74 n°6 <strong>2010</strong>autrement dit, par les populations tsiganeselles-mêmes, par les capacités d'adaptationdont elles font preuve. Cependant,aujourd’hui l’équilibre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te i<strong>de</strong>ntité paraîtmenacé. La société française a connu <strong>de</strong>profonds changements <strong>de</strong>puis la Secon<strong>de</strong>Guerre mondiale mais la nature <strong><strong>de</strong>s</strong>changements actuels diffère <strong><strong>de</strong>s</strong> adaptationsprécé<strong>de</strong>ntes. Les capacités d’adaptation queces populations ont montré jusqu’àmaintenant sont dépassées. C<strong>et</strong>te menace estprincipalement le fait <strong><strong>de</strong>s</strong> sociétésenvironnantes qui ont subi d'importantesmutations <strong>de</strong>puis la Secon<strong>de</strong> GuerreMondiale. La France a été affectée dans sonpeuplement, son économie, son mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>consommation. On assiste à undépeuplement <strong><strong>de</strong>s</strong> régions rurales <strong>et</strong> à uneurbanisation croissante. Ces mutationsatteignent aussi les populations tsiganes. Lesquestions alors soulevées sont d’autant plusfondamentales que les rapports entr<strong>et</strong>enuspar les populations tsiganes avec leurenvironnement conditionnent l’existence <strong>de</strong>c<strong>et</strong>te minorité. Les contraintes récentes sontautant d’ordre social <strong>et</strong> économique queréglementaires.Les Tsiganes sont souvent perçus dansles représentations collectives comme vivanten marge <strong>de</strong> la société (sous-entendu lasociété <strong><strong>de</strong>s</strong> gadjé). C’est à dire que les tsiganesconstituent un groupe qui a sa propreculture, ses valeurs, son histoire particulière,malgré une gran<strong>de</strong> diversité interne. Lapopulation tsigane peut être considéréecomme marginal au vu <strong><strong>de</strong>s</strong> problèmes qu’ellerencontre (accès aux soins, à l’emploi, auxai<strong><strong>de</strong>s</strong> sociales, l’éducation, l’accès aux <strong>de</strong>voirscitoyens, la précarité, l’exclusion). Lestsiganes sont victimes <strong>de</strong> fortesdiscriminations liées essentiellement à leurstyle <strong>de</strong> vie (mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie communautaire,mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie caractérisé par le nomadisme –même si aujourd’hui la plupart sontsé<strong>de</strong>ntaires). Cependant, on peut direégalement que les tsiganes sont aussi laissés àla marge par la société : par exemple, lesaires d’accueil sont souvent installées auxlimites <strong><strong>de</strong>s</strong> communes.Mais, si les tsiganes vivent parfois enmarge <strong>de</strong> la société, ils ne vivent cependantpas aux marges <strong>de</strong> la société (Humeau,1995). Ils vivent au cœur même <strong>de</strong> c<strong>et</strong>tesociété. Les tsiganes sont traditionnellementtout à fait intégrés dans la société, <strong>de</strong> par leuréconomie, leur circulation <strong>et</strong> l’utilisation duterritoire (finalement on n'est pas surpris <strong>de</strong>voir <strong><strong>de</strong>s</strong> caravanes), la scolarisation <strong><strong>de</strong>s</strong>enfants… Ils ne vivent en aucune façon <strong>de</strong>manière indépendante <strong>et</strong> autonome. Mais lesTsiganes ont un rôle d'éternels étrangers, lapopulation les voit fréquemment comme <strong><strong>de</strong>s</strong>immigrés. De nombreux auteurs parlent <strong>de</strong>nomadisme parasitaire (Liégeois, 1983) dans lesens où les tsiganes ne sont pas <strong><strong>de</strong>s</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong>qui vivent en autarcie, mais <strong><strong>de</strong>s</strong> noma<strong><strong>de</strong>s</strong> quise sont adaptés pour vivre en symbiose avecla population sé<strong>de</strong>ntaire. Par ce nomadismeparasitaire, on entend un nomadisme quis’est développé aux dépens <strong>de</strong> la société <strong><strong>de</strong>s</strong>gadjé.Les bouleversements sociaux actuelsconcernent surtout le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie <strong><strong>de</strong>s</strong>tsiganes. Les tsiganes, au même titre que lereste <strong>de</strong> la population, se trouvent intégrésdans <strong>de</strong> nouveaux mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> consommation.Ainsi ils modifient leurs façons <strong>de</strong> vivre.C<strong>et</strong>te situation éloigne les familles <strong><strong>de</strong>s</strong>pratiques traditionnelles qui necorrespon<strong>de</strong>nt plus à la réalité <strong><strong>de</strong>s</strong> jeunes. Cesont ces <strong>de</strong>rniers les plus touchés par cesévolutions.Il est également important d’intégrerdans les bouleversements sociaux lasé<strong>de</strong>ntarisation, conséquence <strong>de</strong>l’urbanisation. Même si le clivage nomadisme/sé<strong>de</strong>ntarisationest assez complexe <strong>et</strong>relatif à chaque famille, <strong>de</strong> moins en moins<strong>de</strong> familles conservent un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> viecentré sur le voyage. L’urbanisationcroissante modifie les caractéristiques <strong>de</strong> lamobilité. Les tsiganes suivent le mouvementgénéral d’urbanisation <strong>de</strong> la populationfrançaise. La <strong>de</strong>nsification du bâti a pourconséquence majeure la <strong><strong>de</strong>s</strong>truction <strong>de</strong> lieux<strong>de</strong> halte (entr<strong>et</strong>ien avec Mr Cuille, viceprési<strong>de</strong>ntdu Comité <strong>de</strong> Coordination pour
