60 n°6 <strong>2010</strong>importante <strong>de</strong> Voyageurs sur un mêmeespace, engendre <strong>de</strong> la « concurrencenégative » dans le sens où l'offre <strong>de</strong> maind'œuvre (qui est ici ponctuelle dans le cadredu nomadisme) reste beaucoup plus élevéeque la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, émanant <strong>de</strong> la populationlocale, en termes <strong>de</strong> services. Les airesd'accueil ont donc <strong>de</strong> réelles répercussionssur les schémas d'itinérance puisque qu'ellesdé-territorialisent une population déjàinscrite spatialement par leurs habitu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>circulation <strong>et</strong> par leurs réseaux socioéconomiques.Le voyage est un <strong><strong>de</strong>s</strong> élémentsfondateurs d'un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> lorsqu'il estremis en cause, c'est l'ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiquesadhérentes qui sont bouleversées. Lalégislation du stationnement se répercuteégalement sur les habitu<strong><strong>de</strong>s</strong> quotidiennes. Enparallèle à la création <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces d'accueil,<strong>de</strong> nombreuses recommandationsconcernant la santé ou encore lascolarisation sont mentionnées. Comme si,résoudre « le problème » <strong>de</strong> la circulationpouvait normaliser l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiquesquotidiennes liées au voyage. Lesconséquences <strong><strong>de</strong>s</strong> politiques publiquessuivent un schéma i<strong>de</strong>ntifiable. Le législateurest en quête d’une normalisation d’un mo<strong>de</strong><strong>de</strong> vie.Une législation est spécifiquementcréée pour maîtriser <strong>et</strong> réguler la circulation,pratique fondamentale d’un groupeminoritaire. Étant donné que l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong>activités connexes s’articulent autour dumouvement, c’est ce <strong>de</strong>rnier lui-même queles pouvoirs publics voudraient faire évoluer.Plusieurs logiques se m<strong>et</strong>tent en place.D'un côté celui <strong>de</strong> la territorialisation forcée,obligeant les familles <strong>et</strong> les Voyageurs àfréquenter <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux jamais ou presquejamais investis ; d'un autre côté, le manqued'espaces <strong>de</strong> stationnement les positionnedans une situation continuelle <strong>de</strong> quête d'unlieu <strong>de</strong> halte : le caractère organisé <strong>de</strong> lacirculation que peut conférer le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> viecirculant peut se transformer en errance.J'ajouterai ici, que c<strong>et</strong>te errance n'est passeulement géographique, elle est aussierrance sociale <strong>et</strong> économique puisque lesréseaux sont désorganisés : l’espace tsigane [...]c’est aussi <strong>et</strong> surtout, un lieu <strong>de</strong> vie, ouvert sur <strong><strong>de</strong>s</strong>pratiques sociales, économiques, relationnelles,maîtrisées par ceux qui les déploient. Ce lieu, c’estl’endroit où les membres d’une communauté ont leurshabitu<strong><strong>de</strong>s</strong>, là où ils ont tendance à se r<strong>et</strong>rouver(Reyniers, 2005 : 70). Concrètement,investir un nouveau lieu nécessite la création<strong>de</strong> liens sociaux nouveaux afin <strong>de</strong> pouvoirpoursuivre <strong><strong>de</strong>s</strong> activités économiquestraditionnelles. Celles-ci sont principalementaxées sur l’échange avec les Gadjé <strong>et</strong> mêmesi les Voyageurs semblent répondre à une<strong>de</strong>man<strong>de</strong> ponctuelle <strong>de</strong> services <strong>et</strong> <strong>de</strong>produits commerciaux, la fidélisation <strong>de</strong> laclientèle est récurrente.L'a-territorialité supposée, due à lacirculation régulière, incite les institutions