68 n°6 <strong>2010</strong>perm<strong>et</strong>tant aux groupes solidaires qui lessuivent <strong>de</strong> disposer d’un emplacement pourleurs caravanes, <strong>de</strong> l’eau <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’électricité.Les pasteurs offrent ainsi un service auxTsiganes composant la MTI. Ces <strong>de</strong>rniersn’ont plus qu’à s’installer sans se soucier <strong>de</strong>la semaine suivante. Malgré tout, lorsque lesinstitutions légitimes ou les riverains habitantà proximité du terrain où la convention s’estinstallée réagissent mal, les Tsiganes peuventse solidariser autour <strong>de</strong> leurs pasteurs pourles soutenir dans c<strong>et</strong>te confrontation. Eneff<strong>et</strong>, c<strong>et</strong>te arrivée importante <strong>de</strong> « Gens duVoyage » n’est pas sans provoquer <strong><strong>de</strong>s</strong>réactions d’hostilité comme nous avons pule constater durant nos observations <strong>de</strong> 2001à 2008 : terrains labourés avant leur arrivéeou après leur départ pour être certain qu’ilsne reviendront pas, manifestations d’hostilitéavec menaces <strong>de</strong> balancer du lisier <strong>de</strong>cochon sur les caravanes, barrage sur lesroutes, insultes, suspicions, ou même, <strong><strong>de</strong>s</strong>imples regards malveillants. Même <strong><strong>de</strong>s</strong> élusbienveillants envers une MTI finissentparfois par prendre parti pour leursadministrés afin <strong>de</strong> ne pas perdre la face.On peut dire que le début <strong>de</strong> la saison<strong><strong>de</strong>s</strong> MTI est marqué par le grandrassemblement annuel national <strong><strong>de</strong>s</strong>pentecôtistes tsiganes qui a lieu à Nevoy,dans le Loir<strong>et</strong> (environ 5 000 caravanes).C’est sur ce même terrain, qui appartient à laMission Évangélique Tzigane <strong>de</strong> France quese trouve l’École Biblique. Ce grandrassemblement, comme les MTI qui suivent,représente la possibilité pour les différentsgroupes solidaires <strong>de</strong> créer <strong>de</strong> nouvellesalliances, pour les jeunes femmes <strong>de</strong>rencontrer <strong><strong>de</strong>s</strong> prétendants éventuels. C’estla première occasion <strong>de</strong> l’année <strong>de</strong> ser<strong>et</strong>rouver tous ensemble : pères, mères,oncles, tantes, cousins, cousines… Unegran<strong>de</strong> effervescence règne sur le terrain,une humeur festive comme une forcearrogante. Comme durant toute la saison <strong><strong>de</strong>s</strong>MTI, les parleries se succè<strong>de</strong>nt, lestractations entre groupes alliés ou rivauxalimentent les discussions. Chaque groupesolidaire est fier <strong>de</strong> compter parmi sesmembres un imminent pasteur, ou un jeuneétudiant en formation à l’École biblique. Descollectes d’argent sont organisées pourfinancer une mission lointaine dans un autrepays où le pentecôtisme se développe parmiles populations rom. Des éloges au « peupl<strong>et</strong>sigane » sont affichés ici <strong>et</strong> là sur <strong><strong>de</strong>s</strong>panneaux, ou scandés au micro par unpasteur sur le podium sous un immensechapiteau où se succè<strong>de</strong>nt inlassablementchaque jour les réunions évangéliques, lesbaptêmes, les discours, les prêches, lesimpositions <strong><strong>de</strong>s</strong> mains, <strong>et</strong> les expressionsglossolales. C’est aussi la force qui émaned’une assemblée qu’échauffe