8 n°6 <strong>2010</strong>terrain <strong>de</strong> stationnement pour les noma<strong><strong>de</strong>s</strong>,évoque la nécessité d'assainir sa ville <strong>et</strong>dénonce la menace que <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments hétérogènesfont peser sur l'agglomération 13 . Si au 16 esiècle les populations craignaient que lesTsiganes soient porteurs <strong>de</strong> la peste, au 20esiècle on les suppose porteurs <strong>de</strong> troubles, <strong>et</strong>c'est le prétexte pour les refouler.Troubles possibles aussi dansl'ordonnancement <strong><strong>de</strong>s</strong> sites : au moment où legouvernement prône la protection <strong><strong>de</strong>s</strong> sites, <strong>de</strong> lanature ou <strong>de</strong> l'environnement, je pense qu'il fallaitavoir le courage <strong>de</strong> se manifester dans le sens d'unepolitique plus sévère à l'égard <strong>de</strong> ces noma<strong><strong>de</strong>s</strong> quenous trouvons, chez nous, trop sé<strong>de</strong>ntaires,commente le maire <strong>de</strong> Villelaure, dans leVaucluse, en prenant un arrêté qui limite àtrois jours le stationnement <strong><strong>de</strong>s</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong> surle territoire <strong>de</strong> sa commune, alors queplusieurs familles ont l' habitu<strong>de</strong> d'ystationner longuement <strong>de</strong>puis <strong><strong>de</strong>s</strong> dizainesd'années. Et les maires utilisent l'armeadministrative <strong>de</strong> rej<strong>et</strong> qui leur est fourniepar la réglementation <strong>de</strong> l'État relative austationnement <strong><strong>de</strong>s</strong> caravanes.Le rej<strong>et</strong> violentAu-<strong>de</strong>là du simple refus <strong><strong>de</strong>s</strong> Tsiganes<strong>et</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong>, il y a <strong>de</strong> la part <strong><strong>de</strong>s</strong> communesun passage à l'acte violent d'expulsion, quipeut aller jusqu'à l'usage d'armes. Lalégalisation en existait quelquefoisauparavant : en 1646, à Berne, uneordonnance est prise contre les Tsiganes <strong>et</strong>autres Hei<strong>de</strong>n, qui accor<strong>de</strong> à chacun le droitd'abattre <strong>et</strong> <strong>de</strong> liqui<strong>de</strong>r lui-même par bastonna<strong>de</strong> <strong>et</strong>par coup <strong>de</strong> feu ceux qui seraient considéréscomme suspects 14 . Sans oublier les primes<strong>de</strong> capture <strong>de</strong> certaines époques. C'est peutêtrepourquoi, <strong>de</strong> temps à autre, unsé<strong>de</strong>ntaire seul ou non part à la chasse aunoma<strong>de</strong>. A Saint-Gervais-du-Perron, dansl'Orne, le préf<strong>et</strong> ayant refusé lesdélibérations <strong>et</strong> l'arrêté du Conseil municipal13 La Renaissance d'Argenteuil, 9 septembre 1967.14 Cité par Karl Rin<strong>de</strong>rknecht, « Les Tsiganes enSuisse », in Tsiganes, noma<strong><strong>de</strong>s</strong> mystérieux, Ed. Mondo,1973, p. 128.pour interdire le stationnement, un conseillermunicipal est allé tirer <strong><strong>de</strong>s</strong> coups <strong>de</strong> fusil endirection <strong><strong>de</strong>s</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong> installés près <strong>de</strong> ladécharge publique, pour les faire partir.Je voudrais vous dire <strong>de</strong> la façon dont on estmené sur le voyage. Voici : il y a huit ans,ma mère était très mala<strong>de</strong>; ça se passait à B.,en Dordogne, lorsqu'un docteur lui arecommandé qu'il fallait lui arracherplusieurs <strong>de</strong>nts. Comme elle avait unemaladie assez grave, nous nous sommesarrêtés au Champ <strong>de</strong> Foire, mais