àterritorialiser ces populations, considéréescomme sans attache, par la création <strong>de</strong> loisqui instaurent elles-mêmes <strong>de</strong> la fixité. Eneff<strong>et</strong>, la création <strong>de</strong> points <strong>de</strong> fixité instaured'une part <strong>de</strong> la fréquentation balisée <strong>et</strong>d'autre part <strong><strong>de</strong>s</strong> difficultés réelles à lareproduction <strong><strong>de</strong>s</strong> schémas classiquesd'itinérance. Pour <strong>de</strong> nombreux Voyageurs,les aires d'accueil ont introduit une gênedans leur circulation au point que certains nepuissent plus voyager. C<strong>et</strong>te « gêne »mentionnée par les familles relève du faitque l'ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> législations ont pourvocation implicite leur sé<strong>de</strong>ntarisation <strong>et</strong> leurassignation à rési<strong>de</strong>nce. Paradoxe <strong>de</strong> lalégislation, les aires d'accueil ont été crééespour mieux contrôler les Voyageurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>fait les inviter à la sé<strong>de</strong>ntarité. Pourtant, lesrèglements intérieurs <strong><strong>de</strong>s</strong> aires d’accueil sontstricts : les durées <strong>de</strong> stationnement nepeuvent excé<strong>de</strong>r quelques mois. C’est ce queprécise la circulaire relative à l’application <strong>de</strong>la loi Besson <strong>de</strong> 2000 : La durée maximum <strong><strong>de</strong>s</strong>éjour autorisée est définie au vu <strong>de</strong> l’évaluation <strong><strong>de</strong>s</strong>besoins du schéma départemental. Elle est préciséedans le règlement intérieur <strong>de</strong> l’aire d’accueil. Elledoit être adaptée aux capacités d’accueil sur lacommune ou les communes environnantes, prévuespar le schéma. D’une manière générale, le règlementintérieur ne doit pas prévoir une durée continue <strong>de</strong>
n°6 <strong>2010</strong> 61séjour supérieure à neuf mois, ce qui n’exclut pas lapossibilité <strong>de</strong> dérogation en cas <strong>de</strong> situationparticulière (hospitalisation <strong>de</strong> longue durée d’unmembre <strong>de</strong> la famille, activité professionnelle parexemple) (Source : Circulaire UHC/IUH1/12no 2001-49 du 5 juill<strong>et</strong> 2001 relative àl’application <strong>de</strong> la loi no 2000-614 du 5 juill<strong>et</strong>2000 relative à l’accueil <strong>et</strong> à l’habitat <strong><strong>de</strong>s</strong> gensdu voyage).De la résilience au développement <strong>de</strong>comportements dynamiques :l'autonomie dans la circulationLa mise en place <strong><strong>de</strong>s</strong> lois sur lestationnement <strong>et</strong> la circulation 3 <strong><strong>de</strong>s</strong>Voyageurs ont <strong>de</strong> réelles répercussions surles pratiques <strong><strong>de</strong>s</strong> groupes. Le travail <strong>de</strong>terrain effectué en Poitou-Charentes <strong>et</strong> enrégion wallonne a permis <strong>de</strong> voir la diversité<strong><strong>de</strong>s</strong> comportements développés en réponse àces politiques publiques.Premièrement, certaines familless'inscrivent dans une logique <strong>de</strong>« soumission » <strong>et</strong> modifient leur mobilité.Les pratiques circulatoires <strong>de</strong>viennentorientées spatialement. C'est l'objectifimplicite <strong>et</strong> premier du législateur avec lamise en place <strong><strong>de</strong>s</strong> lois sur le stationnement.La halte <strong>de</strong>vient compliquée <strong>et</strong> « brouille » lepotentiel mobile <strong><strong>de</strong>s</strong> groupes. Lasé<strong>de</strong>ntarisation est alors considérée commela seule issue possible. Dans ce cas précis,l'arrêt <strong>de</strong> la mobilité n'est pas uniquement lefruit d'une précarisation <strong><strong>de</strong>s</strong> familles, ce sontles conditions <strong>et</strong> les modalités danslesquelles la circulation peut être pratiquéequi la ren<strong>de</strong>nt complexe. Les principales3 La loi du 3 janvier 1969 sur l’exercice <strong><strong>de</strong>s</strong>professions ambulantes vient également rendrecomplexe la poursuite <strong>de</strong> la circulation. Néanmoins, leproblème <strong><strong>de</strong>s</strong> aires d’accueil, lieux <strong>de</strong> halte artificielleparaissent être le souci majeur pour les familles <strong>de</strong>Gens du Voyage encore circulantes. Les difficultéséconomiques viennent renforcer c<strong>et</strong>te gêne. Lapolyvalence, l’adaptabilité professionnelle <strong>et</strong>économique qui leur sont reconnues (Reyniers, 2005 :66) nous perm<strong>et</strong>tent d’avancer que les problèmes liéesaux conditions <strong>de</strong> haltes précé<strong>de</strong>nt les difficultéséconomiques.activités économiques <strong><strong>de</strong>s</strong> familles étantdépendantes <strong>de</strong> la mobilité, la sé<strong>de</strong>ntaritéimplique leur restructuration. L'équilibre quepeut conférer le voyage aux activitéséconomiques est rompu, les savoir-fairedoivent être pensés autrement. Les famillesdoivent s'organiser à présent selon la fixité.L'impact <strong>de</strong> la sé<strong>de</strong>ntarisation sur l'unité <strong>et</strong> lacohésion du groupe est réel. Différentscomportements peuvent se développer suiteà l’arrêt <strong>de</strong> la circulation. Celui du replicommunautaire où toutes relations, pourtantutiles, avec la société environnante sontrompues : c'est le cas par exemple d'ungroupe <strong>de</strong> manouche <strong>de</strong> Charente-Maritime,qui en 2004, s'appropria un espace <strong><strong>de</strong>s</strong>tationnement géré par l'APTGV 4 . Lesmédiateurs sociaux <strong>de</strong> ce centre social, nepouvaient plus s'y rendre, le climat était<strong>de</strong>venu dangereux. C<strong>et</strong> espace <strong><strong>de</strong>s</strong>tationnement était <strong>de</strong>venu une zone <strong>de</strong>non-droit. Ou encore celui <strong>de</strong>l’individualisation <strong><strong>de</strong>s</strong> comportements. Eneff<strong>et</strong>, certains groupes qui déci<strong>de</strong>nt d'arrêterle voyage, acquièrent au fur <strong>et</strong> à mesure dutemps, <strong><strong>de</strong>s</strong> habitu<strong><strong>de</strong>s</strong> individuelles. Lesouhait <strong>de</strong> se r<strong>et</strong>rouver en couple sur unterrain, ou celui que les enfants prennentleur indépendance est parfois une <strong>de</strong>man<strong>de</strong><strong>de</strong> certains Voyageurs. C'est le cas <strong>de</strong> cecouple rési<strong>de</strong>nt en Dordogne : après unesé<strong>de</strong>ntarisation récente <strong>et</strong> plus ou moinsvoulue, ce groupe est composé <strong>de</strong> la« Manmie » (Grand-Mère), <strong>de</strong> ses enfants quieux-mêmes ont eu <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants. Ils résidaienttous sur un même terrain familial en 2005.C’est lors d’une rencontre en Charente-Maritime, à l’occasion d’une réunion familialpendant l’été, que la fille <strong>de</strong> la Manmie s’estlivrée. Elle a confié qu’elle avait <strong>de</strong> plus enplus <strong>de</strong> difficultés à vivre à proximité directeavec ses enfants, qu’elle souhaiteraitmaintenant que ses enfants aient leur propr<strong>et</strong>errain afin d’être un peu plus tranquille.Alors, avec son mari, elle a décidé <strong>de</strong> vendrele terrain sur lequel ils résidaient tousensemble pour faire l’acquisition d’une autre4 APTGV: Association pour la Promotion <strong><strong>de</strong>s</strong>Tsiganes <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Gens du Voyage – Mise en liquidationjudiciaire en 2007 par le Tribunal <strong>de</strong> Saintes (17)
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