292 courBiS, Le chemin vers la vérité et <strong>le</strong> pardon L’EnfErmEmEnt, LE PartagE Lieux et mémoire 293 La reconversion fut entreprise en 1973. La besogne n’eut point à durer longtemps. Et pour cause, la villa blanche servait de QG de la RAM. Impossib<strong>le</strong> de contrô<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s vaet-vient, trop exposé pour garantir <strong>le</strong> secret. Puis dans <strong>le</strong> jargon pénitencier de l’époque, <strong>le</strong> lieu était désigné par plusieurs « acronymes » : « <strong>le</strong> Dépôt », « Laya », et surtout « Courbis », appellation inspirée vraisemblab<strong>le</strong>ment par <strong>le</strong> mot dia<strong>le</strong>ctal « kourbiss », signifiant « gouffre » ou encore « dépotoir ». Les invités du lieu furent nombreux, femmes (moins de trente) et hommes : des militants de gauche d’obédiences idéologiques diverses (pour la plupart encore des étudiants), des syndicalistes originaires de plusieurs vil<strong>le</strong>s (parmi eux un certain Noubir El Amaoui à l’époque président du syndicat des inspecteurs de l’enseignement primaire), des gens de tribus reculées suspects, à tort ou à raison, mais plus à tort qu’à raison, d’avoir comploté contre <strong>le</strong> régime lors des événements de Moulay Bouazza (mars 1973), et aussi de simp<strong>le</strong>s citoyens pour qui <strong>le</strong> mot politique était aussi méconnu que des concepts tels <strong>le</strong> droit à la dignité humaine, au respect… Il y avait aussi quelques détenus étrangers, tous des ressortissants de pays arabes : Algériens, Libyens… Des témoignages évoquèrent la présence d’enfants. Parmi eux, un certain M’Barek Afekouh àgé de 14 ans lorsqu’il y fut interné, fin mars 1973, en compagnie de sept autres membres de sa famil<strong>le</strong>. Les détenus avaient à cohabiter dans des conditions de détention semblab<strong>le</strong>s à cel<strong>le</strong>s qui firent la réputation du Goulag, ou pire. De toute évidence, <strong>le</strong>s lots quotidiens de tortures physiques et d’humiliations psychologiques avaient fini par faire tisser entre <strong>le</strong>s détenus des liens de solidarité et d’amitié infaillib<strong>le</strong>s. De quoi re<strong>monte</strong>r <strong>le</strong> moral. Au Courbis, point de cellu<strong>le</strong>s, mais des hangars, cinq ou sept, d’environ 100 m 2 chacun (8m sur 12) où s’entassaient entre 100 à 200 personnes, voire plus. Fin octobre 1973, on y dénombrait pas moins de 1000 détenus (estimations de l’IER). Dès <strong>le</strong>s premiers instants, <strong>le</strong> nouveau venu savait à quoi s’attendre : « à l’instant, je fus saisi d’un frisson qui me parcourut tout <strong>le</strong> corps. L’aspect de ces détenus dépenaillés me coupa <strong>le</strong> souff<strong>le</strong>. Des scènes pénib<strong>le</strong>s à voir et qui me fendaient l’âme. Des centaines d’hommes de tout âge qui étaient là parqués <strong>le</strong>s uns à côté des autres depuis des mois, à moisir et à désespérer. à peine nourris et complètement coupés du monde extérieur, <strong>le</strong>ur visage portait <strong>le</strong>s stigmates d’une vie vio<strong>le</strong>nte et inhumaine. Leurs corps qui croupissaient à l’ombre se consumaient petit à petit comme une flamme de bougie » (M. Lachkar, p. 163, voir note ci-contre). L’auteur de ces lignes, M’hamed Lachkar, militant communiste convaincu, savait au moins pourquoi il était là. Des centaines d’autres détenus eux, n’en avaient pas la moindre idée. On y arrivait mains menottées et yeux bandés, et on devait y rester ainsi durant <strong>le</strong> séjour forcé, souvent long. Toute tentative de sou<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> bandeau était sévèrement réprimée. Pour s’asseoir, et surtout pour dormir, il fallait déployer tout son génie pour trouver une position convenab<strong>le</strong>. La situation empirait quand au bout de quelques mois, <strong>le</strong>s geôliers manquaient de menottes. Ils ligotèrent <strong>le</strong>s détenus deux par deux. On peut imaginer <strong>le</strong> calvaire de chaque binôme, la nuit, quand il fallait changer de position… D’autant qu’en guise de lit, on avait droit à une seu<strong>le</strong> couverture délabrée. Au froid du sol, s’ajoutait celui, encore plus pénib<strong>le</strong>, de l’atmosphère. De nuit comme de jour, <strong>le</strong>s lumières étaient maintenues allumées. Al<strong>le</strong>z savoir