hélas paspour longtemps. Dix minutes après, unfourgon <strong>de</strong> police. Ils sont intervenus pournous faire partir. Il a fallu qu'on se place àsept kilomètres <strong>de</strong> la ville. Alors, on estrevenu avec une seule voiture <strong>de</strong>vant le<strong>de</strong>ntiste <strong>et</strong>, comme elle avait fait un infarctusdu myocar<strong>de</strong>, nous l'avons accompagnée, moi<strong>et</strong> mes frères <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> mes cousins, pour lecas où elle se trouverait mal. Une mère, jecrois que c'est bien tout. Alors <strong>de</strong> nouveau lapolice se trouve à passer dans c<strong>et</strong>te rue. Ils ontcouru vers nous pour nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r nospapiers, avec <strong><strong>de</strong>s</strong> cris si féroces que lespersonnes qui passaient se sont arrêtées,croyant qu'on était peut-être <strong><strong>de</strong>s</strong> bandits. J'aieu très honte ; je leur ai dit qu'on allaitdonner nos papiers, mais qu'ils pouvaient êtrepolis. De la façon qu'ils ont fait alors, ilsnous ont brutalisés pour nous amener aucommissariat <strong>et</strong>, en entrant, le chef a <strong>de</strong>mandéce qui se passait. Ils nous ont dit : 'Icimaintenant vous êtes chez nous'. Alors ils sesont mis à trois ou quatre pour nous taper <strong>et</strong>ils nous ont fait faire une heure <strong>de</strong> cellule, àla place <strong>de</strong> s'occuper <strong>de</strong> notre mala<strong>de</strong>. Voilàcomment on est traité à la vue du mon<strong>de</strong>. 15Aujourd'hui, pour faire cent kilomètres, noussommes contrôlés trois fois : pièces d'i<strong>de</strong>ntité,fichier, ça nous tient trois heures jusqu'à cequ'ils aient terminé. On nous fouille même lescaravanes <strong>et</strong> les camions. On nous ouvre lesportes pour voir si on transporte <strong>de</strong> l'alcool[...]. Un jour le docteur nous avait interdit <strong>de</strong>partir avec les gosses mala<strong><strong>de</strong>s</strong>. Malgré l'accord15 Témoignage tsigane reproduit dans Etu<strong><strong>de</strong>s</strong> tsiganes,n° l, 1966, p. 9.
n°6 <strong>2010</strong> 9du propriétaire du terrain, les gar<strong><strong>de</strong>s</strong> nous ontchassés. On nous prend pour <strong><strong>de</strong>s</strong> Indiens,comme en Amérique en 1880 <strong>et</strong> quelques...On est chassés par les municipalités <strong>et</strong> lesgendarmes viennent à cinq-six avec <strong><strong>de</strong>s</strong>fourgons. Une <strong>de</strong>mi-journée à Belfort <strong>et</strong> onvient déjà avec <strong><strong>de</strong>s</strong> mitraill<strong>et</strong>tes. 16Des groupes importants enstationnement sont expulsés, par exemple àNoisy-le-Grand en 1965 (environ <strong>de</strong>ux centsfamilles chassées en novembre par lespoliciers aidés <strong>de</strong> chiens) <strong>et</strong> l'automnesuivant à Rosny-sous-Bois, quand plusieursmilliers <strong>de</strong> personnes trouvent au r<strong>et</strong>our <strong>de</strong>leur travail leur habitat, précaire maisentr<strong>et</strong>enu, rasé par <strong><strong>de</strong>s</strong> engins <strong>de</strong> chantier,avec tout ce qui se trouve à l'intérieur, <strong>et</strong> lesfemmes <strong>et</strong> les enfants assis au milieu <strong><strong>de</strong>s</strong>décombres. Une société immobilièreenvisageait <strong>de</strong> construire sur le terrain libéré,mais aucun délai n'avait été notifié auxoccupants. Dans une l<strong>et</strong>tre adressée auMouvement contre le Racisme,l'Antisémitisme <strong>et</strong> pour la Paix, le préf<strong>et</strong><strong>de</strong>meure laconique: J'ai l'honneur <strong>de</strong> vous