une passion commune(…) <strong>et</strong> quand l’assemblée est dissoute, (…) nouspouvons alors mesurer toute la hauteur dont nousavions été soulevés au <strong><strong>de</strong>s</strong>sus <strong>de</strong> nous-mêmes(Durkheim, 1990).Le grand terrain <strong>de</strong> Nevoy sonnecomme le cœur <strong>de</strong> la Mission ÉvangéliqueTzigane. Cinquante ans après les premiersfrémissements du « Réveil », le pentecôtism<strong>et</strong>sigane s’est amplifié <strong>et</strong> se targue d’avoir plus<strong>de</strong> 100 000 adhérents en France <strong>et</strong> <strong>de</strong> s’êtrediffusé dans plus <strong>de</strong> 50 pays parmi le peupleRom. Les pentecôtistes, majoritaires à laCommission Consultative Nationale <strong><strong>de</strong>s</strong>Gens du Voyage, savent qu’ils représententune force sociale même s’ils se défen<strong>de</strong>nt,comme le disait leur Prési<strong>de</strong>nt, <strong>de</strong> ne pas être<strong><strong>de</strong>s</strong> anarchistes ou une organisation politique poursemer le désordre, mais juste pour être ensemble.Très similaire aux organisationspentecôtistes relativement pyramidalesobservées par Sylvie Pédron-Colombani auGuatemala (Pédron-Colombani, 1998), laMission Évangélique Tzigane <strong>de</strong> France est« dirigée » <strong>de</strong>puis plusieurs années par lePrési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’association « Vie <strong>et</strong> Lumière »Jimmy Meyer. Longtemps dominé parClément Le Cossec considéré trèshonorablement comme « l’apôtre <strong><strong>de</strong>s</strong>Tsiganes » 4 , Jimmy Meyer fait partie <strong><strong>de</strong>s</strong>premiers cadres formés. Il semble avoiratteint une gran<strong>de</strong> estime <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> lamajorité <strong><strong>de</strong>s</strong> convertis <strong>et</strong> avoir pris la relève4 Revue <strong>de</strong> la MET « Vie <strong>et</strong> Lumière », n° 173, 2001,p. 2.
n°6 <strong>2010</strong> 69avec un franc succès. Cependant, sereprésenter le système pentecôtiste <strong>de</strong>manière pyramidale est insuffisant pour lecomprendre <strong>et</strong> même d’une certainemanière, peut aliéner notre perception. Lepentecôtisme perm<strong>et</strong> avant tout la créationd’une famille symbolique, <strong>et</strong> aussi larestructuration d’une famille réelle (Pédron-Colombani, 1998), <strong><strong>de</strong>s</strong> communautés <strong>de</strong>fraternité (Pédron-Colombani, 1998) <strong>et</strong>l’entrai<strong>de</strong> même en milieu urbain. C<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnièreremarque est importante. Compte tenu <strong>de</strong>l’urbanisation croissante <strong>de</strong> la sociétéfrançaise <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> difficultés <strong><strong>de</strong>s</strong> Tsiganes àr<strong>et</strong>rouver une place, un sens à leur existencedans la cité, le pentecôtisme perm<strong>et</strong> avec lessalles <strong>de</strong> réunion évangélique tsigane – il enexiste trois rien que dans le Finistère,territoire privilégié pour notre recherche –<strong>de</strong> tisser du lien entre les groupes solidaires<strong>et</strong> <strong>de</strong> résister à l’atomisation. Lepentecôtisme perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> découvrir unecommunauté chaleureuse, amicale, <strong>de</strong> trouver lareconnaissance à l’intérieur d’un groupe, un