24 n°6 <strong>2010</strong>comprennent fort bien que lesréglementations du stationnement, <strong>de</strong> lacirculation <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> professions <strong><strong>de</strong>s</strong> Tsiganes <strong>et</strong>noma<strong><strong>de</strong>s</strong>, convergent pour le maintien d'unordre, d'une tranquillité <strong>et</strong> d'une salubritépublique dont elles seront tout autantbénéficiaires que les pouvoirs centraux. Lesdissensions entre maires <strong>et</strong> préf<strong>et</strong>s, <strong>et</strong> lepassage par le tribunal administratif, ne sontqu'escarmouches entre gens <strong>de</strong> mêmecompagnie, qui finissent par s'accor<strong>de</strong>r, <strong>et</strong>que le temps fera s'accor<strong>de</strong>r. À partir <strong>de</strong>1980, le rej<strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> uns <strong>et</strong> l'assimilation <strong><strong>de</strong>s</strong>autres n'existent que dans une opposition <strong>de</strong>forme, <strong>et</strong> non dans une opposition <strong>de</strong> fond.La solution finale qui satisfait la nécessité ducontrôle <strong>et</strong> l'humanisme du discours est lafin du voyage : chaque famille noma<strong>de</strong> auratrouvé place dans la case d'un terrain agréé ;la famille, dont les métiers reposaient sur lamobilité, <strong>de</strong>viendra assistée socialementtandis qu'elle sera assimilée culturellement 66 .Le rej<strong>et</strong> du noma<strong>de</strong> cessera faute <strong>de</strong>noma<strong><strong>de</strong>s</strong> à rej<strong>et</strong>er; mais il apparaîtra sousd'autres formes, liées à la ségrégation sociale.Jean-Pierre LiégeoisCentre <strong>de</strong> Recherches TsiganesUniversité Paris VAu 21 ème siècle : une régressionEntre chacun <strong><strong>de</strong>s</strong> paragraphes du texteprécé<strong>de</strong>nt, rédigé il y a trente ans, il seraitpossible d'inscrire un nouveau paragraphe,fondé sur l'actualité <strong>de</strong> <strong>2010</strong>. Il serait facile<strong>de</strong> le faire : à l'époque, intern<strong>et</strong> n'existait pas,<strong>et</strong> les ordinateurs personnels n'étaient pasencore accessibles ; aujourd'hui intern<strong>et</strong>nous apporte quotidiennement uneprofusion d'informations qui pourraientaisément illustrer <strong>et</strong> confirmer les analysesprésentées. Il serait d'ailleurs importantd'apporter ce complément, car celaperm<strong>et</strong>trait <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en lumière <strong>et</strong> <strong>de</strong>mesurer tant les permanences <strong>et</strong> lessimilitu<strong><strong>de</strong>s</strong> que les différences, d'analyserainsi les discours, leur fonction en relationavec les attitu<strong><strong>de</strong>s</strong> adoptées <strong>et</strong> lescomportements qui en découlent, lesfonctionnements <strong>et</strong> dysfonctionnementsinstitutionnels, les hiatus ou lesaccommo<strong>de</strong>ments entre les différentsniveaux du pouvoir, en bref c<strong>et</strong>temicrophysique du pouvoir comme la nommaitMichel Foucault, pour laquelle les Tsiganes,Roms ou « Gens du voyage » sont <strong>de</strong> bonsanalyseurs 67 .Par exemple dans le texte ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus,j'écrivais :Il arrive aussi que les Tsiganes serventd'enjeu politique, comme à Lille <strong>et</strong>Lambersart où les municipalités <strong>de</strong> gauche <strong>et</strong><strong>de</strong> droite se combattent <strong>et</strong> s'accusent <strong>de</strong>puis<strong><strong>de</strong>s</strong> années par Tsiganes interposés au suj<strong>et</strong>du stationnement 68 .66 La possibilité <strong>de</strong> nomadisme est pour lespopulations tsiganes un élément <strong>de</strong> cohésion <strong>et</strong> <strong>de</strong>dynamisme culturels. Cf. J.-P. Liégeois, « LesTsiganes, culture <strong>et</strong> nomadisme », Cultures, UNESCO,n° 2, 1977, pp. 89-103. Le titre anglais est aussirévélateur : « Gypsies : cohesion within dispersion ».67 J'en ai analysé les raisons dans plusieurs textes,notamment <strong>de</strong>puis 1977 dans « Une autopsie dutravail social <strong>de</strong> prévention », in Idéologie <strong>et</strong> pratique dutravail social <strong>de</strong> prévention (J.-P. Liégeois, dir.) EditionsPrivat, Toulouse, 1977, pp. 13 à 22, « Travailleurssociaux <strong>et</strong> minorités culturelles », in ibid. pp. 23 à 136ou encore « Le discours <strong>de</strong> l'ordre, pouvoirs publics<strong>et</strong> minorités culturelles » in Esprit, Paris, mai 1980, pp.17 à 44.68 Voir J.-P. Liégeois, « Expulser les noma<strong><strong>de</strong>s</strong>, le cas<strong>de</strong> Lille » Esprit, mars 1981.