pourquoi. Tout y était interdit. Pis. On n’avait pas <strong>le</strong> droit de se par<strong>le</strong>r. Il fallait déployer des stratagèmes, la nuit surtout, pour pouvoir tenir des discussions interrompues. La puanteur émanait de tous <strong>le</strong>s coins. Chaque baraque comptait trois toi<strong>le</strong>ttes turques. Même en conditions norma<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> lieu ne pouvait être qu’infecte. Pourtant, ce fut là précisément que <strong>le</strong>s détenus se sentaient <strong>le</strong> mieux. Ils pouvaient se par<strong>le</strong>r plus librement. Les plus futés s’y adonnaient à des activités physiques. Aussi longtemps qu’on y était, nul n’avait droit à plus d’eau qu’il n’en fallait pour se désaltérer. Pas de douche, ni même de séance de toi<strong>le</strong>tte de chat. Les détenus n’ont pu voir un seul morceau de savon pendant la durée de <strong>le</strong>ur incarcération. Le manque d’hygiène se ressentait encore plus chez <strong>le</strong>s femmes. La ga<strong>le</strong>, la toux, la tuberculose…, auxquel<strong>le</strong>s venaient s’ajouter <strong>le</strong>s ravages causés par <strong>le</strong>s insectes, surtout par <strong>le</strong>s puces et <strong>le</strong>s poux, qui rongeaient des femmes et des hommes démunis et ne comptant que sur <strong>le</strong>urs réserves biologiques. Encore fallait-il <strong>le</strong>s puiser du plus profond d’une âme meurtrie et aux abois. Plusieurs détenus souffraient de troub<strong>le</strong>s psychiques légers. Quelques uns avaient perdu complètement <strong>le</strong>urs facultés menta<strong>le</strong>s. S’agissant de la nourriture, el<strong>le</strong> était infecte. Le menu quotidien, y compris <strong>le</strong>s jours de fêtes religieuses, était <strong>le</strong> même : « … une baguette de pain par jour, un verre de thé <strong>le</strong> matin, une soupe ou bouillon de semou<strong>le</strong>, <strong>le</strong> même, à midi et <strong>le</strong> soir. Ça n’avait rien à voir avec ce qu’on nous servait à Derb Moulay Cherif. (…) Le menu ne variait qu’exceptionnel<strong>le</strong>ment. Rarement on avait droit à un petit morceau de viande, du chameau probab<strong>le</strong>ment vu sa dureté » (M. Lachkar, p. 171 et 172). Nul besoin d’expliquer que <strong>le</strong>s détenus perdaient du poids, devenaient de plus en plus faib<strong>le</strong>s… Au moins une vingtaine de personnes ne purent tenir longtemps. El<strong>le</strong>s succombèrent « la paix dans l’âme ». On ne sait où el<strong>le</strong>s furent enterrées. 1 - Titre d’un chapitre du livre de M’hamed Lachkar, Courbis : Mon chemin vers la vérité et <strong>le</strong> pardon, Témoignage, Rabat, Saad Warzazi Editions, 2010.
خ ي ي ات خ خ ي خ خ خ خ خ ي خ خ L’EnfErmEmEnt, LE PartagE Lieux et mémoire 295 الكوربيس اسم وافق مسماه ولفظ طابق معناه! يتداول امس »الكوربيس«، ي العامية املغربية، ات للدلل عىل املاكن الذي ي تجز فيه رش خ ص ما سواء تعلق أ المر اب خفر رش للرسطة أو مركز للدرك، وهو ما ي يل ي العامية املرصية س عىل »التخشيبة«. فكيف جرى توظيف هذا املاكن املعروف اب لكوربيس ليتوافق الدال واملدلول؟ أطلق امس الطيار اكزيس ،(Cazes( الذي ات طمت أ طاته سنة 1913 عىل الصخور الشاطئية ملدينة ي الصوة، عىل أول مطار أنسرش أ اب دينة الدار البيضاء، والذي انتقل امسه لحقا من اكمب اكزيس (Camp-Cazes( إىل مطار آنفا. ي وتغت وظائفه وأدواره ومساحته مع مرور الزمن. إذ ي سنة 1937 ي خ ب به مستودع ي كب استعمل لحقا من قبل القوات المريكية، رش إ خ إ خاهلا سنة 1942، فاستخدمته قوات احللفاء اب إن احلرب العاملية الثانية أ خ للتخز والصيانة. وبعد خ اية احلرب ات ولت إحدى ي بناته املعروفة ب »الفيال البيضاء« إىل مقر لفرع خ احلطوط احلاب وية الفرنسية اب ملغرب. ات ولت بعد ذلك، وابتداء من سنة 1956، إىل مقر عام للخطوط امللكية املغربية. وبعد أن أخذ مطار النوا ي الردة من مطار آنفا، الذي اب اوزته ي املعاي الدولية ي بناء املطارات، اتضح أن ات مقول عدم التفريط ي القد ي الثقافة الشعبية املغربية ي شلك مثل )احلاب ديد ليه جدة ي والباىل ل تفرط فيه)، اكنت خ حاة أثناء التفك ي ي مص املطار ي القد . أ لن ما صار ي نظر البعض ي غ مستجيب لملواصفات العاملية اكن ي نظر خ آخر رش أك مالءمة للقيام بوظائف جديدة، استدعاها السياق والظرفية، خاصة بعد أن ات ولت عنه أ النظار إىل اب وة أخرى. فدشنت سنة 1973 مليالد »الكوربيس« عندما ات ولت »الفيال البيضاء« اب ملطار ي القد إىل مركز اب ملستودعات خ لتخز البرسرش عوض قطع غيار أ الطاات. أو امك اب ع عن ذلك أحد خ املتجز ي خ السابق به، »انتقل من ماكن لإ صالح أ الطاات إىل إحلاق خ الرصر أ والعطاب اب لإ نسان.« رش ي ي ، املألوفة ماط
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