fairesavoir que les mesures prises jusqu'à présentconcernant ce campement n'avaient pas pour butd'expulser les occupants mais d'en limiterl'extension 17 . Lors <strong>de</strong> ces actions, la cellulefamiliale est détruite, apparaissentl'alcoolisme, l'internement psychiatrique, leplacement sanitaire <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants, dûs auxmauvaises conditions <strong>de</strong> logement 18 .16 Témoignage d'un Tsigane qui voyage dans lesVosges, reproduit par Mon<strong>de</strong> gitan, n° 26, 1973, p. 5.17 De nombreux détails sont donnés dans la presse <strong>de</strong>l'époque, en raison <strong>de</strong> l'ampleur <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te expulsion.Voir aussi La Voix Mondiale Tzigane, n° 28, avril 1967,pp. 1-8. Les exemples étrangers sont <strong>de</strong> même nature<strong>et</strong> les attitu<strong><strong>de</strong>s</strong> i<strong>de</strong>ntiques, quel que soit le paysconsidéré; la fin reste la même bien que les moyensvarient selon les nations <strong>et</strong> les époques.18 On a l'exemple d'Avignon, avec le passage duquartier <strong>de</strong> La Balance vers la Cité du Soleil <strong>et</strong> Clarefond.Des détails sont donnés par Marie Cannizzo , D'oùviens-tu Gitan ?, mémoire pour le CAEI d'instituteur,1980 ; ou encore l'exemple <strong>de</strong> Grena<strong>de</strong>, lorsque dansles années soixante, <strong><strong>de</strong>s</strong> milliers <strong>de</strong> Tsiganes du SacroMonte furent « relogés » dans <strong><strong>de</strong>s</strong> baraquements <strong>de</strong>tôle ou <strong>de</strong> fibro-ciment, sous le soleil andalou : cf. J.-P. Liégeois, « Veillée gitane », Etu<strong><strong>de</strong>s</strong> Tsiganes , n° 3,1967 , pp. 10-24.Le rej<strong>et</strong> indirectAvec le simple rej<strong>et</strong> <strong>et</strong> la violence <strong><strong>de</strong>s</strong>expulsions, il y a une troisième façon <strong>de</strong>procé<strong>de</strong>r, <strong>de</strong> la part <strong><strong>de</strong>s</strong> autorités locales,pour se débarrasser <strong><strong>de</strong>s</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>et</strong>Tsiganes: c'est le rej<strong>et</strong> indirect, qui à l'acte <strong>de</strong>violence substitue <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions <strong>de</strong> séjourimpossibles. En une époque où, comme celaressort <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> textes réglementaires,l'humanisme se développe, c'est une manière<strong>de</strong> faire qui offre plusieurs avantages à celuiqui l'utilise.C'est la juxtaposition classique <strong>et</strong>symbolique <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux panneaux avec uneflèche indiquant la même direction, dont l'uncomporte l'inscription « TERRAIN réservéaux NOMADES », <strong>et</strong> l'autre « DÉPOTOIRMUNICIPAL ».C'est le détour par l'hygiène <strong>et</strong> lavaccination, qui en 1979 fait prendre aumaire <strong>de</strong> Charmes, dans les Vosges, l'arrêtésuivant : Chaque fois que les personnes visées àl'article 1er (sans domicile ni rési<strong>de</strong>nce fixe) seprésenteront dans la commune pour y camper ou ystationner, elles <strong>de</strong>vront justifier par un certificatdûment établi qu'elles ont subi les vaccinations <strong>et</strong>revaccinations obligatoires, à défaut <strong>de</strong> quoi elles<strong>de</strong>vront se soum<strong>et</strong>tre à une vaccination ourevaccination immédiate, ou bien quitter le territoire<strong>de</strong> la commune. Or les touristes <strong>et</strong> autrespersonnes <strong>de</strong> passage ne sont pas soumis àce contrôle. Pas plus qu'à Chartèves, dansl'Aisne, où