraouis séparatistes», autrement dit, des « soushommes<br />

», des gens à qui on était en droit de faire subir<br />

tous <strong>le</strong>s torts imaginab<strong>le</strong>s… Le voisinage, pas forcément<br />

consentant, devint auxiliaire. Que d’individus, de <strong>le</strong>ur<br />

propre initiative, têtes baissées, sont allés rapporter tel<br />

ou tel incident, dénoncer un étranger de la vil<strong>le</strong>… Une<br />

consolation col<strong>le</strong>ctive : on n’avait nul<strong>le</strong> idée de ce qui se<br />

passait à l’intérieur. On imaginait bien des choses, mais<br />

de là à avoir des certitudes… On pensait sincèrement<br />

que <strong>le</strong>s prisonniers étaient exclusivement nourris de sel<br />

et de goudron, que <strong>le</strong>s diab<strong>le</strong>s tenaient compagnie aux<br />

détenus…

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