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L’Enfermement, <strong>le</strong> Partage Lieux et mémoire<br />
79<br />
La kasbah possède un accès unique, une grande porte à<br />
l’ancienne, sobre et taciturne. Cel<strong>le</strong>-ci franchie, on se trouve<br />
face à une cour moyenne, qui el<strong>le</strong>-même donne sur une<br />
deuxième cour, un peu plus large. Sur <strong>le</strong> flanc gauche de<br />
chacune, une fente sert de passage obligé vers un monde à<br />
part, vers des cellu<strong>le</strong>s sombres, étroites, tristes… Quelques<br />
unes sont tota<strong>le</strong>ment murées, l’obscurité y est quasi tota<strong>le</strong>, la<br />
lumière se faufi<strong>le</strong> à travers un minuscu<strong>le</strong> trou dans <strong>le</strong> mur. Ici,<br />
on enfermait <strong>le</strong>s gens pour qu’ils meurent doucement, mais<br />
sûrement, dans l’indifférence tota<strong>le</strong>. à titre de comparaison,<br />
en 10 ans de loyaux services, on comptait 36 morts à Kalâat<br />
Megouna, en 5 ans, ils furent 32 à Agdz. Parmi eux, deux<br />
ado<strong>le</strong>scents âgés de 16 ans. C’est dire à quel point <strong>le</strong>s<br />
conditions de détention étaient dures. La situation virait<br />
au cauchemar pendant la saison des pluies, <strong>le</strong>s toits étant<br />
en pisé.<br />
Alors que l’endroit était surveillé par des moukhaznis, même<br />
<strong>le</strong>urs supérieurs, de hauts fonctionnaires du ministère de<br />
l’Intérieur, n’étaient point informés de l’identité des internés.<br />
Et pourtant, en ces temps-là, <strong>le</strong>s cadres de « la mère des ministères<br />
» étaient réputés être au courant de tout. C’est dire<br />
la rigidité du système qu’avaient perfectionné <strong>le</strong>s services<br />
de la DST, une entité échappant à tout contrô<strong>le</strong>.<br />
Le groupe Bnouhachem fut transféré à Agdz pendant l’été<br />
1977. Ses membres durent, pendant de longues années,<br />
<strong>partage</strong>r la même cellu<strong>le</strong> avec cinq autres infortunés : trois<br />
ex-moukhaznis (Ahmed Hamichi, Moulay Lahsen Belkadi<br />
et Mouloud Raqi) qui étaient au service de la famil<strong>le</strong><br />
Oufkir, un sympathisant de l’UNFP (Lahbib Bellouk), et un<br />
cinquième qui, en dépit de toutes <strong>le</strong>s épreuves endurées<br />
en compagnie de ses codétenus, n’avait jamais daigné<br />
exhiber son identité, ni divulguer <strong>le</strong>s raisons pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s<br />
il se trouvait là. Un homme à part.<br />
Dans la foulée, on y avait transféré <strong>le</strong>s prisonniers embastillés<br />
à Tagounite depuis 1973, ceux-là mêmes qui avaient<br />
échappé aux pelotons d’exécution suite aux condamnations<br />
prononcées par <strong>le</strong> tribunal de Kénitra. Quelques autres<br />
« locataires » étaient impliqués dans diverses affaires<br />
« contre la sûreté de l’état », auxquels se sont ajoutés de<br />
malheureux étrangers.<br />
Cour de la Prison d'Agdz