n°6 <strong>2010</strong> 75la Promotion <strong>et</strong> la Solidarité avec lesmigrants <strong>et</strong> les tsiganes, 11/02/2008).D’autre part les caravanes sont <strong>de</strong> plus enplus visibles dans le paysage urbain, <strong>et</strong>dérangent par conséquent davantage. Uneville est constituée <strong>de</strong> zones habitables, <strong>de</strong>zones <strong>de</strong> travail <strong>et</strong> <strong>de</strong> zones <strong>de</strong> circulation.Mais les tsiganes ne sont acceptés dansaucun <strong>de</strong> ces espaces.Ces bouleversements sontfondamentaux dans le sens où le facteuréconomique est un moteur premier <strong>de</strong> lamobilité tsigane. Ainsi ces bouleversementsaffectent donc la circulation <strong><strong>de</strong>s</strong> populationstsiganes. L’économie tsigane est fortementimbriquée aux sociétés d’accueil. C<strong>et</strong>teéconomie tsigane s’insère dans l’économie<strong>de</strong> la société majoritaire, qui en fixe le plussouvent les conditions même d’existence.C<strong>et</strong>te économie fonctionne sur un réseau <strong>de</strong>connaissances important entre tsiganes <strong>et</strong>non-tsiganes. Ces réseaux perm<strong>et</strong>tentl’appropriation d’un secteur : c’est parcequ’ils sont connus qu’ils vont revenir, grâceau fonctionnement du bouche à oreille entre« clients ». Le fonctionnement <strong>de</strong> c<strong>et</strong>teéconomie est souvent ignoré, négligé, voirméprisé. Ce mépris semble dû à uneinvisibilité <strong>et</strong> à une méconnaissance <strong>de</strong> c<strong>et</strong>teéconomie, nourrissant les stéréotypes lesplus répandus.Concrètement, qu’est ce quel’économie traditionnelle tsigane ? Untsigane a plusieurs compétences, combines,<strong>et</strong> plusieurs métiers. C<strong>et</strong>te polyvalence luiperm<strong>et</strong> <strong>de</strong> s’insérer plus facilement dansl’endroit où il se trouve. Les métierstraditionnels les plus répandus sont la chine,la récupération <strong>de</strong> métaux <strong>et</strong> <strong>de</strong> ferraille, lerempaillage, la vente sur les marchés, lesstands <strong>de</strong> foire, les fêtes foraines, l’étamage,l’aiguisage, ou encore les activités du cirque<strong>et</strong> du spectacle. Chaque groupe familial estplus ou moins spécialisé dans certainsdomaines. Les tsiganes interviennent dans<strong><strong>de</strong>s</strong> secteurs où les non-tsiganes ne sont pascompétitifs ou intéressés. On voit bien queles activités économiques sontessentiellement <strong><strong>de</strong>s</strong> prestations fournies à<strong><strong>de</strong>s</strong> non-tsiganes (fournitures intermittentes<strong>de</strong> marchandises, main d’œuvre, services).L’itinérance est un élémentindispensable à l’exercice <strong><strong>de</strong>s</strong> métierstraditionnels. Le nomadisme tsigane est unnomadisme dit commercial. Les tsiganes ontmis en place une territorialisationéconomique, ce qui signifie que leursdéplacements sont planifiés <strong>et</strong> qu’ils sont liésà <strong><strong>de</strong>s</strong> impératifs économiques (nécessité <strong><strong>de</strong>s</strong>e déplacer vers la clientèle), sociaux <strong>et</strong>familiaux. Tout cela forme un réseau.L'organisation du voyage est réfléchie <strong>et</strong>cohérente. Aujourd’hui le voyage se fait <strong>de</strong>moins en moins en famille, <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus enplus souvent <strong>de</strong> manière individuelle <strong>et</strong> à lajournée (cela peut s’expliquer par lephénomène <strong>de</strong> la sé<strong>de</strong>ntarisation du, entreautres, à la scolarisation <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants ou ladifficulté <strong>de</strong> trouver <strong><strong>de</strong>s</strong> places en airesd’accueil). Le voyage est <strong>de</strong> plus en plusdifficilement conciliable avec la sociétémo<strong>de</strong>rne.Toutefois, il faut aujourd’hui repenserl’économie tsigane à la lumière <strong><strong>de</strong>s</strong> grandsbouleversements dont est victime la sociététsigane. On a assisté dans les <strong>de</strong>rnièresdécennies à une disparition <strong><strong>de</strong>s</strong> métierstraditionnels qui ne trouvent plus <strong>de</strong> placedans les sociétés actuelles <strong>et</strong> à undéveloppement <strong>de</strong> nouvelles activitéséconomiques. Ainsi, la mécanisation <strong><strong>de</strong>s</strong>travaux <strong>de</strong> cueill<strong>et</strong>te, l’apparition <strong><strong>de</strong>s</strong>déch<strong>et</strong>teries, l’organisation <strong>de</strong> larécupération <strong><strong>de</strong>s</strong> métaux, les marchéssaturés, réduisent les possibilités <strong>de</strong> travail<strong><strong>de</strong>s</strong> tsiganes. De plus, les politiques visant àune meilleure visibilité <strong><strong>de</strong>s</strong> activités tsiganesvont à l’encontre <strong>de</strong> leur fonctionnementéconomique qui se situe en marge <strong>et</strong> dans lesfailles juridiques du système dominant. Lesréglementations se complexifient fortement,comme la législation relative au travailindépendant <strong>et</strong> à la protection <strong><strong>de</strong>s</strong>consommateurs. Par exemple pour le porteà porte : les clients ont maintenant 48h pourse rétracter. Malgré <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences
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