n°6 <strong>2010</strong> 25Or que publie La Voix du Nord, enjuill<strong>et</strong> <strong>2010</strong> ?Au père Arthur, qui lui téléphonait c<strong>et</strong>tesemaine, l'adjointe lilloise à la solidarité aopposé un ni<strong>et</strong> catégorique. Lille n'a pasvocation à accueillir toute la misère du mon<strong>de</strong>,<strong>et</strong> en prend déjà sa part, selon la socialiste. «On a 1 200 places d'hébergement, 30 % <strong>de</strong>l'agglomération. C'est toujours pareil, onamène la pauvr<strong>et</strong>é là où elle est déjà. Le pèreArthur peut aller <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à Bondues,Marcq-en-Baroeul ou Lambersart. » (...)Moralité, quand Lambersart virera à gauche<strong>et</strong> qu'Aubry prési<strong>de</strong>nte ira négocier unesolution européenne à Bruxelles, les Romsseront sauvés. 69Depuis plus <strong>de</strong> trente ans la partie <strong>de</strong>ping-pong se poursuit ainsi entre <strong><strong>de</strong>s</strong> villesvoisines, avec une balle qui s'appelait« Noma<strong><strong>de</strong>s</strong> », <strong>de</strong>venue « Gens du voyage »,puis « Roms ». Ainsi « le rej<strong>et</strong> séculaire » sepoursuit, qu'il soit, comme indiqué plushaut, simple, violent ou indirect. Les airesdites « d'accueil », quand elles existent, carleur nombre est notoirement insuffisant,restent dans leur conception <strong><strong>de</strong>s</strong> aires <strong>de</strong>réclusion. Rappelons qu'elles étaient conçuesen vue d'une assimilation <strong><strong>de</strong>s</strong> populationsconcernées, <strong>de</strong> leur apprentissage <strong>de</strong> la viesé<strong>de</strong>ntaire 70 . L'article analyse aussi ces rupturesbrutales dans la gestion <strong>de</strong> l'espace, parexemple lors du basculement <strong><strong>de</strong>s</strong> règlesd'urbanisme, quand le stationnement,d'autorisé partout sauf dans les lieuxinterdits, <strong>de</strong>vient interdit partout sauf dansles lieux autorisés. Véritable révolution,surtout quand les autorisations sontoctroyées <strong>de</strong> façon différentielle, ce quisignifie souvent discriminatoire dès lors qu'ils'agit <strong><strong>de</strong>s</strong> « Gens du voyage » : la caravane dutouriste n'est pas traitée comme celle du« Gens du voyage ».69 « Abriter <strong><strong>de</strong>s</strong> Roms dans une ex-école : la villerej<strong>et</strong>te la prière du père Arthur », Dimanche04.07.<strong>2010</strong>, 05:08 - La Voix du Nord.70 « Le discours <strong>de</strong> l'ordre, pouvoirs publics <strong>et</strong>minorités culturelles » op. cit.La situation actuelle n'est donc pasmeilleure. De plus les travailleurs sociaux,instruments <strong>de</strong> la politique d'assimilationmentionnée, qui avaient une approchehumaniste <strong>et</strong> un proj<strong>et</strong> pédagogique 71 , sontsouvent remplacés aujourd'hui par <strong><strong>de</strong>s</strong>sociétés <strong>de</strong> gestion, autant dire <strong>de</strong>gardiennage, qui se partagent, à la suite <strong><strong>de</strong>s</strong>appels d'offres lancés par les communes, unmarché lucratif. Leur cahier <strong><strong>de</strong>s</strong> charges <strong>et</strong>leurs objectifs ont le mérite d'être explicites :surveillance, sécurité, contrôle, protection<strong><strong>de</strong>s</strong> infrastructures, respect du règlement,perception <strong><strong>de</strong>s</strong> taxes <strong>de</strong> séjour <strong>et</strong> paiement<strong><strong>de</strong>s</strong> flui<strong><strong>de</strong>s</strong>. Le bien-être <strong>et</strong> la satisfaction <strong>de</strong>la clientèle ne sont pas souvent pris encompte. La législation <strong>et</strong> les réglementationsvont aujourd'hui encore plus loin, <strong>et</strong> à la fin<strong><strong>de</strong>s</strong> années 2000 le contrôle social estrecouvert par le contrôle policier.J'écrivais dans l'article queLe <strong>de</strong>rnier quart du 20e siècle s'ouvre malgrétout, pour les autorités locales, sur unenouvelle politique, avec un glissement, sous lapression <strong><strong>de</strong>s</strong> pouvoirs centraux mais avecbeaucoup <strong>de</strong> r<strong>et</strong>ard sur eux, d'une politiqued'exclusion à une politique <strong>de</strong> réclusion. Sil'exclusion se produit toujours, l'évolutionmontre qu'à côté du rej<strong>et</strong> coexiste la réclusion.L'observation s'est vérifiée, <strong>et</strong> dans le<strong>de</strong>rnier quart du 20 ème siècle le mouvementqui allait <strong>de</strong> l'exclusion à une inclusionsynonyme d'assimilation, ou à la « réclusion »par une relégation spatiale <strong>et</strong> la surveillancesur les terrains, a effectivement dominé. Lesautorités locales s'inclinaient peu à peu<strong>de</strong>vant les directives nationales menant à uneintégration spatiale <strong>et</strong> sociale <strong><strong>de</strong>s</strong> dénommés« Gens du voyage ». Certes, comme je l'aipublié ailleurs, la volonté d'assimiler n'ajamais réduit le désir d'exclure, <strong>et</strong> lespopulations locales ont encore bloquél'application <strong>de</strong> lois telles que la loi Besson<strong>de</strong> 1990, qui voulait favoriser un accueil, ens'inspirant <strong>de</strong> textes qui l'ont précédés,71 Voir Idéologie <strong>et</strong> pratique du travail social <strong>de</strong> prévention, op.cit.
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