statut,un rôle, une valorisation individuelle (Pédron-Colombani, 1998). Le pentecôtisme, comme<strong>de</strong> nombreux courants religieux, renforce lessolidarités mécaniques, <strong>et</strong> au-<strong>de</strong>là, perm<strong>et</strong>d’étendre ses alliances <strong>et</strong>, pourrait-on dire <strong>de</strong>façon plus familière, <strong>de</strong> ne pas se perdre <strong>de</strong> vue.Une MTI perm<strong>et</strong> pendant près <strong>de</strong>trois mois <strong>de</strong> parcourir 800 km, d’étendreainsi son territoire d’influence, sespossibilités d’échanges économiques, <strong>de</strong>marché, <strong>de</strong> travail, mais aussi… <strong>de</strong> prendre<strong><strong>de</strong>s</strong> vacances <strong>et</strong> <strong>de</strong> s’éva<strong>de</strong>r pendantquelques jours d’une zone urbaine ! Deuxgroupes solidaires peuvent s’allierexceptionnellement pour former une MTI.Si l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> responsables <strong>de</strong> la MTI est encoreun étudiant <strong>de</strong> l’École Biblique, il estgénéralement accompagné <strong>de</strong> son tuteur quile gui<strong>de</strong>, le parraine, bref, le forme autantpour la conduite <strong>et</strong> l’organisation <strong>de</strong> la MTIque pour les pratiques <strong>et</strong> considérations plusstrictement religieuses. Des diacress’occupent <strong>de</strong> tout ce qui est matériel, dun<strong>et</strong>toyage <strong><strong>de</strong>s</strong> terrains occupés, <strong>et</strong> du serviced’ordre. Les étudiants, les équipes <strong>de</strong>pasteur, les parrains sont tous accompagnés<strong>de</strong> leurs groupes solidaires respectifs, oud’une partie <strong>de</strong> celui-ci. Les pasteurs, lesétudiants sont les garants du bondéroulement <strong>de</strong> la MTI. Ils <strong>de</strong>vront assurerles relations avec les élus, les institutionslégitimes, signer les papiers, les « contrats »passés entre eux <strong>et</strong> les collectivités, s’assurer<strong>de</strong> laisser autant que possible, un bontémoignage. Laisser un bon témoignage, c’estparfois aussi entr<strong>et</strong>enir les meilleuresrelations possibles avec les habitants <strong><strong>de</strong>s</strong>maisons proches <strong>de</strong> la MTI comme offrir<strong><strong>de</strong>s</strong> ca<strong>de</strong>aux, rendre visite <strong>et</strong> rassurer lescommerçants proches. Ce travail est difficile,car nombreuses sont les communes quiacceptent difficilement leur présence.Les pasteurs collectent <strong>de</strong> l’argentauprès <strong><strong>de</strong>s</strong> membres <strong><strong>de</strong>s</strong> groupes solidairesfondant la MTI pour payer les différentsfrais : carburant pour le groupe électrogène,déplacements en voiture… Il n’est pasimprobable que l’équipe <strong>de</strong> pasteursconserve une partie <strong>de</strong> c<strong>et</strong> argent pour serémunérer, mais si c’est le cas, les Tsiganesqui suivent ou « profitent » <strong><strong>de</strong>s</strong> servicesofferts par la MTI, acceptent c<strong>et</strong> échangesans se plaindre tout en étant très exigeants.Les pasteurs ne doivent pas faillir dans leurmission organisatrice, leur honneur est enjeu. Ce service est une délégation <strong>de</strong>l’organisation d’un « nomadisme » pendantune durée <strong>de</strong> trois mois au rythmehebdomadaire. Bien organisée, une MTIperm<strong>et</strong> à <strong>de</strong> nombreux Tsiganes d’êtreensemble dans une gran<strong>de</strong> sérénité.Si comme le sociologue Alain Reyniersl’avançait en 1992, les (…) tsiganes[concentraient] un potentiel <strong>de</strong> relations sociales <strong>et</strong> <strong>de</strong>ressources économiques dans une région [<strong>et</strong> qu’] ils[n’étaient] pas facilement portés à prospecter <strong>de</strong>nouvelles contrées, à moins qu’ils n’y soient obligéspar un conflit interne ou qu’ils ne le déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>façon collective (Reyniers, 1992), alors les MTIont profondément changé leurs habitu<strong><strong>de</strong>s</strong> !Les groupes solidaires tsiganesobservés dans le Finistère sont les héritiers
- Page 3 and 4:
n°06 2010Rroms & Gens du Voyagee-m
- Page 5 and 6:
n°6 2010 3collectivités locales,
- Page 7 and 8:
n°6 2010 5DOSSIERRejets éternels
- Page 9 and 10:
n°6 2010 7Le comte était de retou
- Page 11 and 12:
n°6 2010 9du propriétaire du terr
- Page 13 and 14:
n°6 2010 11En 1971, à Dung, dans
- Page 15 and 16:
n°6 2010 13errants sans fortune. E
- Page 17 and 18:
n°6 2010 15mais doivent leur perme
- Page 19 and 20: n°6 2010 17Les aires de réclusion
- Page 21 and 22: n°6 2010 19dans les rues du bourg
- Page 23 and 24: n°6 2010 21pour réglementer le st
- Page 25 and 26: n°6 2010 23périphériques 59 . La
- Page 27 and 28: n°6 2010 25Or que publie La Voix d
- Page 29 and 30: n°6 2010 27a) en raison de la cré
- Page 31 and 32: n°6 2010 29Se dire Manouche, Rom,
- Page 33 and 34: n°6 2010 31combinaison de processu
- Page 35 and 36: n°6 2010 33distingués et ont dét
- Page 37 and 38: n°6 2010 35situations et les éche
- Page 39 and 40: n°6 2010 37groupes Roms, Gitans et
- Page 41 and 42: n°6 2010 39Tableau n°1 : Comparai
- Page 43 and 44: n°6 2010 41de la pratique du voyag
- Page 45 and 46: n°6 2010 43pourquoi, elle ne peut
- Page 47 and 48: n°6 2010 45Liégeois, Jean-Pierre
- Page 49 and 50: n°6 2010 47surgit parmi nous, au c
- Page 51 and 52: n°6 2010 49à la grande transforma
- Page 53 and 54: n°6 2010 51ségrégations à l’i
- Page 55 and 56: n°6 2010 53« Docteurs, dit-il, no
- Page 57 and 58: n°6 2010 55Bourdieu, Pierre ; Cham
- Page 59 and 60: n°6 2010 57C'est au bout de quelqu
- Page 61 and 62: n°6 2010 59financière fixe. L'enc
- Page 63 and 64: n°6 2010 61séjour supérieure à
- Page 65 and 66: n°6 2010 63Le choix et l'autonomie
- Page 67 and 68: n°6 2010 65Les Missions Tsiganes I
- Page 69: n°6 2010 67ont constitué une mém
- Page 73 and 74: n°6 2010 71Les MTI sont en pratiqu
- Page 75 and 76: n°6 2010 73Le pentecôtisme : nouv
- Page 77 and 78: n°6 2010 75la Promotion et la Soli
- Page 79 and 80: n°6 2010 77Actuellement se dévelo
- Page 81 and 82: n°6 2010 79visibilité des populat
- Page 83 and 84: n°6 2010 81source de remobilisatio
- Page 85 and 86: n°6 2010 83VIE DU LABO« Mémoires
- Page 87 and 88: n°6 2010 85hommes accueillis dans
- Page 89 and 90: n°6 2010 87cier, contourner, et co
- Page 91 and 92: n°6 2010 89aux droits affectant sp
- Page 93 and 94: n°6 2010 91(+62% entre 2007 et 200
- Page 95 and 96: n°6 2010 93jusqu’à l’ambassad
- Page 97 and 98: n°6 2010 91travailleurs immigrés,
- Page 99 and 100: n°6 2010 93résonance et de diffra
- Page 101 and 102: n°6 2010 95Parvenus au Gabon, ces
- Page 103 and 104: n°6 2010 97l’influence a certain
- Page 105 and 106: n°6 2010 99quartier de Takadoum à
- Page 107 and 108: n°6 2010 101en partance vers Istan
- Page 109: n°6 2010 103sous des angles histor