existe la même disposition, <strong>et</strong>dans bien d'autres communes.C'est le terrain d'Argentan, entouréd'un mur plein <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mètres vingt <strong>de</strong> hautavec une seule ouverture exigüe, qui en faitun gh<strong>et</strong>to, ou le terrain <strong>de</strong> Villedomer(Indre-<strong>et</strong>-Loire) limité à <strong>de</strong>ux cent cinquantemètres carrés <strong>et</strong> à <strong>de</strong>ux voitures pourquarante-huit heures. A Monthiers <strong>et</strong> Bézule-Guéry(Aisne), Le stationnement <strong><strong>de</strong>s</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong>est autorisé, mais la commune ne possè<strong>de</strong> pas <strong>de</strong>terrain. Dans le même département, à Brécyle stationnement <strong><strong>de</strong>s</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong> est interdit sur tout l<strong>et</strong>erritoire <strong>de</strong> la commune. Pendant les travaux <strong>de</strong>
- Page 3 and 4: n°06 2010Rroms & Gens du Voyagee-m
- Page 5 and 6: n°6 2010 3collectivités locales,
- Page 7 and 8: n°6 2010 5DOSSIERRejets éternels
- Page 9: n°6 2010 7Le comte était de retou
- Page 13 and 14: n°6 2010 11En 1971, à Dung, dans
- Page 15 and 16: n°6 2010 13errants sans fortune. E
- Page 17 and 18: n°6 2010 15mais doivent leur perme
- Page 19 and 20: n°6 2010 17Les aires de réclusion
- Page 21 and 22: n°6 2010 19dans les rues du bourg
- Page 23 and 24: n°6 2010 21pour réglementer le st
- Page 25 and 26: n°6 2010 23périphériques 59 . La
- Page 27 and 28: n°6 2010 25Or que publie La Voix d
- Page 29 and 30: n°6 2010 27a) en raison de la cré
- Page 31 and 32: n°6 2010 29Se dire Manouche, Rom,
- Page 33 and 34: n°6 2010 31combinaison de processu
- Page 35 and 36: n°6 2010 33distingués et ont dét
- Page 37 and 38: n°6 2010 35situations et les éche
- Page 39 and 40: n°6 2010 37groupes Roms, Gitans et
- Page 41 and 42: n°6 2010 39Tableau n°1 : Comparai
- Page 43 and 44: n°6 2010 41de la pratique du voyag
- Page 45 and 46: n°6 2010 43pourquoi, elle ne peut
- Page 47 and 48: n°6 2010 45Liégeois, Jean-Pierre
- Page 49 and 50: n°6 2010 47surgit parmi nous, au c
- Page 51 and 52: n°6 2010 49à la grande transforma
- Page 53 and 54: n°6 2010 51ségrégations à l’i
- Page 55 and 56: n°6 2010 53« Docteurs, dit-il, no
- Page 57 and 58: n°6 2010 55Bourdieu, Pierre ; Cham
- Page 59 and 60: n°6 2010 57C'est au bout de quelqu
- Page 61 and 62:
n°6 2010 59financière fixe. L'enc
- Page 63 and 64:
n°6 2010 61séjour supérieure à
- Page 65 and 66:
n°6 2010 63Le choix et l'autonomie
- Page 67 and 68:
n°6 2010 65Les Missions Tsiganes I
- Page 69 and 70:
n°6 2010 67ont constitué une mém
- Page 71 and 72:
n°6 2010 69avec un franc succès.
- Page 73 and 74:
n°6 2010 71Les MTI sont en pratiqu
- Page 75 and 76:
n°6 2010 73Le pentecôtisme : nouv
- Page 77 and 78:
n°6 2010 75la Promotion et la Soli
- Page 79 and 80:
n°6 2010 77Actuellement se dévelo
- Page 81 and 82:
n°6 2010 79visibilité des populat
- Page 83 and 84:
n°6 2010 81source de remobilisatio
- Page 85 and 86:
n°6 2010 83VIE DU LABO« Mémoires
- Page 87 and 88:
n°6 2010 85hommes accueillis dans
- Page 89 and 90:
n°6 2010 87cier, contourner, et co
- Page 91 and 92:
n°6 2010 89aux droits affectant sp
- Page 93 and 94:
n°6 2010 91(+62% entre 2007 et 200
- Page 95 and 96:
n°6 2010 93jusqu’à l’ambassad
- Page 97 and 98:
n°6 2010 91travailleurs immigrés,
- Page 99 and 100:
n°6 2010 93résonance et de diffra
- Page 101 and 102:
n°6 2010 95Parvenus au Gabon, ces
- Page 103 and 104:
n°6 2010 97l’influence a certain
- Page 105 and 106:
n°6 2010 99quartier de Takadoum à
- Page 107 and 108:
n°6 2010 101en partance vers Istan
- Page 109:
n°6 2010 103sous des angles histor